Deux policiers du SPVQ se retrouvent devant le Comité de déontologie policière

Les policiers Yannick Campagna et Sébastien-B. Roy du Service de Police de la Ville de Québec (SPVQ) se sont retrouvés, en février 2014, devant le Comité de la déontologie policière du Québec pour une intervention qui s’est déroulée le 03 décembre 2012 (article de La Presse).

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Le 03 décembre 2012, selon la version des policiers, M. Valcourt a effectué un virage en « U » et malgré le fait que la manœuvre n’était pas illégale, les policiers décident d’intercepter son véhicule pour des fins de vérifications en vertu de l’article 636 du Code de la Sécurité routière (CSR). Cet article permet aux policiers l’immobilisation au hasard afin de vérifier la validité du permis de conduire, de la preuve d’assurance, du certificat d’immatriculation, mais également de la sobriété du conducteur ainsi que de l’état mécanique du véhicule.

L’agent Roy se rend au véhicule de M. Valcourt tandis que l’agent Campagna reste dans le véhicule de patrouille en attente des informations du Centre de Renseignements policiers du Québec (CRPQ). Lorsque l’agent Roy arrive à la hauteur de M. Valcourt, qui est assis dans le siège conducteur de son véhicule, ce dernier est en train de crier et s’adresse au policier sur un ton agressif. Il mentionne qu’il n’a rien fait de mal et qu’il est la victime d’un complot le visant de la part des policiers et qu’il est harcelé par ces derniers en raison des nombreuses contraventions qu’il reçoit. L’agent Roy demande de lui remettre son permis, ses assurances et son immatriculation. M. Valcourt crie toujours et le policier monte à son tour le ton. M. Valcourt est agité et il fouille dans son coffre à gants pour récupérer les papiers qu’on lui a demandé avec des gestes qui sont brusques.

Au même moment de l’escalade verbale entre les deux (2) hommes, l’agent Campagna reçoit les informations du CRPQ à l’effet que le permis et l’immatriculation sont valides, mais que le propriétaire du véhicule, en l’occurrence M. Valcourt à des antécédents judiciaires de voies de faits, de profération de menaces et de violence. En descendant du véhicule de patrouille, l’agent Campagna remarque, selon lui, des signes précurseurs de violence. Les agents ne sont pas à l’aise de laisser M. Valcourt seul dans son véhicule en raison de son état colérique. L’agent Roy lui demande donc de sortir de son véhicule et par le fait même il regarde sommairement dans le véhicule afin de s’assurer qu’il n’y a pas présence d’objets dangereux tandis que l’agent Campagna escorte M. Valcourt à la voiture de patrouille et il remarque une bosse dans le pantalon de M. Valcourt qui tente d’atteindre cette bosse avec l’une de ses mains. L’agent Campagna demande à M. Valcourt de mettre ses mains sur le véhicule de police pour qu’il puisse procéder à une fouille sommaire par palpation. C’est lors de cette fouille que l’agent Campagna réalise que la bosse est en fait un téléphone cellulaire. Il le prend et l’ouvre et l’écran n’est pas verrouillé par un code d’accès. M. Valcourt au même moment arrache le cellulaire des mains de l’agent de police et s’en suit une altercation verbale entre les deux individus. L’agent Roy observe la scène au loin. Il s’avance alors et l’agent Roy décide me mettre un terme à l’intervention (d’une durée approximative de 3 minutes).

Valcourt, pour sa part, n’a pas la même version de l’intervention. Selon lui, les policiers ont eu une conduite qu’il qualifie de « baveuse » et d’irrespectueuse et que l’interception de son véhicule est du harcèlement qu’il vit de la part des policiers qui s’acharnent sur lui, en réponse à une plainte qu’il a déposée contre un des policiers de l’arrondissement de Charlesbourg. Il mentionne que l’agent Campagna lui aurait dit : « Tu es un christ de criminel », après lui avoir dit de « sortir de son char » et qu’il l’aurait, par la suite, poussé contre la voiture de police pour le fouiller et prendre son téléphone cellulaire. M. Valcourt, habituellement, enregistre à l’aide de son cellulaire les interventions policières, mais cette fois-ci il n’a pas pu le faire par manque de temps. Pendant cet échange musclé, l’agent Roy est en train de fouiller son véhicule. Mécontent, M. Valcourt signifie à l’agent Roy qu’il n’a pas le droit de faire la fouille de son véhicule. Juste avant que l’agent Roy lui dise : « Tu peux décrisser » et ainsi mettre fin à l’intervention, l’agent Campagna lui a dit : « T’aimes ça faire des plaintes en déontologie. Continue à en faire. Tu croiras pas à ça. ». L’agent Roy aurait rajouté : « J’espère que t’as compris. ». Le jour même, M. Valcourt a porté plainte auprès du Commissaire à la déontologie policière.

