Conflit interne au sein du SPVM

La Presse rapportait début janvier qu’une enquête interne a été déclenchée au sein de l’Escouade Éclipse du Service de Police de la Ville de Montréal suite à des allégations de profilage racial. Les agents de cette unité ont en effet déposé une plainte contre leur nouveau commandant, monsieur Patrice Vilcéus, pour ce qu’il considère d’abord comme étant une ingérence politique mais aussi comme une trahison envers l’équipe qui se trouve en première ligne lors des interventions policières.

Cette enquête fait suite à des accusations de voies de faits et d’entrave au travail des policiers que les agents ont déposées envers monsieur Beauffort, un citoyen d’origine Haïtienne, à la suite d’une escarmouche à la sortie d’un bar. Celui-ci a répliqué en portant également plainte contre les agents, mentionnant qu’il est souvent pris en grippe par les membres de cette escouade lors de ses sorties en ville et qu’il avait affaire à un cas de profilage racial. Rappelons que cette escouade a été formée pour la surveillance des points  et quartiers chauds  de la ville de Montréal. L’accusé affirme être continuellement visé par les policiers en raison de ses origines ethniques. Le nouveau commandant de l’Escouade, étant lui-même de descendance Haïtienne, a tenu à agir afin de rétablir les liens avec la communauté noire de Montréal, s’attirant cependant les foudres de son équipe.

Tout d’abord, le profilage racial

désigne toute action prise par une ou des personnes d’autorité à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection du public, qui repose sur des facteurs telles la race, la couleur, l’origine ethnique ou nationale ou la religion, sans motif réel ou soupçon raisonnable, et qui a pour effet d’exposer la personne à un examen ou à un traitement différentiel (SPVM).

Il est évident que plusieurs facteurs  influencent grandement le travail des représentants de la loi, à commencer par le public. L’appui de la communauté est primordial pour pouvoir bien effectuer le mandat attendu. En effet, les citoyens n’hésitent pas à s’allier en groupe pour faire pression s’ils jugent qu’ils ne reçoivent pas un service de sécurité adéquat.

L’intervention du commandant Patrice Vilcéus dans le dossier démontre bien cette influence de la communauté. Il s’est impliqué dans la poursuite suite à une dénonciation de la communauté noire de Montréal, voulant s’assurer que les relations restent cordiales avec tous les citoyens de la ville, sans exception. Les policiers y voient toutefois là une ingérence politique, c’est-à-dire que monsieur Vilcéus se serait mêlé du dossier dans le but de conserver de bonnes alliances avec le comité de liaison qui s’occupe des relations entre les agents du SPVM et les membres de la communauté noire montréalaise. Ils y voient également une trahison, un manque de confiance envers leur pouvoir discrétionnaire. Effectivement, chaque policier dispose d’un pouvoir discrétionnaire, c’est-à-dire d’un droit de ne pas emprunter la voie judiciaire pour le règlement d’un dossier. Cependant, selon l’arrêt Beaudry, « au moment de décider de la légitimité d’une décision discrétionnaire, il importe donc de s’attacher aux circonstances matérielles qui ont donné lieu à l’exercice du pouvoir discrétionnaire.  La justification avancée devra être proportionnée à la gravité des actes, et le pouvoir devra avoir été  manifestement exercé dans l’intérêt public ».

Dans le cas de monsieur Beauffort, les policiers ont jugé que les actes commis étaient assez graves pour justifier une poursuite pénale. Le manque de soutien qu’ils ont perçu de leur commandant semble une raison valable pour justifier le déclenchement d’une enquête interne. Si les policiers n’ont plus confiance en leur commandant, quel avenir espère-t-on pour cette escouade? Les agents de la paix étant eux-mêmes des acteurs influents sur les différents rôles et mandats qu’ils occupent, une discorde interne ne peut qu’être mauvaise pour les services de sécurité qu’ils sont supposés pourvoir à la communauté.