Roche, papiers… corruption?
Le mercredi 29 janvier 2014, des policiers du Service des enquêtes sur la corruption l’UPAC (Unité permanente anticorruption) ont procédé à une perquisition au siège social de Roche, une firme spécialisée en ingénierie-construction, dans le secteur Sainte-Foy. Pour ne pas nuire au déroulement de l’enquête policière, les médias n’ont pas publié d’informations sur les éléments ayant fait l’objet de la perquisition. Cependant, il a été mentionné qu’il s’agissait d’éléments d’information visant à faire avancer une enquête déjà en cours. L’entreprise fait partie des huit firmes de génie-conseil nommées cet automne à la Commission Charbonneau concernant un réseau de collusion à Québec et à Lévis.
D’ailleurs, en 2010, une perquisition avait aussi été effectuée au siège social de Roche par l’escouade Marteau. Des accusations avaient été déposées relativement à un présumé système de collusion à la ville de Boisbriand à la suite de cette enquête.
Le Groupe Roche se fait pour le moins discret dans ses commentaires et se contente d’affirmer qu’il offre sa pleine et entière collaboration à l’UPAC, une organisation qui, sous la responsabilité du commissaire à la lutte contre la corruption, coordonne et dirige les forces et expertises en place au sein du gouvernement pour lutter de concert contre la corruption (http://www.upac.gouv.qc.ca). Selon cette organisation, cette lutte est importante en raison des grandes pertes financières qui s’y rapportent et des conséquences sur le développement économique du pays.
Il est intéressant de soulever que l’UPAC relève… du gouvernement. N’y a-t-il pas ici possibilité d’un manque de transparence? D’un autre côté, le service ayant procédé à la perquisition est composé de policiers et il relève de la SQ. Cependant, quel est précisément le rôle des policiers dans les affaires se rapportant à la détection de fraude ou à la corruption? Plutôt la surveillance? Plutôt le renseignement? En fait, la détection de la corruption concerne de nombreux intervenants en matière de sécurité.
Toutefois, quand il est question de corruption, ce qui dérange, c’est qu’on touche à la haute police. En effet, la corruption dont il est question est directement liée à l’État, au parti politique au pouvoir. Bien sûr, quand on parle de corruption, il est question de malhonnêteté et d’injustice, mais est-ce bien ce qui indigne la population? En effet, la malhonnêteté et l’injustice se retrouvent dans toutes les sphères de la société, mais les gens réagissent plus fortement lorsqu’il est question de l’État. En fait, la population vote pour élire des dirigeants à qui elle accorde sa confiance, et la corruption change sa perception de ceux-ci, les rends moins dignes de confiance. Des dirigeants en qui la population ne peut avoir confiance, n’est-ce pas insécurisant? L’insécurité ne mène-t-elle pas à la peur?
Ainsi, le rôle que jouent les policiers dans les affaires de corruption et de fraude ne contribue-t-il pas en partie à renforcer cette insécurité et cette peur? Il est intéressant de souligner que la surveillance, dont les activités de détection de la fraude et de la corruption sont issues, fait partie des tâches associées à la fonction policière depuis très longtemps. Dans une certaine mesure, la surveillance permet de réprimer certaines craintes, mais lorsqu’il s’agit d’une surveillance des activités politiques, de l’État, des dirigeants élus et de certains actes douteux, cette surveillance ne met-elle pas en évidence l’impuissance de la population?
D’un autre côté, cette surveillance permet aussi de lever le voile sur ces agissements en vue de les réprimer. Toutefois, il convient de soulever que bien que les différents dossiers de corruption sortent de l’ombre, et ce, même dans notre région, les solutions ne pleuvent pas. Existe-t-il des solutions? Ne serait-ce pas plutôt une question d’éducation citoyenne ou de professionnalisme qu’une question de surveillance policière ou du rôle que jouent les différents acteurs du domaine du policing? Encore là, le problème se situe peut-être davantage du côté des valeurs des gens, mais peut-on reprocher aux gens de n’être qu’humains après tout?
Bref, les activités de la haute police me semblent bien mystérieuses. Peu d’informations sont divulguées, et beaucoup de perceptions sont créées par la même occasion dans la population. En effet, concernant la perquisition au siège social de Roche, on ne sait pratiquement rien, pourtant la nouvelle a été diffusée à très grande échelle, sur plusieurs chaînes de radio, à la télévision et dans les journaux. Ce qu’on y trouvait comme renseignements : que l’information liée au type d’enquête et aux éléments recherchés ne pouvaient être divulgués pour ne pas nuire à l’enquête, et que l’entreprise offrait sa pleine et entière collaboration à l’UPAC. Cependant, le peu d’information laisse l’imagination des gens s’emballer.
Les médias ont donc un très grand rôle à jouer sur les perceptions de la population, sur les informations dont les gens disposent pour se forger cette perception et sur l’effet qu’aura la nouvelle. La corruption, ces temps-ci, est un sujet fort à la mode. Je ne peux m’empêcher de croire que les répercussions de cette nouvelle n’auraient pas été les mêmes dans un autre contexte. Après tout, ce n’était pas la première perquisition et peut-être qu’il y en aura d’autres, à cet endroit ou ailleurs. Allons-nous finir par normaliser ses actes? Par baisser les bras et se dire que ça fait partie de la vie, que ça va arriver peu importe les circonstances? Qu’il vaut mieux fermer les yeux, ou les ouvrir au hasard, selon les résultats d’une petite partie de roche, papier, ciseaux… Je continue de penser, avec tout mon idéalisme, qu’il faut être prudent et ne pas légitimer tout et son contraire.
Personne n’est d’accord avec la corruption, mais quand je pose la question, j’obtiens souvent comme réponse que bien que ce soit frustrant, ce n’est pas comme si on pouvait changer quoi que ce soit, que ce n’est pas notre rôle de toute façon. Et si ce l’était quand même un peu?