Dépôt du projet de loi C-51 par le gouvernement conservateur

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Depuis octobre 2014, le gouvernement fédéral canadien a comme objectif de réformer la législation antiterroriste canadienne datant de 2001. Or, dans la foulée des récents évènements reliés aux attaques terroristes survenues à Saint-Jean-sur-Richelieu, à Ottawa et plus récemment à Paris, le Canada s’est rassemblé derrière l’urgence de la lutte au terrorisme. La réponse officielle est le projet de loi C-51 déposé le 31 janvier 2015.

Le projet de loi repose sur deux piliers principaux. Premièrement, il vise à mettre fin à la promotion du terrorisme ainsi qu’au recrutement. En outre, l’intention du gouvernement est de criminaliser la propagande terroriste et d’empêcher son contenu sur les sites web canadiens. Ainsi, ces mesures visent à contrer la radicalisation des individus et par le fait même, de réduire les chances qu’ils quittent le pays pour aller combattre au sein de groupes terroristes. Est-ce que ces disposions peuvent être réellement efficaces? D’un côté elles le seront, puisque le contenu des pages internet pourra être enlevé, mais seulement si elles se situent sur des serveurs au Canada. Qu’en est-il si les serveurs qui les hébergent se trouvent dans d’autres pays ? Même si les organismes de sécurités ont les moyens d’empêcher ces pages d’être affichés au pays comme le fait par exemple la Chine qui filtre internet afin de contrôler ce que les utilisateurs voient, le Canada s’oppose à l’emploi de telles politiques en raison du respect des droits et libertés. Donc, les individus qui font la promotion du terrorisme pourront continuer de publier sur le web et les utilisateurs canadiens pourront toujours consulter le contenu en utilisant des outils comme le «deep web».

Géolocalisation d’un tweet d’une militante canadienne de L’ÉI en Syrie

Radicalisation et mouvement des individus

Source: Terrorism Research and Analysis Consortium (TRAC)

Par la suite, la législation actuelle interdit d’encourager la perpétration d’actes terroristes spécifiques. Or, la nouvelle proposition viserait à condamner d’une sentence maximale de 5 ans d’emprisonnement tout acte de promotion ou référence intentionnelle au terrorisme. Bien que cette définition se veuille être assez large afin de donner le pouvoir aux autorités de prendre action sans avoir de bâtons dans les roues, elle manque de précision et de clarté notamment à savoir en quoi consiste la promotion du terrorisme ? Est-ce que le CST (Centre de la sécurité des Télécommunications), qui utilise les métadonnées pour tracer les activités suspectes, sera en mesure de fouiller systématiquement les conversations incluant les mots-clés : « Daesh » ou « Al-Shabbaab » ? D’autant plus, est-ce que le respect de la vie privée sera bafoué au profit de la protection de la société? Le gouvernement nous assure que non en expliquant vouloir équilibrer respect de la  liberté d’expression et sécurité nationale.

Par la suite, les acteurs des enquêtes antiterroristes et les témoins seraient mieux protégés en modifiant la définition au Code criminel de «  personnes associées au système judiciaire » en l’appliquant aux participants collaborant avec les organismes touchant la sécurité nationale. Également, elle abolirait aussi l’obligation de publier les noms des agents de la paix désignés pour l’enquête. Il est pertinent et primordial de protéger les gens impliqués, surtout après que des listes d’informations personnelles sur des militaires américains aient été diffusées par l’État islamique.

Deuxièmement, le projet de loi C-51 viserait à empêcher les complots terroristes et prévenir les attaques planifiées. Les propositions modifieraient considérablement le pouvoir de détention préventive et le mandat du SCRS (Service canadien du Renseignement de Sécurité). Tout d’abord, la période autorisée de détention préventive passerait de 3 à 7 jours. L’argument principal en faveur d’un tel changement consiste en une meilleure gestion du risque pour la sécurité nationale. Les producteurs de sécurité étatique et quasi étatique auront plus de temps pour collecter des preuves et parfaire leurs enquêtes. Les suspects devront également se soumettre à certaines conditions. Notamment, ils devront remettre leur passeport pour une période indéterminée pouvant s’étendre jusqu’à cinq ans et des mesures de surveillances électroniques.

De plus, le gouvernement fédéral pourrait ajouter quiconque susceptible de prendre l’avion dans le but de commettre des actes de terrorismes sur la liste d’interdiction de vol. L’utilisation de ce type de recours devra être bien encadrée et supervisée pour s’assurer qu’aucun abus envers les Canadiens ne serait commis au nom de la sécurité nationale.

Traditionnellement, le SCRS (Service canadien du Renseignement  de Sécurité) a toujours œuvré en tant qu’organisation non policière/militaire au service de l’état afin de recueillir le renseignement au sujet des menaces à la sécurité intérieure. Donc, le SCRS doit coopérer avec la GRC, car il ne possède pas de pouvoir d’intervention. Le projet de loi C-51 modifierait considérablement le rôle du SCRS. En effet, à l’aide d’un mandat du tribunal, l’organisme pourrait mener des opérations au pays ou à l’étranger visant à perturber les complots et menaces à la sécurité du Canada. Cela laisse place à interprétation, puisque la loi n’explique pas clairement si le SCRS pourrait procéder à des arrestations et prendre action en utilisant la force afin de contrecarrer les plans des groupes terroristes. L’organisation possèderait des sections beaucoup plus « policières » que « fonctionnaires ».

Ainsi, le service de haute police deviendra sans doute plus actif à l’étranger, mais devra malgré tout rapporter ses activités au CSARS (Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité) et aux tribunaux pour l’obtention de mandats de réduction des menaces. Assistons-nous à la naissance de la CIA canadienne? En sommes, les nouveaux mandats du SCRS devraient être accompagnés de plus de supervision dans le but de s’assurer du respect des lois. Même si plusieurs points du projet de loi C-51 restent vagues, sans doute pour donner plus de pouvoir à l’état et aux organismes de sécurités, il est nécessaire de mettre en place les outils pour contrer la menace terrorismes. Reste à savoir, si ce sont les bons.