La GRC nous surveille?
La société de Radio-Canada a fait une découverte assez troublante plus tôt ce mois-ci. En effet, elle révélait que des dispositifs destinés à surveiller les communications se trouvait dans la capitale fédérale, des intercepteurs d’IMSI. Il s’agit d’un instrument qui permet d’intercepter les ondes des téléphones cellulaires, de voir tous les numéros entrants et sortants, d’écouter les conversations et de lire les textos du téléphone qui s’y connecte sans que le propriétaire du dit téléphone soit au courant. Donc, si vous habitez à Ottawa, votre téléphone est susceptible d’être espionné. Cependant, le plus alarmant est que les capteurs sont en mesure d’intercepter les communications de tous ceux qui sont dans le périmètre du dispositif qui couvre largement la côte parlementaire et tout le personnel législatif et politique. De plus, les bureaux du premier ministre ainsi que le département de la défense sont dans le périmètre.
Alors qui espionne qui? La chine? Les russes? La Gendarmerie royale du Canada? Les journalistes ont avancé certaines hypothèses en indiquant que les ambassades d’Israël et des États-Unis étaient dans le secteur où les capteurs émettaient des ondes; il pourrait aussi s’agir du Centre de la sécurité des télécommunications (CST) qui fait du contre-espionnage.
Suite au dossier de Radio-Canada, le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale affirmait que les appareils dont il a été question dans le reportage « n’ont pas été déployés par des agences fédérales, qu’il s’agisse du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ou de la GRC ». Cependant, la GRC a révélé qu’elle utilisait des capteurs d’IMSI à des fins d’enquête. Effectivement, elle utilise ce dispositif pour surveiller de potentiels criminels, mais que fait-elle des informations qu’elle intercepte qui n’ont rien à voir avec les gens qu’elle surveille? Surtout qu’il est possible d’espionner tous les cellulaires qui se connectent au capteur. De plus, les journalistes d’enquête auteurs du dossier, ont trouvé d’autres capteurs d’IMSI à l’aéroport Montréal-Trudeau. Cette fois-ci, des experts disent qu’il y a de bonnes chances que ce soit le SCRS ou la police de Montréal qui opèrent ces intercepteurs. Ça m’amène à penser que la technologie de surveillance d’aujourd’hui prend beaucoup de place dans nos vies, et ce, en empiétant grandement sur la vie privée. Mais pourquoi acceptons-nous cette surveillance?
Société du risque[1]
Une des explications, entre autres, qui fait qu’il y a aujourd’hui autant de technologie de surveillance est effectivement que nous sommes dans une société du risque. En effet, ce concept a été emmené pour la première fois par Ulrich Beck. Brièvement, il explique que les décisions que nous prenons en tant que société sont dominées par la gestion du risque. Est-ce que c’est dangereux de faire ça ou c’est prudent ? Qu’est-ce qui est le moins risqué ? Tandis qu’avant, on était plus porté à se demander : Est-ce que c’est bien de faire ça ou c’est mal de faire ça ?
Ainsi, les politiques et les idéologies concernant des comportements sont orientées en termes de réduction du risque et non plus en termes de solution parce que, comme il l’explique, le risque zéro est impossible à atteindre en raison de la création infini du risque par d’autre technologie. Ensuite, pour éviter le risque au maximum, il faut connaître tous les risques associés aux comportements. Pour ce faire, il faut surveiller les gens pour s’accaparer d’un maximum d’information concernant les dit comportements et comprendre les risques qui y sont associés. Donc, les renseignement collectés sont de plus en plus volumineux et nous développons de plus en de plus technologies de surveillance, dont les intercepteurs d’IMSI. En fait, dans le concept d’Ulrick Beck, on illustre la sécurité du citoyen comme étant la capacité de réduire les risques auxquels il pourrait faire face, et ce, en contrôlant de plus en plus près les éléments de la vie quotidienne.
Gary T. Marx
Marx écrivait en 1988 que la société que nous étions en train de développer était une société à sécurité maximale. Premièrement, la société est programmée. Effectivement, à l’aide de la technologie on forme le social en machine. « Le but est de programmer l’élimination des problèmes ». On castre chimiquement les délinquants sexuels ou on donne du Ritalin au jeune avec un trouble de l’attention. On normalise les comportements en mettant au rang ce qui n’est pas normale, en élimant le problème à la source. On élimine les vols d’argents comptant en créant la carte de crédit/débit, etc.
Ensuite, vient la société de dossiers. On développe des technologies pour ramasser de information sur chaque personne et d’en faire des dossiers. Des compagnies aériennes, aux banques en passant par les compagnies de location de voiture, tous récoltent de l’information à notre sujet pour l’utiliser à des fins commerciales ou de contrôle. De plus, les banques de donnée des agences de renseignement de cessent de croître. Ainsi, notre « trace numérique » devient de plus en plus accessible et publique.
Par la suite, il mentionne que la société est actuarielle. Effectivement, nos décisions sont gérées dans une grille actuarielle qui détermine ce qui est risqué et qui sont les individus risqués en excluant les composantes uniques de chaque personne. On prédit le risque à l’aide de ces profils qu’on a créé et on y classe les individus selon leur appartenance statistique à un groupe. Par exemple, ce profil peut être utilisé pour savoir qui a le plus de chance d’être dangereux en prison, et de ce fait, qui a besoin d’être dans l’aile de sécurité maximal.
Quatrièmement, la société dont Marx parle en est une d’auto-surveillance. En fait, nous sommes constamment prêts à donner de l’information pour obtenir des bénéfices promis sous forme de sécurité. C’est ainsi une explication qui nous pousse à accepter les capteurs d’IMSI dans nos vies. Cependant, on ne se rend pas toujours compte qu’en acceptant ces appareils on s’auto-surveille en tant que société et qu’on accepte de s’auto-investiguer.
Par la suite, une des dernières composantes de sa société est qu’elle est poreuse. En effet, des actions et des éléments de nos vies privées qui paraissaient anodins ou invisibles à une autre époque est aujourd’hui assujettis à une collecte d’information. Ce qui fait que notre vie privée est de plus en plus poreuse et que beaucoup d’information est disponible sur beaucoup de monde. Il ne suffit qu’à penser aux publicités qui apparaissent sur notre navigateur internet après avoir consulté un article sur Amazon. Une fois de plus, nous avons laissé Amazon en apprendre plus sur notre comportement en tant que consommateur.
Finalement, Marx dit que notre société est soupçonneuse. Effectivement, c’est une autre des raisons qui nous pousse a accepter des instruments comme le capteur d’IMSI. Et si mon voisin était un criminel? Il suffit de penser au détecteur de métal en entrant dans des endroits sécurisés ou la carte d’identité. Tous ces outils sont présents, car nous avons la prémisse que tout le monde est un suspect potentiel.
Bref, cette société maximale dont Gary Marx parle n’est pas si loin de la nôtre et le capteur d’IMSI n’est qu’une seule des nombreuses technologies qui sont adoptées pour éviter et contrôler le risque.
[1] Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Paris, Aubier, 2001.