Magnotta: une chasse à l’homme internationale

Depuis ses premiers événements en 2012, l’affaire Luka Rocco Magnotta a fait couler beaucoup d’encre dans les médias et a semé l’émoi dans la population suite à la publication en ligne d’une vidéo montrant dans ses moindres détails le meurtre sordide de Jun Lin, un étudiant d’origine chinoise, dans un appartement du quartier Côte-des-Neiges à Montréal. Récemment, Magnotta a de nouveau plaidé non coupable aux cinq chefs d’accusation qui pèsent contre lui, c’est-à-dire meurtre prémédité, outrage à un cadavre, production et diffusion de matériel obscène, utilisation de la poste pour diffuser des obscénités et harcèlement criminel (envers le Premier ministre Stephen Harper et les membres du gouvernement, qui étaient les destinataires de certaines des parties du corps de Lin envoyées par la poste). Suite à son crime, Magnotta a pris la fuite vers l’Europe, où la chasse à l’homme internationale s’est finalement conclue.

Du début de l’enquête du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), en collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC), jusqu’à l’arrestation du fugitif par la police de Berlin, les forces de l’ordre ont évidemment été impliquées tout au long du processus. Parmi les mécanismes existants qui permettent aux différents services de police du monde de se communiquer des renseignements, Interpol a été utilisé dans le cas de Luka Rocco Magnotta.

Pour commencer, le SPVM a pu bénéficier de l’expertise du Groupe intégré de la criminalité technologique (GICT), une des branches de la GRC, ainsi que de l’assistance du FBI, une des plus grandes agences fédérales des États-Unis, pour tenter de tracer la vidéo du crime. Le GICT est un groupe composé d’enquêteurs policiers et de «civils» qui est chargé de lutter contre les crimes à caractère informatique. Une autre de leurs principales tâches est de fournir une aide technique aux services d’enquête qui en ont besoin, ce qui a été le cas du SPVM lors de l’enquête sur les images filmées par Magnotta.

La capture de Luka Rocco Magnotta a donc impliqué directement ou indirectement plusieurs organisations policières. Parmi ces organisations, Interpol a joué un rôle particulièrement déterminant. En effet, suite à la demande des autorités canadiennes, Interpol a lancé un avis de recherche international contre Magnotta le 31 mai 2012.

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Interpol est l’organisation policière la plus importante au monde. En effet, elle réunit 190 pays membres. Son but principal est de faciliter la coopération policière internationale. Pour ce faire, Interpol a développé un système mondial de communication policière nommé I-24/7. Ce système permet aux utilisateurs autorisés de mettre en commun divers renseignements policiers et d’accéder à ces bases de données 24 heures sur 24, 365 jours par année. Grâce aux bases de données, il est possible pour les policiers d’effectuer des recoupements ou des recherches sur les malfaiteurs présumés ou recherchés, les documents de voyage volés ou perdus, les véhicules automobiles volés, les empreintes digitales, les profils génétiques ainsi que les documents administratifs ou les œuvres d’art volées. Interpol publie également des notices, c’est-à-dire des alertes ou des demandes de coopération s’adressant aux services policiers des pays membres. Il existe différentes couleurs de notices selon l’urgence et la nature de la situation. Par exemple, l’alerte concernant Magnotta était un code rouge, c’est-à-dire une demande de localiser et d’arrêter le suspect le plus rapidement possible afin de procéder à son extradition.

À la suite de la diffusion de la notice et de la mise en commun des renseignements fournis par la police et les citoyens sur les déplacements de Magnotta, ce dernier a été arrêté par la police allemande le 4 juin 2012. Magnotta avait pris l’avion de Montréal vers Paris le 26 mai 2012. Quelques jours plus tard, il a fait le trajet de Paris jusqu’à Berlin en autocar[1]. C’est finalement dans un café internet de Berlin que sa fuite européenne a pris fin, 10 jours après son départ de Montréal. Le gérant de l’établissement, Kadir Anlayisli, a reconnu Magnotta puisque sa photo et sa fiche signalétique ont été diffusées. Il a alors alerté discrètement des patrouilleurs qui ont procédé à l’arrestation du présumé meurtrier.

Les autorités canadiennes et Interpol se sont félicités de l’arrestation de Luka Rocco Magnotta, résultat de la coopération des pays membres et du partage de renseignements. Stefano Carvelli, le responsable de l’unité des fugitifs pour Interpol l’a également souligné : «La police sait que la meilleure façon d’attraper des fugitifs n’importe où dans le monde, c’est d’utiliser les services et les outils d’Interpol.[2]» Par contre, je considère qu’ils semblent oublier une partie importante, même indispensable, du processus de capture des fugitifs. En effet, les policiers n’ont pas souligné la nécessité de l’intervention des citoyens. Dans le cas de Magnotta, c’est principalement grâce à la vigilance de Kadir Anlayisli que «le dépeceur de Montréal» a pu être appréhendé par les policiers. Ceci est la preuve que les policiers ont absolument besoin de la collaboration des citoyens pour travailler efficacement. Contrairement à la croyance populaire, les policiers sont rarement proactifs ou, en d’autres mots, initiateurs de leur propre activité. Dans la très grande majorité des cas, leur activité est générée par l’appel des citoyens.

Bref, le succès des grandes chasses à l’homme, comme celle de Luka Rocco Magnotta, repose sur la collaboration entre les différents services de police du monde et des organisations qui les relient, comme Interpol. Cependant, il est important de souligner que l’intervention du simple citoyen est bien souvent indispensable puisqu’il est les yeux et les oreilles des policiers dans la population.


[1] DUCHAINE Gabrielle, «Sur les traces de Magnotta», La Presse, 24 mai 2013, p.A10.

[2] MYLES Brian, « »Le dépeceur de Montréal » – Fin d’une chasse à l’homme planétaire», Le Devoir, 5 juin 2012, p.A1.