Un sans-abri menacé par un policier

Depuis quelques années, plusieurs débats concernant la fiabilité et la modernisation des formations données aux agents de la paix sont au cœur des médias. Plusieurs organismes, militants et professionnels s’expriment sur la question. C’est le cas avec la Ligue des Droits et Libertés, Guillaume Ouellette (chercheur de l’UQAM) et Line Beauchesne (professeure en Criminologie à l’université d’Ottawa) qui eux, croient que le policier est rendu avec un nouveau mandat se rapportant davantage au travail d’un intervenant social qui doit œuvrer auprès d’une clientèle vulnérable et que leurs formations doivent être changées.

Comme nous le savons bien, la police est une organisation qui ne cesse d’évoluer depuis des centaines d’années. Historiquement, la police a vécu plusieurs changements. Débutant comme une organisation davantage militaire, elle est aujourd’hui considérée comme étant une organisation veillant à la sécurité de la population. Depuis les années 1980, avec l’apparition des polices communautaires, ces diverses organisations mettent une importance à la prévention des crimes par un contact plus « proche » auprès des citoyens et en impliquant divers autres acteurs dans le travail quotidien des policiers afin de préserver le sentiment de sécurité des citoyens.

 

Janvier 2014, métro Jean-Talon (Montréal)

Le SPVM était appelé à faire une intervention auprès d’un sans-abri qui était agressif au métro Jean-Talon. Lors de l’intervention du policier, un passant a capté le tout en vidéo où nous pouvons entendre les propos du policier :

« Je te dis. Si j’ai un autre appel au 9-1-1 pour toi, je t’attache une heure à un poteau. Je te le jure. Regarde-moi dans les yeux. Je te le jure. Je te le jure que je t’attache à un poteau pendant une heure. »  

Lorsque le policier était en intervention avec le sans-abri, nous pouvons voir dans la vidéo que son collègue observe la scène de sa voiture, sans intervenir.

 

Que pouvons-nous retenir de la situation à ce jour, en 2019 ?

Même si la situation date d’il y a quelques années, elle est pertinente à analyser. Comme mentionné plus tôt, les organisations policières sont dans un mouvement dit « communautaire » depuis déjà quelques années. Ce qui veut dire qu’ils font davantage de travail de proximité et s’assurent de développer un bon lien avec les citoyens de leur municipalité. Dans la situation du sans-abri, il y a matière à réflexion à analyser si la mission du policier a été respectée. Le duo de policiers a été appelé pour des motifs de sécurité : faire une intervention auprès d’un homme ayant un comportement agressif. Si nous observons bien la vidéo, nous voyons que le sans-abri, vêtu d’un chandail à manches courtes ainsi que d’un pantalon court, a le regard fuyant alors que le policier le menace. Comment se fait-il qu’avec une police dite plus communautaire, il y ait ce type d’intervention? Le sans-abri se retrouve légèrement habillé au mois de janvier alors qu’un policier le menace de l’attacher à un poteau. Comme mentionné dans l’article concernant la situation, le sans-abri est décrit comme ayant des problématiques de santé mentale. Selon les objectifs du fonctionnement « communautaire », les policiers doivent travailler en collaboration avec d’autres organismes et augmenter le sentiment de sécurité des citoyens.

Cet événement montre une certaine forme d’abus de pouvoir et rationnellement, d’un manque au niveau des valeurs du SPVM ainsi qu’à la mission première d’assurer la sécurité de la population. Il est à se demander si l’intervention faite par le policier assurait la sécurité physique et psychologique.

 

Faudrait-il changer les formations des policiers?

Le constat de divers acteurs sociaux serait favorable à avoir une modernisation des formations aux policiers.

« Le politique doit modifier les formations des policiers. Il leur faut connaître les réalités raciales, autochtones, les nouvelles réalités en matière d’agression sexuelle, mieux connaître les clientèles.» (Lyne Beauchesne, 2018)

Lyne Beauchesne explique qu’il faut davantage une police « humaine » et que ceux-ci n’ont pas les connaissances requises pour intervenir auprès d’une clientèle vulnérable. Dans la revue de la Ligue des Droits et Liberté d’automne 2018 (les exemplaires se vendent sur leur site), plusieurs articles traitent des deux sujets plus principaux que fait l’analyse de la situation de janvier 2014. En effet, on y voit des articles traitant sur le fait que les problèmes sociaux sont maintenant pris en charge par les policiers (et où il y a d’autres exemples plus concret, mais qui ont mené à la mort de deux hommes itinérants suite à des interventions du SPVM) ainsi que d’autres articles traitant plus de la brutalité policière.

Par contre, si nous regardons au niveau du SPVM, ils semblent accueillir les critiques concernant leurs interventions. En effet, L’Équipe mobile de référence et d’intervention en itinérance (EMRII) a été créée en 2009 afin d’avoir une équipe spécialisée pour intervenir en situation d’itinérance.

Dans le cas de janvier 2014, il en est de dire qu’il s’agit d’une certaine forme de brutalité policière puisqu’en regardant les faits, le policier menace d’utiliser un châtiment cruel et inusité contre l’individu (ce qui est à l’encontre de l’article 12 de la charte canadienne des droits et libertés).

Comme mentionné par les services de police, la prévention du crime est un aspect clé de notre époque. Peut-être serait-il pertinent de mettre de l’importance au niveau de la prévention de ce genre de conduites afin que les policiers puissent effectuer leur rôle en conformité avec leurs protocoles, leurs valeurs et leurs missions tout en apportant l’aide nécessaire aux personnes vulnérables.