Des adolescentes jouent aux proxénètes
La police d’Ottawa a arrêté deux adolescentes âgées de quinze ans, car les enquêteurs avaient des preuves que ces filles effectuaient du trafic humain et participaient à un réseau de prostitution. D’autres accusations en lien avec ces deux chefs d’accusation n’ont pas été mis de côté non plus. Effectivement, le procureur a rajouté plusieurs accusations ayant trait à l’utilisation de la force physique et verbale. À cette heure, la police recherche activement une autre suspecte âgée de dix-sept ans qui serait en réalité leur chef.
Les moyens utilisés par ces filles pour entrer en contact avec les victimes étaient les réseaux sociaux. Ainsi, par le biais des réseaux sociaux, elles attiraient des adolescentes âgées de treize à dix-sept ans, qui étaient par la suite battues, séquestrées et violées.
L’âge des accusées ne permet pas la divulgation des identités, car lorsqu’il s’agit du système de justice pour adolescents, les ordonnances de non-publication ne sont pas rares. Cependant, la police d’Ottawa est sous le choc et a demandé l’aide de la GRC étant donné l’inusité de ce crime. En effet, il est rare pour la police d’Ottawa d’intervenir dans des cas de trafic humains et encore moins avec des adolescentes dans les rôles d’accusées et non de victimes. La GRC a la mission d’appuyer la police provinciale d’Ontario dans des cas semblables, car elle détient des ressources que la OPP n’a pas accès.
Suite aux accusations portées contre les deux adolescentes de quinze ans, elles ont plaidé non coupables au début 2013. Cependant, elles ont changé leurs fusils d’épaules et ont décidé, en septembre dernier, de plaider coupable à plusieurs chefs d’accusation.
Toutefois, qu’en est-il de l’adolescente présumée »leader » qui n’avait pas été retrouvée en juin 2012?
Cette jeune fille d’Ottawa a été retrouvée et finalement reconnue coupable de trente chefs d’accusation sur trente-trois le 29 janvier 2014. Voies de fait, traite de personnes, vol qualifié, fabrication et distribution de matériel pornographique juvénile sont quelques exemples des chefs d’accusations qui pesaient contre cette dernière. Par ailleurs, le lien entre elle et un réseau de prostitution juvénile a été prouvé hors de tout doute raisonnable. En outre, les preuves qui ont été déposées reconnaissent son statut de chef et il a été prouvé que celle-ci a eu recours à la violence physique et verbale. Il est important de mentionner que cette adolescente avait auparavant plaidé non coupable en avril 2013.
Aujourd’hui
Maintenant que les adolescentes ont été reconnues coupables, quelle peine auront-elles? Tout d’abord, les deux adolescentes âgées de quinze ans seront jugées à partir de la loi sur le système de justice pénale pour adolescents. Leurs peines seront moindres que leur »leader » car les peines données aux adolescents visent la réhabilitation et la réinsertion. La LSJPA prévoit une mise sous garde d’une durée maximale de deux ans pour des crimes graves comme ceux-ci. Cependant, il n’existe pas de peine minimale, le juge prend une décision dans l’intérêt des jeunes et pour la protection de la société. De plus, le fait que les deux filles aient finalement plaidé coupables joue en leur faveur. La date du prononcé de la peine n’a pas été encore fixée.
Pour ce qui est de l’adolescente âgée de dix-sept ans, le processus est différent. Effectivement, étant donné son âge et son statut de leader qui aggrave les circonstances des crimes, la Couronne désire qu’elle soit jugée d’avant le système de justice pénale pour adultes. Avant 2008, lorsqu’un jeune faisait face à une peine d’assujettissement, il était son devoir de démontrer au juge pour quelles raisons il devait le juger avec la LSJPA et non le système pour adulte. Cependant, aujourd’hui, le fardeau de la preuve revient à la Couronne. De plus, pour qu’une peine pour adulte soit demandée, il est nécessaire, voire obligatoire, que le Code criminel prévoie une peine minimale de deux ans pour ce crime.
212. (1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, selon le cas :
- a) induit, tente d’induire ou sollicite une personne à avoir des rapports sexuels illicites avec une autre personne, soit au Canada, soit à l’étranger;
- b) attire ou entraîne une personne qui n’est pas prostituée vers une maison de débauche aux fins de rapports sexuels illicites ou de prostitution;
- […]
- i) applique ou administre, ou fait prendre, à une personne, toute drogue, liqueur enivrante, matière ou chose, avec l’intention de la stupéfier ou de la subjuguer de manière à permettre à quelqu’un d’avoir avec elle des rapports sexuels illicites;
- j) vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne.
Note marginale :Proxénétisme
(2) Par dérogation à l’alinéa (1)j), quiconque vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne âgée de moins de dix-huit ans est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans, la peine minimale étant de deux ans.
Note marginale :Infraction grave — vivre des produits de la prostitution d’une personne âgée de moins de dix-huit ans
(2.1) Par dérogation à l’alinéa (1)j) et au paragraphe (2), est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement minimal de cinq ans et maximal de quatorze ans quiconque vit entièrement ou en partie des produits de la prostitution d’une autre personne âgée de moins de dix-huit ans si, à la fois :
- a) aux fins de profit, il l’aide, l’encourage ou la force à s’adonner ou à se livrer à la prostitution avec une personne en particulier ou d’une manière générale, ou lui conseille de le faire;
- b) il use de violence envers elle, l’intimide ou la contraint, ou tente ou menace de le faire.
Comme l’adolescente a plus de seize ans et qu’une peine minimale de deux ans est prévue au Code criminel, elle va sans doute faire face au système de justice pour adulte. Cela reste à suivre, car la date du prononcé de la peine n’a pas encore été fixée.
Pour plusieurs et moi-même ce crime tend à dépasser notre imagination. Dans ce cas-ci, le plus surprenant est l’âge des adolescentes coupables. Plusieurs experts se sont prononcés sur certaines causes. Janine Benedet, professeur de droit à l’University of British Columbia présume que les crimes commis soulèvent de suspicions sur le passé de ces jeunes filles, qui pourraient avoir été obligées de se prostituer et qui ont par la suite voulu récupérer de l’argent. Cependant, forcer quelqu’un à se prostituer implique un vrai désir conscient de contrôler celui-ci par la violence, qu’elle soit physique ou verbale. Alors, comment se défendre contre de telles accusations?