Le SCRS: espionnage non justifié?
Le service canadien de renseignement de sécurité (SCRS) a été créé en 1984 pour séparer la police fédérale du service de renseignement. Cet organisme a évolué au fil des ans pour ajuster ses priorités et se concentrer sur la collecte de renseignements et l’antiterrorisme. Aujourd’hui, le SCRS veille aux menaces à la sécurité nationale tant en Amérique du Nord qu’à l’étranger. Leur mission : protéger les droits des Canadiens. En bref, le SCRS mène des enquêtes et amasse des informations quant aux menaces à la sécurité du pays.
Dernièrement, avec l’affaire Snowden, des documents rendant publique la manière dont le SCRS (et plusieurs autres) enquêtait et amassait leurs informations ont fait scandale auprès de la population. Les citoyens ont su qu’ils pouvaient être surveillés à des endroit où ils n’en avaient pas la moindre idée. Une nouvelle affaire est sortie au grand jour : l’espionnage des groupes environnementaux et des communautés autochtones. En effet, ceux-ci ont déposé des plaintes auprès du service responsable de surveiller les actes du SCRS.
En 2010, des chercheurs et des journalistes ont fait une demande d’accès à l’information et ont récolté des documents stipulant que l’ancien département des Affaires indiennes et du Nord Canada (AINC) surveillait étroitement les activités et les manifestations de plusieurs communautés autochtones. L’AINC produisait des rapports hebdomadaires sur ces groupes parce qu’il les considérait comme des points chauds et des sources potentielles de conflits. Ces rapports étaient placés dans un forum pour faciliter le partage d’informations entre plusieurs organismes tels que la GRC, l’AINC, Ressources naturelles Canada et Transport Canada. Un membre de la nation Tsarlip, identifiée comme point chaud, mentionne que sa nation a été ciblée comme tel parce qu’ils avaient bloqué une route par rapport au Traité et à la non-reconnaissance des droits et titres autochtones.
Toujours selon les informations recueillies par la demande d’accès à l’information des journalistes, une unité de renseignement, le Groupe mixte de renseignement (GRM), surveillait activement les groupes autochtones contestataires. Les membres étaient mandatés pour recueillir, analyser et divulguer des renseignements sur les conflits et les tensions au sein de ces communautés qui pourraient aboutir à des actes de désobéissance civile et de désordre.
En plus, du forum de partage entre les institutions fédérales, les renseignements obtenus étaient divulgués au secteur privé. Des centaines de destinataires passant du domaine policier au secteur privé et énergétique. Des échanges de renseignement du fédéral au secteur privé et vice-versa étaient effectués. Les entreprises privées faisaient part de leurs inquiétudes face aux menaces criminelles qui pesaient sur leurs infrastructures aux agences fédérales, et, elles, leur fournissaient les informations qu’elles recueillaient. Ainsi, les entreprises privées pouvaient planifier et mettre en place des mesures pour protéger leurs installations. C’est ce qu’un porte-parole de Ressources Canada mentionne comme justification.
La GRC aurait surveillé l’Alliance Yinka Déné puisqu’ils s’opposent au projet d’oléoduc Northern Gateway, lequel prévoit une implantation d’infrastructures permettant le transport de pétrole. La GRC a donc surveillé plusieurs sites internet, des comptes Facebook et même des réunions privées entre les communautés autochtones et les groupes environnementaux. L’organisme fédéral justifie ces actes par la crainte que ces groupes commettent des actes de protestations et de désobéissance sociale.
Les Premières Nations ne sont pas les seules à avoir été la source d’espionnage. Certains groupes environnementaux aussi, puisque le gouvernement canadien a stipulé qu’ils pouvaient inciter des groupes nationaux à utiliser la violence dans des problématiques particulières. Suite à cela, la GRC a étendu son réseau d’Équipes intégrées de la sécurité nationale (EISN) en Alberta puisque cette province est riche en ressources naturelles. Cette décision était menée par le besoin de protéger les infrastructures contre les extrémistes et le terrorisme. L’EISN était mandaté pour récolter de l’information au sujet des groupes pouvant menacer les infrastructures, l’économie et la sécurité de par leurs buts idéologiques, religieux ou politiques.
Le fait est que, durant les 12 derniers mois, aucun acte violent lié à l’extrémisme autochtone n’a été rapporté et que, généralement, les actes de contestations des dites communautés sont rarement violents. Par ailleurs, le Commissaire albertain de l’EISN affirme qu’il doit y avoir une histoire de violence reliée aux groupes visés pour pouvoir enquêter sur eux. Il se justifie en disant que leur rôle est de prévenir toutes menaces et de récolter de l’information avant que les groupes ne deviennent violents. La prévention réfère à mettre en place des mesures non coercitives visant des groupes qui ne sont pas encore aux prises avec une problématique de criminalité, mais qui pourraient l’être. Ici, les agences fédérales ont attaqué les droits civiques des groupes visés en espionnant leurs faits et gestes sans soupçon raisonnable. Prévention, dit-il ?
Il est plutôt clair que les groupes environnementaux et autochtones ne représentent pas une menace pour la sécurité nationale, alors que leurs protestations ne sont que rarement violentes. Un membre de Greenpeace mentionne que : « la seule menace que nous posons est celle de faire changer les mentalités et l’opinion publique ». Le gouvernement Harper et les compagnies pétrolières peuvent bien s’en inquiéter. C’est pourquoi l’État exerce un contrôle social interne avec l’idée que toutes idéologies différentes des leurs seront perçues comme une menace terroriste potentielle, et ainsi, rallier les citoyens à leurs intérêts. Le gouvernement tend vers un État policier en agissant ainsi. Les citoyens seront contrôlés par la crainte d’être dissident du gouvernement et n’oseront plus s’exprimer : c’est une menace à la démocratie. De cette manière, personne ne jouera dans les platebandes du gouvernement et des industries puissantes.
http://voices-voix.ca/fr/les-faits/profil/communautes-autochtones-et-groupes-environnementaux
http://fairwhistleblower.ca/fr/content/les-écologistes-sous-surveillance