Les audiences ont eu lieu devant le Comité à la déontologie policière, pour faire suite à la plainte déposée par M. Rémy Valcourt adressée au Commissaire à la déontologie policière. La gouvernance de la police, c’est-à-dire les activités qui ont pour objectif d’établir et de contrôler les organisations policières publiques existe selon différents modèles en fonction des modes, des styles et des formes. Le système déontologique policier du Québec est une forme civile de gouvernance de la police. Cette institution civile est indépendante et elle est en quelque sorte une surveillance des activités, en autre, policières des membres des corps de police municipale de la province de Québec ainsi que de la Sûreté du Québec et ce autant lorsque les policiers exercent dans la province ou non. Cette surveillance s’applique également aux enquêteurs de l’UPAC, aux agents de protection de la faune, aux contrôleurs routiers et aux constables spéciaux du Québec. Le système déontologique policier est composé de deux (2) autorités civiles indépendantes. La première, celle qui reçoit et examine les plaintes du public : Le Commissaire à la déontologie policière. La seconde est un tribunal administratif spécialisé : Le Comité de déontologie policière.

Les policiers ont dû faire face à cinq chefs d’accusation, dont trois, en lien avec l’article 7 du Code de déontologie policière pour ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en exigeant que M. Valcourt immobilise son véhicule, en fouillant M. Valcourt et son véhicule et en saisissant et en examinant le contenu de son téléphone cellulaire. Pour ce qui est des deux autres chefs, un est pour avoir abusé de l’autorité (article 6) en raison de la fouille et l’autre pour avoir manqué de respect ou de politesse envers M. Valcourt (article 5).

Suite à ces audiences, le Comité à décidé, en ce qui concerne le premier chef : « Avoir manqué de respect ou de politesse à l’égard de M. Valcourt » que la conduite du policier Campagna a constitué un acte dérogatoire à l’article 5, mais pas celle de son coéquipier, le policier Roy.

Deux chefs d’accusation ne sont pas retenus : « Avoir abusé de leur autorité en exigeant que M. Valcourt immobilise son véhicule » et « Ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en exigeant que M. Valcourt immobilise son véhicule », car les policiers n’ont pas enfreint les dispositions de l’article 6 et 7 du Code de déontologie des policiers du Québec. En ce qui concerne les chefs : « Ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en fouillant M. Valcourt et son véhicule » et « Ne pas avoir respecté l’autorité de la loi et des tribunaux en saisissant le téléphone cellulaire de M. Valcourt et en examinant son contenu » ils sont retenus, tous les deux contre l’agent Campagna en raison du cadre illégal de la fouille rendant par le fait même la saisie du téléphone cellulaire illégale ainsi qu’un chef contre l’agent Roy pour avoir fouillé le véhicule de M. Valcourt.

Valcourt n’est pas le seul à avoir déposé une plainte contre des policiers. Selon le Rapport annuel de gestion 2013-2014 du Commissaire à la déontologie policière le nombre de plaintes reçues est de 1952, une baisse de 9,6%. Voici un tableau illustrant le nombre de plaintes reçues selon les années. On peut constater que c’est la première fois, depuis 2009-2010, que les plaintes reçues sont à la baisse.

ANNÉE NOMBRE DE PLAINTES
2009-2010 1909
2010-2011 1971
2011-2012 2108
2012-2013 2159
2014-2014 1952

Selon ce même rapport, voici la proportion des reproches formulés selon le Code de déontologie des policiers du Québec :

ARTICLE 5 Le policier doit se comporter de manière à préserver la confiance et la considération que requiert sa fonction. 30,1%
ARTICLE 6 Le policier doit éviter toute forme d’abus d’autorité dans ses rapports avec le public. 40,5%
ARTICLE 7 Le policier doit respecter l’autorité de la loi et des tribunaux et collaborer à l’administration de la justice. 16,0%
ARTICLE 8 Le policier doit exercer ses fonctions avec probité. 8,4%
ARTICLE 9 Le policier doit exercer ses fonctions avec désintéressement et impartialité et éviter de se placer dans une situation où il serait en conflit d’intérêts de nature à compromettre son impartialité ou à affecter défavorablement son jugement et sa loyauté. 0,1%
ARTICLE 10 Le policier doit respecter les droits de toute personne placée sous sa garde et éviter de lui montrer de la complaisance. 1,5%
ARTICLE 11 Le policier doit utiliser une arme et toute autre pièce d’équipement avec prudence et discernement. 3,4%

Les articles 5 et 6 sont ceux qui sont le plus souvent reprochés avec un total des 70,6% des plaintes. L’orientation des plaintes, après l’examen préliminaire, ne varie pas de façon significative d’une année à l’autre, la proportion reste sensiblement la même. Pour le rapport de l’année 2013-2014, 30,1% des plaintes sont allées en conciliation, 9,0% aux enquêtes, 60,9% le dossier a été clos (par exemple, il y avait prescription, c’est-à-dire que le délai pour porter plainte d’au plus tard un (1) an à compter de la date ou de la connaissance de l’évènement est expiré ou que le policier n’était tout simplement en fonction lors de l’évènement, etc.). Pour ce qui est sanctions dont les policiers sont passibles, elles sont diverses allant d’un simple avertissement et pouvant aller jusqu’au congédiement.

Les policiers Campagna et Roy sont toujours en attente de la ou des sanctions qu’ils auront. Une fois la sanction imposée, les policiers, selon la loi, ont trente (30) jours pour affaire appel de la décision. Avec la mise en place de ce système déontologique policier, nous ne sommes plus dans l’ère où la surveillance des activités policières était interne, c’est-à-dire que l’organisation policière se surveillait elle-même. Les agents Campagna et Roy ne sont pas les premiers policiers du SPVQ à se faire blâmer par le Comité de déontologie et ne seront pas non plus les derniers !