Opération Oursin: Frapper là où ça fait mal

Source: Québec Hebdo

Le 14 février dernier avait lieu, dans plusieurs villes de l’Est-du-Québec et du Nouveau-Brunswick, une importante frappe policière. Le but? Anéantir la structure de distribution de stupéfiant dans les régions visées par ce projet. À la suite de cette frappe policière, 32 individus ont été arrêtés et quatre étaient activement recherchés lorsque le bilan de l’opération a été annoncé par le porte-parole de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO).

L’Opération Oursin, qui était opérationnelle depuis le mois d’août 2018, est le résultat de la collaboration entre plusieurs corps policiers du Québec et du Nouveau-Brunswick. Les arrestations du 14 février ne sont qu’une phase de l’Opération Oursin et l’enquête se continue.

Arrestations

Les arrestations du 14 février ont mis un terme à la structure de distribution de stupéfiants dans plusieurs régions. Guy Lapointe, porte-parole de l’ENRCO, a fait un bilan de l’opération dans lequel il mentionne qu’il y a six kilos de cocaïne, plus de 230 000 comprimés de méthamphétamine, plus de 640 000$ en argent, 23 armes à feu, trois véhicules ainsi que huit vestes affichant les couleurs des Hells Angels ont été saisis

Il fait aussi mention de l’importance des Hells Angles, qui sont ceux qui contrôlent tout le territoire sur lequel ont eu lieu des arrestations. Le chapitre Nomade du Nouveau-Brunswick contrôlait le trafic de stupéfiants en demandant une cote de ceux qui faisaient la vente sur le terrain. Il est estimé que le chiffre d’affaire pour une période de quatre mois s’élève jusqu’à 2.4M$, ce qui correspond à un montant d’environ 250 000$ aux Hells Angels directement.

« On a anéanti aujourd’hui la structure qui contrôle la distribution et ça, c’est majeur. On frappe l’approvisionnement en argent, là où ça fait mal. » – Guy Lapointe, porte-parole de l’ENRCO

Pas des inconnus

Source: Sûreté du Québec

Membres en règles des Hells Angels, membre des Red Devils, membres des Dark Soul’s, prospect des Nomades, partisan; des 32 personnes qui ont été arrêtées par l’ENRCO, plusieurs étaient déjà connus des milieux policiers et ont déjà fait face au système judiciaire québécois. La Sûreté du Québec a fourni, dans son communiqué sur l’Opération Oursin, un tableau des personnes visées par le projet, ainsi que le statut de leur arrestation. Plusieurs d’entre eux font face à un bon nombre de chefs d’accusation et n’en sont pas à leur première infraction dans le milieu du trafic de stupéfiants. Quelques noms bien connus du milieu du crime organisé figurent dans la liste:

Éric et Yannick Blanchette : Les jumeaux Blanchette n’en sont pas à leur première infraction criminelle et sont considérés comme les têtes dirigeantes du réseau. Éric Blanchette, membre «prospect» du chapitre Nomade des Hells Angels au Nouveau-Brunswick, a été arrêté à Edmunstun alors que son frère a été arrêté à Scott, en Beauce. Les deux frères avaient été identifiés avec leur veste des Red Devils en 2014, en plus d’être les têtes dirigeantes des Dark Soul’s de Scott. Ils ont tous les deux eu des démêlés avec la justice dans les années 90, en plus d’être arrêtés à Cabarete en 2012.

Kaven Langlois : En date du 19 mars 2019, Kaven Langlois est toujours recherché. Il est connu pour être en relation avec les Hells Angels depuis 1998, en plus d’être «prospect» du chapitre de Québec en 2008. Il fait partie des individus qui ont été arrêtés lors de l’Opération SharQc en 2009. Il était membre des Red Devils de Montréal depuis 2015, avant d’être transféré au chapitre de Moncton.

