La créativité: un atout non négligé par les contrebandiers

Pour donner suite aux investigations menées dans le « Project Sebright », la police provinciale de l’Ontario (OPP) a déclaré, le 27 février dernier, avoir saisi une somme de 180 kg de méthamphétamine (ecstasy) pour une valeur de 4.5 millions de dollars. Il est facile d’imaginer que le simple fait d’entreprendre les démarches pour tenter d’injecter une telle quantité de drogue dans un pays exige un certain niveau de zèle ; et c’est justement ce qualificatif qui est exigé dans l’élaboration d’une stratégie qui mène à une tentative réussie. C’est ainsi que cette quantité non négligeable de drogue fut aperçue puis rapportée pour la première fois par des employés de quelques concessionnaires Ford des municipalités de Chelmsford, Collingwood, Bolton et Newmarket en Ontario. Ceux-ci ont rapporté de louches paquets beiges à l’intérieur du pneu de secours dans plusieurs véhicules du modèle « Fusion » fraîchement arrivés de l’usine. Ces expéditions de Ford-Fusion ont été envoyées par train en provenance de la manufacture Ford de Hermosillo au Mexique, en direction de l’Ontario pour être redistribué dans les concessionnaires des autres provinces canadiennes. Grâce aux multiples acteurs sollicités dans cette enquête tels que : la sûreté du Québec (SQ), des corps de police au New Brunswick, la Canadian Border Service Agency (CBSA), la police provinciale de l’Ontario (OPP), la police du Grand Sudbury et avec la collaboration de la compagnie Ford Motor Company, ils sont parvenus à déduire certaines choses.

En effet, comme mentionné précédemment, la manufacture en question est située dans la ville de Hermosillo qui est une ville réputée pour être sur le territoire d’un des plus puissants cartels de drogue mexicain : le cartel de Sinaloa. Bien qu’aucune charge criminelle n’ait été déposée jusqu’à présent, l’implication du Cartel de Sinaloa dans la saisie du Project Sebright est fortement suggérée. En dépit du fait que les cargos illicites ont parcouru toute la longitude des États-Unis par voies ferroviaires avant d’atteindre le Canada, l’hypothèse de culpabilité du Sinaloa Cartel est justifiable notamment, en raison d’un symptôme de la « glocalisation » de la police : Integrated Cargo Security Strategy (ICSS). Signé en décembre 2011 par la collaboration de différentes agences du Canada et des É-U, dont : la CBSA, Transport Canada (TC) et la US Customs and Border Protection (CBP) ; la ICSS fait éloge d’un partenariat international visant à améliorer la sécurité en collaborant par différentes stratégies visant à permettre un meilleur contrôle de la circulation de marchandises transfrontalière du Canada et des États-Unis. La présence d’une telle entente en parallèle au Project Sebright peut conduire à un discours proférant que le Canada et les États-Unis sont concernés à parts égales par la saisie du Project Sebright ; laissant la manufacture mexicaine comme principal suspect sujet à investiguer pour le moment.

Le cartel de Sinaloa

La réputation du Sinaloa Cartel lui est principalement attribuée par la notoriété de son ancien dirigeant Joaquín ‘El Chapo’ Guzmán (pour qui sa sentence lui sera prononcée en juin 2019). Cette organisation criminelle est reconnue pour son expertise en trafic de drogue, principalement la cocaïne, l’héroïne, la méthamphétamine, la marijuana et l’Ecstasy en plus d’être le fournisseur primaire de fentanyl en Amérique du Nord. Cependant, leurs activités criminelles ne se limitent pas à cela ; notamment, le groupe est connu pour ses activités de blanchiment d’argent, de trafic d’armes, de meurtres, de « kidnapping » et de corruption. La surface d’occupation de ce cartel est bien plus grande que son pays d’origine, en fait, il occupe plusieurs pays de l’Amérique latine, de l’Amérique centrale, de l’Europe, de l’Asie, plusieurs états américains, et beaucoup d’autres territoires comme l’Australie, l’Afrique de l’Ouest, la Russie, les Philippines, etc. En 2017, le groupe est nommé comme étant le plus efficace dans la contrebande de drogues illicites aux États-Unis.

La technologisation du contrôle

Bien qu’une quantité importante de substance illicite soit parvenue à se faufiler au travers les protocoles de détections de l’agence des services frontaliers du Canada (Canada Border Service Agency – CBSA), il faut être en mesure d’adopter une vision pragmatique de la chose. Ce qui dénonce l’incompétence d’une agence de sécurité n’est pas forcément l’échec de repérage d’un délit. À mon avis, l’efficience à long terme d’une agence de sécurité est davantage caractérisée par sa capacité d’adapter ses méthodes de repérage en relation aux méthodologies criminelles du temps. De telle sorte que les techniques d’une agence évoluent au même rythme que l’évolution de nouvelles stratégies criminelles.

Ainsi, c’est dans un contexte d’émergence du crime organisé tout en voulant pallier à l’engorgement des services douaniers que jaillit le recours aux avancées technologiques pour augmenter le niveau de contrôle des frontières canadiennes sans en ralentir le processus pour autant. Considérant cela, de plus en plus la CBSA a recours à de nouvelles technologies de renseignements pour repérer des marchandises à niveau de risque supérieur. En plus du renseignement, l’Agence des services frontaliers du Canada fait appel à plusieurs types d’outils de détection pour faciliter et augmenter leur rendement de contrôle :  appareils à rayons X et à rayons gamma, les densimètres, les télémètres laser, les robots sous-marins téléguidés, les détecteurs de radiations, etc.

Voici un cours vidéo illustrant comment les technologies de renseignements sont utilisé par l’Agence des services frontaliers du Canada (CBSA).

Cette révolution technologique propre à ce domaine favorise, dans une certaine mesure, la gestion informatisée du risque, ce qui pourrait dans certains cas, amener à une limitation des interactions entre les personnes/marchandises en transit et les agents de service frontalier de la CBSA. Bien que cela pourrait être considéré comme étant inquiétant pour certains, voici un exemple plutôt familier illustrant ce concept : dans les aéroports, au lieu de contrôler systématiquement chaque valise en transit en les ouvrant et en examinant leur contenu manuellement, nous faisons appel aux appareils à rayon X, qui eux, sont contrôlé par un autre agent n’étant pas directement mandaté d’interagir avec la clientèle en transit. En plus d’accélérer le processus, cette méthode permet de limiter les interactions possibles entre les contrebandiers et les agents de la CBSA. Nous contribuons, du même coup, à limiter les opportunités de faire pénétrer des substances illicites par le biais de corruption d’agents de services frontaliers comme il est dénoncé par Vice News dans une vidéo illustrant le processus d’entrée clandestine de méthamphétamine aux États-Unis par la frontière É-U / Mexique.

Attention! Cette vidéo pourrait entrainer d’autres trafiquants prévoyants aux moyens alternatifs à l’escalade d’un mur d’une hauteur de 9 mètres…