Ouverture de la commission Chamberland

La Commission Chamberland a vu le jour à la suite d’une controverse impliquant des enquêteurs policiers qui auraient eu accès aux relevés téléphoniques de journalistes. Par la suite, ces données personnelles et professionnelles des journalistes auraient été rendu publiques. Cette commission porte donc sur l’enjeu de la protection des sources journalistiques et a pour but précis de trouver un juste milieu entre deux intérêts publics, soit ceux de la libre circulation de l’information et de l’application de la loi/répression du crime.

Parmi les multiples enjeux reliés à cette controverse, il y en a deux qui sont précisément intéressants et qui ne sont pas cités mot pour mot dans les nombreux articles rédigés à ce sujet. D’abord, la relation ambiguë entre les corps policiers et les médias est directement affectée par ce scandale, ce qui représente un lourd handicap pour les deux parties. Ensuite, il est possible de se demander jusqu’où la police peut aller dans le choix de ses méthodes afin de résoudre un crime ou même, de le prévenir. Le renseignement criminel semble être devenu assez populaire parmi les corps de police, puisqu’il permet maintenant de diriger et d’orienter les opérations sur le terrain afin qu’elles soient de plus en plus efficaces. Cependant, il sera important d’en dicter les limites afin d’éviter tous types d’abus ou de manquements envers les droits et libertés des citoyens.

Relation police-médias

D’abord, la relation entre les policiers et les membres des médias est assez particulière, puisqu’elle est basée sur des besoins mutuels. D’un côté, la police doit prioritairement faire avancer ses enquêtes afin d’assurer la répression des crimes commis. Pour ce faire, elle a besoin de l’aide du public et des médias. Ainsi, les journalistes peuvent aider les services policiers lorsqu’ils ont besoin de mobiliser un grand nombre de citoyens, soit pour localiser  un fugitif ou bien pour identifier un suspect à l’aide d’un portrait-robot. De plus, les médias sont omniprésents dans la sphère publique et peuvent facilement influencer l’opinion du public, que cela soit positivement ou négativement. Conséquemment, c’est en partie pour sauvegarder cette notoriété auprès des citoyens que les services de police tiennent à maintenir une bonne relation avec le monde médiatique.

D’un autre côté, les médias cherchent fondamentalement à s’enrichir, et ce, à l’aide des cotes d’écoute. En d’autres mots, ils se servent de l’information afin de vendre et de faire des profits. Ainsi, ils tentent sans cesse de trouver de l’information sensationnaliste et intéressante qui attirera l’attention des téléspectateurs. Puisque le crime est l’un des sujets les plus populaires auprès du public, les médias ont besoin des sources policières pour  obtenir leurs contenus de nouvelles qui sont indispensables à l’accomplissement de leur mandat.

Cependant, les médias ont une perception bien particulière du canal de communication officiel, soit celui des services de polices. Ils considèrent que les services de relations médias diffuse un message généralisé et sans aucune exclusivité. En d’autres mots, ils jugent que le contenu fourni par la police n’est pas assez intéressant et exclusif pour attirer un nombre suffisant de cotes d’écoute. Pour remédier à la non-collaboration des fonctionnaires et des relationnistes, ils tentent de dénicher des sources à l’intérieur des services de police, ou encore, à l’extérieur en s’entretenant avec les citoyens.

Point de vue journalistique

En ce qui concerne les sources journalistiques ou citoyennes, elles doivent à tout prix rester confidentielles, et ce, pour leur propre sécurité. En effet, si elles sont identifiées, elles risquent de devenir la cible de provocations de toutes sortes, de perdre leur emploi, d’être poursuivies au civil ou même de subir des sévices physiques graves.

Selon Éric Trottier, éditeur adjoint et vice-président de La Presse, le gouvernement est dans l’obligation de revoir le système afin d’éviter de mettre les sources en danger et d’empêcher qu’elles cessent de collaborer avec les journalistes dans certaines enquêtes. En effet, cette découverte a mise en péril plusieurs enquêtes où les sources ne voulaient plus coopérer avec les médias par peur d’être démasquées et de subir des représailles. L’enjeu ici est énorme, puisque les médias sont les mieux placés pour informer le public des décisions prises par les membres du gouvernement ou encore, pour dévoiler à ce dernier des situations inacceptables qui lui sont cachées par les hauts placés au pouvoir. Dans ces cas précis, les sources journalistiques sont indispensables et agissent généralement dans l’intérêt du public.

Point de vue policier

Pour leur défense, les policiers n’ont pas accès, durant leur parcours professionnel, à des formations spécifiques traitant de l’écoute électronique sur des membres des médias. Plus précisément, la confidentialité des sources et la relation avec les médias ne sont pas des sujets abordés dans la formation des futurs policiers selon Paulin Bureau, directeur du perfectionnement policier à l’institution. Conséquemment, c’est davantage par expérience que les policiers apprennent et s’approprient des stratégies d’enquête comme l’écoute électronique.

Le renseignement criminel, la technologie et les métadonnées

Le renseignement est une organisation logique d’informations portant sur un sujet particulier. Pour sa part, le renseignement criminel analyse les réseaux criminels, les déplacements, les endroits occupés, les moyens de transport, les méthodes de communication et autres. En d’autres mots, ce dernier sert à organiser un tout cohérent d’information qui servira à orienter les policiers dans leurs enquêtes ou sur le terrain. Sans ces directives, le travail des policiers serait beaucoup moins efficace et donnerait moins de résultats concluants.

Ce type de policing mise sur différents types de sources, dont le Signal intelligence qui est l’ensemble des interceptions venant de diverses communications obtenues par des technologies de surveillance. Ces données recueillies se trouvent souvent sous forme de métadonnées : des listes d’appels entrants et sortants, les données géographiques où les personnes surveillées se trouvaient, etc. Ces informations sont primordiales dans le travail des policiers, puisqu’elles peuvent réduire le délai de localisation d’un fugitif de 42 jours à 48 heures. La surveillance ou l’écoute électronique permet donc aux services de police d’augmenter l’efficacité de leurs enquêtes et leurs taux de résolution.

En conclusion, s’il s’avère véridique que le renseignement criminel est un bon outil pour protéger les citoyens, il est tout de même important d’en imposer des limites afin de respecter la liberté d’expression et la vie privée de tous. Comme la Commission Chamberland l’affirme, il s’agit de trouver le juste milieu, et ce, pour le bien de tous.