Longueuil s’attaquera à la prostitution juvénile sur son territoire

Quoi qu’on en pense, le commerce du sexe fait partie intégrante de la plupart des sociétés modernes et il se déploie sous de multiples facettes. La prostitution, une des sphères de ce secteur, est d’ailleurs bien connue. Dernièrement, l’émission Fugueuse, diffusée sur les ondes de TVA, a mis en lumière un phénomène plutôt méconnu du grand public, soit la prostitution juvénile. À travers diverses scènes illustrant les rouages complexes de cette industrie, la série a fait connaître la face cachée de ce marché lucratif et a su soulever les passions du peuple québécois. Depuis, la prostitution juvénile et le proxénétisme semblent faire manchettes plus souvent qu’auparavant. Dans cet élan de médiatisation, certaines villes et banlieues ont dû se pencher sur cette réalité dans leur région.
Le Service de police de l’agglomération de Longueuil [SPAL], dirigé par Fady Dagher, a emboîté le pas en colligeant des données et en faisant enquête sur le terrain. C’est le 23 janvier 2019 que le SPAL a dévoilé le portrait global de la prostitution juvénile sur son territoire : 108 personnes exploitées sexuellement ou en danger de l’être, ainsi que 37 proxénètes. On dit d’ailleurs que l’âge moyen des jeunes femmes (en grande majorité) à leur entrée dans la prostitution est de 14 ans. À la lumière de ce bilan, le SPAL compte établir une équipe intégrée d’intervention et de soutien aux prostituées qui viendra en aide aux jeunes filles et femmes faisant ou ayant fait partie de ces réseaux, et en particulier celles qui sortent des centres jeunesse à leur majorité.
La fille est sur une île déserte. Elle est toute seule. Nous, on est une bouée de sauvetage, un escalier de secours. – Ghyslain Vallières, agent du SPAL. →
La nouvelle équipe, dirigée par deux femmes du service de police, sera entre autres en collaboration avec le CISSS de la Montérégie-Est et des organismes communautaires de la région pour prendre sous leurs ailes des victimes d’exploitation sexuelle qui veulent s’en sortir. Grâce à une subvention fédérale de 852 000$ sur cinq ans, le SPAL pourra mettre ce projet sur pied, lequel n’a pas d’équivalent ailleurs au Québec.
On compte d’ailleurs miser sur une approche humaniste et communautaire afin de ne pas repousser ou effrayer les futures aidées : on mettra de côté la judiciarisation et les aspects légaux, puis l’accent sera mis sur l’aide à l’hébergement, aux problèmes de santé comme la toxicomanie, et au développement des compétences.
Il est intéressant de constater la manière dont la police et ses services à la communauté évoluent par l’intermédiaire de la médiatisation d’une réalité jusqu’ici plutôt inconnue et incomprise. La prostitution juvénile est ainsi devenue un sujet d’actualité presque au même moment où le mouvement #Metoo a pris de l’ampleur. Bien que la série Fugueuse soit très informative et réaliste, on ne peut ignorer la curiosité qu’elle suscite et l’effet de peur qu’elle entraîne chez plusieurs parents d’adolescentes. Après la diffusion de la série, de multiples organismes communautaires ont vu leurs demandes d’aide augmenter pour ce genre de problématique et le sujet est devenu assez politisé. Nombre de groupes féministes et de porte-paroles d’organismes ont crié haut et fort que nous devions, en tant que société, nous attaquer à un tel fléau.
Peut-être la montée en popularité de ce sujet chaud a-t-elle alarmé le Service de police de l’agglomération de Longueuil quant au bien-être de ses jeunes citoyennes ? Ou est-ce une démarche plus politique et symbolique pour satisfaire sa population ? Quoi qu’il en soit, laissons le temps à l’organisation de faire ses preuves avec leur nouveau projet, lequel aura pour objectif la prévention via la sensibilisation et l’éducation, en plus de l’encadrement et du soutien psychologique. Le SPAL estime qu’il pourra rejoindre environ 375 personnes de ce milieu d’ici cinq ans. À suivre …