Un policier atteint mortellement par un membre de la communauté autochtone de Lac-Simon

Même si la Commission de vérité et réconciliation du Canada a remis son rapport final, peu de choses ont changé sur le terrain dans les communautés autochtones et plusieurs d’entre elles vivent dans des conditions difficiles, voir même misérables.  Ceci n’est non pas sans nous rappeler la tragédie dans la communauté autochtone à Lac-Simon en février dernier.  Le jeune policier Leroux  a été atteint mortellement dans l’exercice de ses fonctions et le suspect a été découvert sans vie dans le domicile où l’intervention a eu lieu.  Anthony Raymond Papa­tie, le jeune homme Algonquin de 22 ans, aurait retourné l’arme contre lui-même après avoir annoncé sur son compte Facebook qu’il venait de tuer un policier.  Selon certains témoins, il avait un problème de consommation d’alcool. Cet événement nous incite à se questionner sur le rôle et l’approche de la police auprès de cette population aux enjeux critiques ainsi que sur les autres acteurs qui assurent la sécurité de la population.

L’événement à Lac-Simon décrit plus haut ainsi que la récente nouvelle dans l’actualité qui rapporte le décès d’un Algonquin  dans la même communauté autochtone à la suite d’une intervention policière, nous démontre que la police n’est pas en mesure d’accomplir ses missions contemporaines qui sont: le maintien de l’ordre, l’application de la loi et les services.  Nous pouvons nous poser la question suivante: la police fait-elle les frais des tensions entre le gouvernement et les Premières Nations?  Puisque le gouvernement a si longtemps ignoré les impacts de la suppressions des droits de ces derniers, on peut prétendre que les communautés autochtones ne sont pas prioritaires au sein des décisions politiques et de son financement.  Pour ces raisons, le directeur québécois  du SCFP accuse le sous financement ainsi que le manque de ressources et d’effectifs des corps policiers autochtones.  Il interpelle les gouvernements fédéral et provincial à investir davantage.

Dans le même ordre d’idée, mais considéré d’un angle différent, la police autochtone comme d’autres corps de police n’a pas la confiance des Premières Nations.  Trop de scandales comme celui à Val-D’Or où la SQ est visée par des allégations graves en matière d’agressions et d’abus de pouvoir envers des femmes autochtones minent la confiance du public.  C’est aussi le cas dans le texte: La S.Q à Manawan pour discuter de la tragédie de 1977, qui laisse transparaître le mépris envers les autochtones.  Comment la police peut-elle dans cette atmosphère, maintenir l’ordre et donner des services à la population comme celui de rencontrer le citoyen pour écouter ses besoins? Un changement de ton et un retour aux fondements de la police anglo-saxonne comme celui de gagner et conserver le respect du public et s’assurer de la coopération du public pour faire respecter la loi doit s’imposer. La police doit tenter par des gestes concrets de recréer des nouveaux liens avec cette population précaire, car beaucoup d’événements hantent leurs interactions.

Pour tenter la réconciliation avec les communautés autochtones, la police pourrait s’inspirer de la police communautaire et de proximité.  Celle-ci est l’héritage même des bobbys de la police de Peel dont certains fondements sont nommés plus haut.  D’ailleurs, la police communautaire et de proximité vise la prévention du crime et des désordres plutôt que de les réprimer et elle tente d’aller chercher l’expertise du public. Ce «type» de police valorise l’aspect service dans son mandat. Elle prend conscience qu’une communauté est déjà établie et elle est prise en compte. Elle s’insère dans un réseau de contrôle pré-existant et ne se positionne pas en expert. Cette forme de police travaille avec des partenaires et en co-responsabilté avec la communauté.

Le contexte présent qui nous amène à penser à un changement de pratique pourrait redonner graduellement confiance à la population autochtone.  Selon Jacques de Maillard, «l’idée de community policing naît aux états-Unis, essentiellement au cours du travail des commissions nationales de la fin des années 1960, qui mettent en évidence le problème de légitimité des forces de police auprès de certaines minorités ethniques» (Réformes des polices dans les pays occidentaux: Une perspective comparée), alors elle pourrait s’appliquer à la situation actuelle qui nous concerne, car elle touche également l’exclusion sociale.  De plus, il est possible de penser que ce changement pourrait faire augmenter le contrôle informel entre ses membres et c’est la forme de contrôle qui a le plus grand impact sur l’ordre social. En ce moment, ce type de contrôle dans les communautés autochtones semble altéré par des problèmes chroniques comme la pauvreté, une crise du logement, un taux de suicide élevé, la toxicomanie, une crise identitaire et la violence. Pour changer la perception de la population et travailler sous une autre vision, la police pourrait prendre l’état actuel de la situation pour l’utiliser comme un levier et ou un prétexte pour créer des partenariats avec les services sociaux et ou communautaires et un service qui se charge des relations avec la population concernée. Selon Jacques de Maillard: «…le but est de «renforcer l’implication de la communauté dans l’activité de police afin d’identifier et de traiter la délinquance qui alimente la peur dans les quartiers» (Réformes des polices dans les pays occidentaux: Une perspective comparée). C’est donc une piste de solution qui doit être prise au sérieux.

Lors de la dernière campagne électorale fédérale, le Parti Libéral dirigé par Justin Trudeau a fait plusieurs promesses aux Premières Nations.  Entre autres, il a pris l’engagement d’inclure les Première Nations dans le dialogue national afin de surmonter les obstacles historiques à la reconnaissance de leurs droits et de retirer le plafond de 2 % sur les augmentations annuelles du financement fédéral. Nous pouvons espérer un vent de changement si les promesses du gouvernement sont tenues. Des gestes comme ceux-ci en combinaison avec une approche de police communautaire et de proximité et d’un travail d’équipe entre les services existants dans ces communautés pourraient améliorer les conditions de vie de la population et par le fait même la sécurité sur les réserves. Le gouvernement ne doit pas laisser en fin de peloton les besoins des Premières Nations comme il l’a fait depuis trop longtemps. Il doit prendre un rôle actif et pas simplement être observateur de ce qui se passe dans les communautés autochtones du Québec et du Canada.

Enfin, la police et les autres acteurs comme le gouvernement et les services communautaires et sociaux doivent réussir ensemble à contribuer à un meilleur filet social de ce groupe fragilisé afin que les membres, comme ceux de la communautés Algonquines de Lac-Simon, soient davantage en sécurité et que ces derniers puissent avoir le goût de se mobiliser eux aussi au sein même de leur propre communauté.