Les relations chaotiques entre citoyens et forces policières en France
« Face à la présence d’un policier, vous sentez-vous rassuré, inquiet, agressé, provoqué ou indifférent ? »[1].

Il s’agit d’une des questions posées par la Direction générale de la Police nationale lors d’un questionnaire de satisfaction en 2014.
Cette proposition, extraite d’un questionnaire-type édicté par la Direction Générale de la Police nationale pour sonder le degré de satisfaction de la population envers sa police, interpelle sur le malaise actuel. De cette enquête IFOP de novembre 2013, moins de 15% des personnes interrogées considèrent les policiers comme proches de la population.
La police et les citoyens d’un Etat doivent entretenir un lien de confiance étroit. Pourtant, comme l’a dit Sébastien Roché[2] : « La légitimité d’une organisation peut se mesurer à sa capacité à se faire obéir, mais, précision critique, à condition que l’obéissance repose sur le consentement ».
Les citoyens français accordent-ils une pleine confiance aux forces policières ?
Dernièrement, la police, ayant pour objectif de répondre aux besoins d’une collectivité, ne parvient pas à faire l’unanimité parmi la population qu’elle doit protéger.
Pour Egon Bittner, sociologue américain, « La police est un mécanisme pour la distribution non-négociée de la force coercitive, utilisée en accord avec ce que dicte une saisie intuitive des exigences d’une situation ». La notion de consentement est absente de la définition. Sa capacité de contrainte n’est donc pas légitimée par la confiance que lui accorde la population.
Dans le podcast France Culture, « Comment réconcilier les Français avec leur Police ? », Manuel Boucher, professeur de sociologie, exprime clairement le besoin de remettre en question le modèle de police actuel, dit « continental autoritaire ». Pour lui, La culture policière française est basée sur l’idée que pour prévenir le crime, il faut avoir peur du gendarme. Ce modèle amène de manière structurelle à développer des relations de méfiance réciproque entre la population et la police de rue.
Depuis les années 2000, s’est développée une police dite de sécurisation, voire de répression en particulier dans les quartiers populaires. Elle a mis à bas un autre modèle, celui de la police dite « communautaire », dont l’objectif est d’avoir le soutien de la population pour prévenir le crime, en développant notamment la police de proximité.
Cette police communautaire rappelle la « police consensuelle », concept développé par Robert Peel au début du XIXème siècle. Cette police avait pour mandat de n’exercer qu’une force minimale pour résoudre le confit, justement car des citoyens sont impliqués et qu’il faut absolument éviter de perdre leur confiance. Elle insistait sur la coopération entre police et population plutôt que d’exercer un rapport de force sur elle.
Depuis le 17 novembre 2018, date de la première manifestation du mouvement des « gilets jaunes » à Paris, il est permis de requestionner les rapports qu’entretiennent la police et la population française.
Dans l’article du Monde[3], « La haine de la police est un trait constitutif de la société française », Allan Kaval, le journaliste, fait pourtant état, contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, d’un taux élevé de confiance des français envers la police[4], en l’occurrence 74%. Elle rentre dans le top 5 des institutions auxquelles les français font le plus confiance.
Dans ce cas, comment expliquer ce contexte général de défiance envers les forces de l’ordre en France ?
Pour Allan Kaval, cette défiance remonte notamment à la fin des années 60, aux manifestations sociales de mai 68. Les confrontations violentes, par certains aspects comparables aux manifestations des gilets jaunes aujourd’hui[5], peuvent de point d’ancrage pour tenter de comprendre cette défiance.
Les décennies qui suivent la seconde guerre mondiale voient se cristalliser cette distance. La police française demeure une police de contrôle et peine à se transformer en une police de service public. Sa priorité consiste à prévenir les infractions : la relation quotidienne avec les administrés passe au second plan. Cet état de fait singularise la France par rapport à certains de ses voisins européens[6]
La police, détentrice du monopole de la force publique, symbolise l’Etat et ses représentants. Le journaliste analyse cette défiance de la population plutôt comme un rejet des institutions défendues par cette même police. Les diverses revendications du mouvement des Gilets jaunes, basées notamment sur la suppression de l’impôt sur la fortune, la hausse du prix du carburant, l’augmentation du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), se basent sur des leviers de pouvoir détenues par le pouvoir exécutif et législatif.
Les policiers et gendarmes, en tant que représentants physiques de l’autorité étatique, sont l’interface entre les manifestants et l’Etat.
Cependant, la forte médiatisation des violences, tantôt déployées par les policiers et décriées par l’utilisation d’armes envers la population, tantôt subies par les policiers, ne fait qu’alimenter ce contexte de tensions.
Avant de conclure à une dégradation
des relations, il faut d’abord prendre en compte un ensemble de facteurs. En
regardant davantage les statistiques officielles des dernières années plutôt que
de se concentrer uniquement sur le climat actuel ultramédiatisé, on se rend
compte que les citoyens tiennent aux forces de l’ordre et se considèrent
globalement satisfaits et en sécurité, surtout après les attentats ayant
touchés le pays en 2015.
Ping : Déploiement des forces militaires Sentinelle en France : l’armée pour le maintien de l’ordre, pragmatisme ou antinomie autoritaire ? | Actu Policing