Policiers Blancs et Population Noire : Une Autre Polémique

Le 24 décembre dernier, un agent de police municipal blanc a descendu un jeune homme noir de 18 ans dans la ville de Berkeley, en banlieue de St-Louis, au Missouri. Le patrouilleur blanc de 34 ans, dont l’identité a été protégée, effectuait une ronde de surveillance dans le stationnement d’une station-service au volant de son auto-patrouille. Sur les lieux se trouvaient Antonio Martin et son ami qui passaient par là. Le policier a décidé de descendre de sa voiture pour aller rejoindre les deux jeunes hommes. La nature de la conversation entre le policier et les deux jeunes est inconnue, mais le vidéo capté par une caméra de surveillance montre bien qu’Antonio Martin a brandi un pistolet en direction du policier, mais n’a pas tiré. Ce qui s’est passé à ce moment précis reste encore flou. Dans cet article, on rapporte que le chef de police de Berkeley, M. Frank McCall émet l’hypothèse que Martin n’a pas tiré, car son cran de sécurité n’était pas relâché. Le policier, quant à lui, ne comprend pas pourquoi l’arme n’a pas tiré. Selon la mère, c’est une toute autre histoire:

Sa copine m’a dit que la police leur avait cherché des ennuis», a affirmé sa mère, Toni Martin, sur CNN. « Quand il a essayé de se lever et de s’enfuir en courant, ils ont commencé à lui tirer dessus ».

Quoiqu’il en soit, le jeune homme n’a pas tiré et le policier aurait fait feu au moins trois fois, atteignant M. Martin lors de sa troisième tentative.

Theodore Hoskins, maire de la ville de Berkeley, a pris la défense du policier en avançant que celui-ci était justifié d’agir, car il a craint pour sa vie et qu’un risque de lésions corporelles graves ou de mort était bien présent. En effet, selon l’article de loi  du Missouri relatif à la légitime défense,  une personne a le droit de tuer quelqu’un si elle croit raisonnablement que la force mortelle est nécessaire pour protéger sa vie, ce qui était le cas dans cette situation.

Suite à ces événements tragiques, une manifestation d’environ 150 à 300 personnes, selon les sources, s’est déroulée la soirée même à la station service durant laquelle la police a procédé à quatre arrestations. Ce n’est d’ailleurs pas le premier rassemblement pour un cas du genre. En août 2014, moins de cinq mois avant les faits, Michael Brown, un autre jeune homme noir de 18 ans, non armé cette fois, avait été abattu par un policier blanc à Ferguson, une ville se situant à moins de quatre kilomètres de Berkeley. Le policier responsable n’ayant pas été inculpé, cet événement avait provoqué des émeutes violentes pendant des jours de la part des populations afro-américaines de la ville, s’estimant victimes de racisme des policiers blancs. Le maire de Berkeley a tout de même voulu faire une distinction nette entre les deux affaires en soulignant la différence ethnique des forces de l’ordre des deux villes :

«Vous ne pouvez en aucun cas comparer cela avec Ferguson ou l’affaire Garner à New York. Notre ville est différente de Ferguson, la majorité de notre administration est noire, la majorité de nos policiers sont noirs», a-t-il encore fait valoir. « Ce jeune homme volait à l’étalage et la vidéo montre qu’il a pointé un pistolet en direction du policier»

Theodore Hoskins, maire de Berkeley

Selon l’article de The Guardian cité plus haut, le jeune Antonio Martin est le troisième homme noir tué par un policier blanc depuis l’affaire Ferguson, et ce, seulement la grande région de Saint-Louis.

Que ce soit avec les vagabonds, les prostituées, ou encore les pauvres, les afro-américains ne sont décidément pas le premier groupe avec lequel la police a eu des démêlés majeurs, en particulier lorsque celle-ci est blanche en majorité. Il y a historiquement, en effet, une tension constante entre les Noirs et les Blancs aux États-Unis. Qu’on parle des Jim Crow Laws ou de certains groupes racistes haineux, ce n’est pas les exemples qui manquent pour illustrer cette tension entre citoyens. Lorsqu’on entre la police dans l’équation, la rupture est encore plus grande : certains policiers plus racistes que d’autres pourraient appliquer leur pouvoir discrétionnaire de « voir » davantage les délits des Noirs que ceux des Blancs. Cette impression peut être grandement renforcée quand population et force de l’ordre ne sont majoritairement pas de la même ethnie. L’exemple de la ville de Ferguson (un parmi tant d’autres aux États-Unis) illustre bien les décalages que cela implique.

Au gouvernement, le nombre de sièges à l’assemblée réservés à une minorité visible doit être ajusté de façon à être proportionnel au pourcentage de celle-ci dans la population. Pourquoi est-ce si différent du côté des policiers? D’ailleurs, parlons-en du gouvernement! Celui-ci n’est ni plus ni moins que le moteur de l’appareil pénal : c’est le législateur, le créateur de lois. Il a donc une influence directe sur le travail des policiers, car ceux-ci appliquent les lois et s’attardent davantage aux enjeux jugés importants par le gouvernement (War On Drugs, par exemple). De ce fait, le contexte ultra-punitif actuellement en vogue aux États-Unis n’améliore guère la situation de ce conflit ethnique : les lois devenant plus sévères et les policiers bénéficiant de plus de droits, il serait une bonne chose de revenir aux origines et se rappeler le principe de « police consensuelle » proposé par Robert Peel, car vaut toujours mieux régler les conflits par les mots que par les coups de feu.

Un mémorial pour Antonio Martin à la station-service de Berkeley

Un mémorial pour Antonio Martin à la station-service de Berkeley

Les policiers tentant de contenir les manifestants à la station-service à l'aide de gaz poivré.

Les policiers tentant de contenir les manifestants à la station-service à l’aide de gaz poivré.