Un policier de Chicago accusé de meurtre
En octobre 2015 la vidéo de police montrant la mort de Laquan McDonald, un Afro-Américain de 17 ans tué en 2014 par un policier blanc, est publiée. Dans la vidéo l’adolescent, sous l’emprise de psychotropes, marche au milieu de la voie publique avec un couteau en main. Immédiatement après être sorti de son véhicule, le policier, Jason Van Dyke, ouvre le feu. Après seulement quelques secondes, le suspect tombe par terre. Même immobilisé au sol suite à l’impact de la première balle, le policier continue de tirer et se rend jusqu’à 16 coups de feu. C’est seulement suite à la publication de la vidéo que des accusations de meurtre ont été portées contre le policier.
Cette vidéo permet de nous questionner sur les moyens utilisés par les agents du service de police de Chicago. En effet, les policiers ont plusieurs mandats à remplir, entre autres, maintenir l’ordre public et appliquer la loi. Pour ce faire, ils ont plusieurs armes létales et non létales qui sont à leur disposition. Parmi les armes non létales, il y a les armes avec les munitions en caoutchouc, le pistolet électrique, les gaz lacrymogènes, etc. Ceux-ci permettent d’exercer un certain contrôle sur l’individu sans toutefois le blesser gravement ou le tuer. Les policiers devraient d’avantage utiliser ces armes avant de passer à la force mortelle. Dans ce cas-ci, une simple décharge électrique aurait surement été suffisante pour maitriser l’adolescent.
Les policiers ont-ils la gâchette trop facile? En effet, l’arme de service des policiers devrait, en théorie, être utilisée en dernier recours seulement. C’est dans cet ordre d’idées que le Service de police de Chicago devrait réévaluer ses agents afin d’améliorer les procédures d’intervention, mais également mettre une emphase sur la formation des policiers pour qu’ils soient en mesure de bien percevoir et planifier la situation. En effet, les policiers doivent recevoir une formation continue pour être bien préparés à chaque situation. Par exemple, une formation d’entrainement, de l’escalade de la force, de mise en situation, etc. Il est important que les patrouilleurs aient une bonne formation même s’ils passent seulement qu’environ 10 % de leur temps sur des affaires criminelles (90 % du temps restant est divisé entre l’administration, la patrouille préventive et la réponse à des appels de nature non criminelle). Cependant, on ne sait jamais ce qui peut arriver, donc il faut mieux être bien préparé.
La brutalité policière est pratiquement devenue un cliché aux États-Unis. Les policiers répondent de plus en plus par la force. En effet, le Washington Post a récemment énuméré chaque incident mortel impliquant un agent de police aux États-Unis en 2015. Selon leurs données, 965 personnes ont été tuées par des policiers entre le 1er janvier et le 24 décembre. Suite à ces incidents, plusieurs gens ont manifesté dans les rues pour dénoncer la brutalité policière. Au mois de décembre, le ministère de la Justice de la Ville de Chicago a annoncé la présence d’une enquête interne au sein du département de police de Chicago. La procureure générale des États Unis, Loretta Lynch, a déclaré que [traduction] « l’objectif de cette enquête est de ne pas se concentrer sur les individus, mais d’améliorer les systèmes, pour que les agents soient fournis avec les outils dont ils ont besoin – y compris la formation, l’orientation de la politique et de l’équipement – pour être plus efficace, de travailler en partenariat avec les civils et de renforcer la sécurité publique. » Elle ajoute également que l’enquête portera sur les disparités raciales, ethniques et autres dans l’utilisation de la force et les systèmes du ministère de la reddition de comptes.
Le département de police de Chicago devrait adopter un modèle de l’emploi de la force. Selon le modèle de l’emploi de la force au Québec, nous pouvons remarquer plusieurs étapes et faits importants à considérer dans une situation. Tout d’abord, lorsque l’agent arrive sur les lieux, il doit évaluer la situation, faire une planification de ses actions pour ensuite agir. La simple présence policière peut faire en sorte d’entrainer une agression. On ne peut pas savoir à l’avance ce qu’il va arriver et c’est pourquoi il est important d’être en mesure d’évaluer adéquatement les risques. Selon le modèle de l’emploi de la force, les policiers doivent respecter certaines étapes avant de se servir de la force mortelle. En effet, les gestes des suspects sont classés selon cinq catégories. Il y a la coopération, la résistance passive ou active, l’agression ou engendrer des lésions corporelles graves ou la mort. Plusieurs gestes peuvent rentrer dans ces catégories et il en vient au policier d’interpréter ceux qui rentrent dans ces divers groupes. Entre la résistance passive et l’agression, les policiers peuvent utiliser un contrôle physique passant de léger à puissant. C’est à partir de la résistance active que les policiers peuvent utiliser les armes intermédiaires comme la matraque, le poivre de Cayenne, le Taser, etc. Lorsqu’il y a risque de lésions corporelles graves ou de mort, la force mortelle peut être utilisée.
Selon le modèle de l’emploi de la force, la classification des gestes dans l’une de ces catégories dépend de la perception des policiers. Par contre, selon cet exemple, le policier à sauté plusieurs étapes et utilisant tout de suite la force mortelle. Il aurait dû, d’après ce modèle, utiliser une arme intermédiaire pour tenter de maîtriser l’assaillant et si cette dernière ne fonctionne pas, employer son arme à feu.
Bref, le policier a abusé de son pouvoir. Selon la formation qui lui a été donnée, il aurait dû essayer d’autres manœuvres avant d’utiliser son arme de service. De plus, il est évident que, dans la vidéo, le policier aurait pu arrêter de tirer après le premier coup. Le suspect était déjà au sol donc déjà maitrisé et ne comportait plus de risque. Il n’était alors pas nécessaire de tirer 15 autres coups de feu. Le policier a clairement abusé de son pouvoir à l’égard du jeune adolescent. Le fait que le policier ait été accusé de meurtre démontre que son geste était exagéré et non justifié. Rappelons que lorsque nous sommes accusés de meurtre, le geste doit être prouvé, mais également l’intention de commettre la mort doit y être également. En regardant la vidéo, nous pouvons apercevoir des petits nuages de sang lors de l’impact des balles, ce qui prouve alors que le policier avait réellement atteint la cible. Lorsque l’on tire 16 coups de feu sur un adolescent, les risques de dommages irréversibles sont très probables et les blessures peuvent facilement conduire à la mort.