Opération Mr.Big, une méthode d’enquête qui permet de piéger un meurtrier.

Depuis plusieurs décennies dans le monde, mais récemment au Québec, l’enquête de type Mr. Big est utilisée pour appréhender des suspects à confesser des crimes majeurs comme le meurtre. Lorsque les enquêteurs décident d’avoir recours à cette méthode, c’est lorsqu’ils sont pratiquement convaincus de la culpabilité de l’individu, mais sont incapables de la prouver. Sans quoi il serait inutile de disposer d’autant de ressources sur un suspect avec de simples doutes. Cette méthode fut tout d’abord mise en pratique par la GRC dans l’Ouest canadien à la fin des années 80. Ce type d’enquête consiste à avoir un ou des agents sous couverture qui prennent contact avec le suspect. Par la suite, si la prise de contact est conclusive, l’agent essaie de créer une connexion avec le suspect selon des scénarios précis. Cela ayant pour but d’élaborer un lien de confiance et pouvant même aller jusqu’à un semblant de partenariat ou d’amitié. Au fur et à mesure qu’un lien se développe et que les scénarios avancent, il vient un moment où l’agent double désigné tente de soutirer de l’information au suspect potentiel. Dans les meilleurs scénarios, le suspect confessera son crime de A à Z, notamment dans les cas où le suspect y retire une certaine fierté due à son narcissisme caractériel. Les confessions et les conversations entre l’agent et le suspect sont constamment filmées ou enregistrées.

Ce type d’enquête Mr.Big semble être tiré de la fiction, mais bien au contraire, les enquêteurs de plusieurs services de police ont réussi avec cette méthode à coincer plusieurs criminels. Bien que, dans certains cas, cette méthode fût remise en question, elle est jugée légale au Canada. Pour Alain Perreault, c’est cette méthode d’enquête qui a permis de l’arrêter en janvier 2010 et de l’accuser pour le meurtre au premier degré de Lyne Massicotte, commis en juillet 2003.

Du 30 septembre 2009 au 13 janvier 2010, les enquêteurs ont préparé et fait participer l’accusé en tout à 41 scénarios préparés minutieusement avec les agents infiltrés. Ces derniers ont fait croire à Alain Perreault qu’ils faisaient partie d’une organisation criminelle. Pour que cette méthode fonctionne adéquatement, des rôles ont été répartis sur plusieurs niveaux avec plusieurs agents. Il y avait d’abord un agent responsable de la gestion des scénarios et des agents sur le terrain. Par ailleurs, il y avait un agent d’infiltration qui se devait d’établir directement un lien de confiance avec le suspect en passant du temps avec lui le plus souvent possible. De plus, pour s’assurer que le scénario et l’organisation criminelle soient les plus réels possible, il y a ceux qui agissaient à titre de figurants dans l’organisation. Finalement, il y avait le dirigeant de la fausse organisation criminelle qui était responsable du dernier scénario dans lequel Alain Perrault devait faire ses preuves et confesser son meurtre. C’est exactement ce qu’il a fait, et ce, dans le moindre détail.

Tout cela a débuté lorsqu’un agent d’infiltration a pris contact avec Alain Perrault le 30 septembre 2009. L’agent a tout d’abord laissé croire qu’il était perdu et avait besoin d’aide pour une voiture qu’il cherchait. Il a par la suite fait croire à Alain Perreault qu’il avait une entreprise qui récupère des dettes auprès d’individus qui payaient mal leurs paiements de voiture. Ils ont ensuite demandé à Alain Perreault de travailler dans leur fausse organisation criminelle pour faire des « jobs » illégales, mais en réalité, aucun crime n’était réellement commis. Par exemple, lors d’un scénario dans lequel l’agent d’infiltration était accompagné d’Alain Perrault, l’agent a prétendument battu une escorte qui aurait volé de l’argent à l’organisation. En réalité, l’escorte était une figurante et l’agent faisait semblant de la battre. Dans le cas contraire, si les agents d’infiltration avaient incité Alain Perreault à commettre un vrai crime, cela aurait été illégal et inadmissible en Cour. Les faux crimes auxquels Alain Perreault prenait part n’étaient en fait qu’un des multiples scénarios façonnés par les enquêteurs. Après quoi il devait faire ses preuves avant de pouvoir rencontrer le faux patron de l’organisation pour le scénario final. C’est une méthode très délicate et à plusieurs reprises, les enquêteurs ont dû faire preuve de finesse pour éviter de soulever des soupçons chez Alain Perreault.

Le 13 janvier 2010, après quelques mois de travail acharné des agents d’infiltration et beaucoup d’investissements, Alain Perreault rencontre le faux patron de l’organisation et lui raconte en détail le meurtre sordide de Lyne Massicotte. Autrement dit, le faux patron a fait croire à Alain Perreault que pour avoir sa confiance et faire partie intégrale de l’organisation, il se devait de savoir son passé en détail pour éviter des surprises. Dès lors, Alain Perreault raconte qu’il a tué Lyne Massicotte. De toute évidence, les enquêteurs écoutent et regardent attentivement leur conversation. Il aurait tué madame Massicotte en l’étranglant à la suite du refus de cette dernière d’avoir des relations sexuelles avec lui. Après avoir tenté en vain d’avoir une relation sexuelle avec sa dépouille, il aurait disposé du corps dans un chemin isolé à Lévis, qui n’a jamais été retrouvé.

Grâce au bon travail des enquêteurs, l’opération Mr.Big a permis d’arrêter et d’accuser Alain Perrault du meurtre de Lyne Massicotte. Il a été reconnu coupable le 11 février 2011. Le 23 octobre 2014, son dossier fut renvoyé à la Cour d’appel pour le réévaluer étant donné la nature de la méthode d’enquête Mr.Big qui aurait pu engendrer des aveux faits sous pression. Ceci conduit à un deuxième procès devant un jury le 14 septembre 2016 qui se conclut avec le même résultat (coupable). Alain Perreault va donc purger sa peine à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. Il devra donc rester derrière les barreaux jusqu’en 2035.