Chien policier 2.0
Au mois de mars dernier, les médias d’Etat chinois ont annoncé que Kunxun, un chiot policier commence son programme de dressage. La particularité de Kunxun est qu’il n’a pas de parents ! En effet, le chiot a été cloné le 19 décembre 2018 à partir d’une chienne renifleuse âgée de 7 ans au nom de Huahuangma. L’expérience entreprise par Sinogene Biotechnology Company et Yunnan Agricultural University avait reçu le feu vert du Ministère de la Sécurité Publique chinois afin de réduire les coûts et temps de dressage des chiens policier.

Huahuangma avec son maître Li Hua, directeur de la police de Pu’er (Sinogene Biotechnology)
La technologie à l’appui des méthodes conventionnelles
En temps normal, le dressage d’un chien policier aurait coûté 500 000 yuan soit près de 100 000 dollars canadiens et au moins 4 années d’entraînement sans résultat garanti. La reproduction classique court le risque de diluer les qualités génétiques au fur et à mesure. Tout l’intérêt du clonage est de s’assurer que les générations futures aient les mêmes prédispositions essentielles que leur géniteur pour suivre une formation policière.
La « chienne-mère », Huahuangma n’est pas n’importe quel animal, elle avait reçu en 2016 la distinction civile la plus élevée (pour animaux de service) pour ses contributions à la résolution de nombre de meurtres, candidate parfaite pour le programme.
Ces chiens sont indispensables pour accompagner les forces de l’ordre dans leurs activités quotidiennes. Le meilleur ami de l’Homme vient compenser les lacunes du policier, contrairement à ce-dernier, le chien dispose d’un odorat exceptionnel. Ces chiens, ironiquement, humanisent certains modèles de policing actuels. En effet, avec l’essor de la société du risque et une militarisation palpable de la police, le policier individuel se déshumanise au sein du « intelligence-led policing ». Bien que les policiers d’élite s’anonymisent au moyen de balaclava, la présence du meilleur ami de l’Homme à leurs côtés rappellent que les forces de l’ordre demeurent humains. En outre, dans les modèles de policing communautaire et de proximité, à la manière de Chuck Norris dans Top Dog, le chien est un allié de taille. En effet, l’Homme est biologiquement programmé pour apprécier les chiens, par conséquent lors des interactions avec les citoyens, ces animaux facilitent l’établissement de relations de confiance. En outre, les médias apprécient fortement la présence du chien policier, car cela attendrit le stéréotype du chevalier anti-crime car ce-dernier serait capable d’affection pour son animal.
Toutefois, ces animaux demeurent des instruments redoutables dans l’arsenal des policiers. Ils peuvent être dressés pour détecter des explosifs, des substances illicites, des gens piégés et mêmes des comportements suspects ! De surcroît, la police dispose même de chiens de soutien pour réconforter les victimes d’infraction. Par ailleurs la présence de chiens renifleurs, formés ou non, à la manière des caméras de surveillance a un effet panoptique dans les aéroports, et sont suffisants pour déterrer les intentions criminelles.
De fait, malgré l’intégration de nouvelles technologies dans la panoplie du policier, l’Homme n’est toujours pas parvenu à répliquer l’odorat exceptionnel du chien. En effet, au Japon, le pays des robots et de séismes, avoue que pour l’heure, le meilleur capteur sensoriel demeure largement inférieur au flair naturel de canis lupus familiaris. En faisant preuve d’ingéniosité, les scientifiques japonais ont mis au point une solution hybride, unissant robot et chien. A la différence de Robocop des blockbusters, Robochien ne relève pas de la science-fiction. En effet, le chien est équipé d’un sac à dos d’équipement hi-tech, portant caméra et puce de localisation GPS, permettant au chien de se faufiler dans les décombres tout en transmettant en direct les images aux policiers et secouristes.

L’épagneul breton Gonta, 10 ans et 14 kg, doté entre autres d’une caméra et d’une puce de localisation GPS ( AFP/KAZUHIRO NOGI)
Il est d’une évidence que le chien et autres compagnons de l’Homme sont indispensables dans les missions policières. Nonobstant, la technologie de clonage demeure controversée au sein de la communauté scientifique.
Le débat autour du clonage
Pour revenir à notre Sherlock Holmes des chiens policiers, bien qu’il soit adorable, son existence est une abomination pour certains. En effet, le clonage se substitue aux moyens de reproduction classiques prévus par la Nature, soulevant des questions majeures d’ordre éthique. De fait, s’il est accepté qu’on puisse cloner un chien à des fins policières, rien n’empêche de cloner des humains pour que ces-derniers soient des policiers d’élite. Le simple fait de cloner ôte la raison d’être de l’être vivant. En prenant l’exemple du chien, si l’animal est exclusivement reproduit pour son odorat, il deviendra davantage un instrument qu’un compagnon, ce qui est encore largement inacceptable dans les sociétés démocratiques actuelles
Cependant, la production massive de clones comme Kunxun n’est pas pour tout de suite. Le procédé demeure trop coûteux par rapport au dressage classique d’un chien. Néanmoins, cette nouvelle venant d’Asie représente une occasion de revoir la place du chien tant dans la société que dans les forces de l’ordre. Par conséquent, il est nécessaire peut être d’un point de vue politique de relancer l’éthique d’employer des animaux au service de l’Homme et par extension sur le clonage.
Source photo de couverture :
https://www.independent.co.uk/news/world/asia/china-clones-police-dog-sherlock-holmes-training-beijing-a8831121.html ( Reuters/ China Daily )