Luc Manuel Thibodeau : Visé par l’Opréation Oursin et considéré comme fournisseur de drogues aux trafiquants, il n’a pas été arrêté lors des arrestations du 14 février. Il s’est rendu aux policiers le samedi suivant. Thibodeau est connu de la Sûreté du Québec puisqu’il était un associé de Mario Maratta lors de l’enquête Matamore en 2009. Cette enquête portait sur des importateurs de cocaïne. Il serait aussi proche de Raynald Desjardins (associé de la famille Rizutto et des Hells Angels).

Processus

Selon les dires de l’inspecteur Guy Lapointe, l’Opération Oursin n’est pas terminée. Cette vague d’arrestation n’est une phase que l’opération entière et l’enquête se continue. Il précise que plusieurs projets dans les derniers mois avaient donné lieu à des affaiblissements du crime organisé étant donné que l’ENRCO s’était attaqué aux réseaux de distribution.

Il mentionne aussi que les arrestations du 14 février 2019 sont aussi liées aux perquisitions qui avaient eu lieu en janvier 2019 dans plusieurs villes. Plusieurs résidences dans les régions de Québec, Montréal, Nouveau-Brunswick, Beauce et des Laurentides avaient été la cible des perquisitions. Parmi elles avaient été identifiées les résidences des frères Éric et Yannick Blanchette, celle de Kaven Langlois ainsi que celle de Daniel «Capoté» Beaulieu, bien connu dans le milieu du crime organisé.

Le porte-parole de l’ENRCO a bien expliqué que l’enquête entourant le projet Oursin est loin d’être terminée, que d’autres arrestations auront probablement lieu éventuellement. Il précise que cette phase aura permis de neutraliser la structure de trafic de stupéfiants de l’Est-du-Québec, mais qu’elle existe toujours. Il la compare à une entreprise où, au lendemain des arrestations, seulement le patron est présent. Donc il y a encore une entreprise et il y a toujours une personne qui est présente pour gérer les affaires, mais il n’y a personne pour effectuer le travail afin de répondre aux demandes.

Enquête

Dans les enquêtes de ce genre, plusieurs corps policiers et organisations collaborent afin d’arriver aux objectifs prévus. L’Opération Oursin se fait par la collaboration de l’Escouade nationale de répression du crime organisé (ENRCO) et de l’Escouade régionale mixte Rive-Nord (ERM), en plus d’agents de divers autres corps policiers.

La lutte pour contrer le crime organisé est principalement menée par les ENRCO basées à Québec et à Montréal, mais plusieurs autres structures participent aux opérations. « Les enquêteurs du crime organisé de la Sûreté du Québec ont pour mission de lutter contre le crime organisé en ciblant les réseaux criminels et les niveaux supérieurs des organisations. » Leur mandat est d’enquêter sur les différents réseaux de crime organisé, de les démanteler et d’identifier les marchés de la criminalité. Les enquêteurs de la Sûreté du Québec travaillent, comme pour le projet Oursin, en collaboration avec les ERM afin de déterminer les besoins régionaux et d’établir les priorités d’enquête. Les ENRCO et les ERM sont des escouades d’enquêtes spécifiques des organisations policières. Les Escouades régionales mixtes sont actuellement au nombre de 13, réparties sur le territoire de la province de Québec. Leur mandat est de contrer le crime organisé. Cette structure est une combinaison des corps de police municipaux et de la Gendarmerie Royale du Canada, qui se partagent des policiers et s’échangent des renseignements.

L’Opération oursin peut se comparer à ce qui est souvent appelé une
« opération coup de poing». C’est-à-dire, une opération massive dans des endroits prédéterminés. Plusieurs policiers sont en travail dans l’opération, en ciblant les personnes et les endroits voulus, avec plusieurs mandats (mandat de perquisition, mandat d’entrée, mandat d’arrestation, etc). C’est un type d’enquête différent que les enquêtes de concentration ou les enquêtes préventives, celui-ci parvient suite à plusieurs mois de travail sur le projet. Dans le cas du projet Oursin, les policiers enquêtent depuis le mois d’août 2018.