Premiers Intervenants: la reconnaissance du PTSD au sein des forces de police

 Rachel Donahue / Shutterstock

Lorsque la ville d’Orlando est frappée par la pire tuerie de masse de l’histoire américaine survenue dans un club dans la nuit du 12 juin 2016, les premiers intervenants sur place sont une unité de police tactique qui assiste impuissante à une scène morbide, alors qu’une cinquantaine de corps jonchent le sol. Cet instant hors du temps mêlant odeurs de poudre et de sang mélangées à un calme extraordinaire rythmé par sonneries de téléphone des défunts n’a pas été sans conséquences sur les forces de police en présence.

Malgré un entraînement rigoureux et de nombreux exercices de mise en situation, aucun policier n’est préparé à être le témoin de telles scènes. Pour autant, il n’est pas question de l’entraînement ou de la qualité opérationnelle des policiers qui est à l’étude ici, mais bien de la réponse naturelle du corps et de l’esprit face à une rencontre inattendue avec la mort. Il s’agit là d’une réponse à un évènement traumatique qu’aucune formation ne peut prévenir ou anticiper. La complexité du traumatisme et l’apparition de ce dernier, qui peut se manifester après de longs mois, voire années, le caractérise bien souvent comme étant une « blessure invisible ».

« They might not see the trauma for many years, then all of a sudden it surfaces sometimes. »

Dr. Rayudu Koka, psychiatre et membre du GSPS.

Le tabou du PTSD

Cet évènement traumatique, lorsqu’il se structure, donne naissance à un Syndrome de Stress Post-Traumatique (ou PTSD en anglais, pour Post-Traumatic Stress Disorder). Il s’agit d’un phénomène complexe, qui est souvent décelé chez les individus ayant vécu des expériences traumatiques les ayant confrontés à une mort imminente, qu’elle soit pour l’individu concerné ou pour avoir assisté à des scènes d’une rare intensité impliquant des morts violentes.

Citation tirée du site Mic.

Cependant, on constate depuis ces dernières années une recrudescence des cas de PTSD chez les forces de l’ordre. Ce n’est un secret pour personne que le métier est à lui seul une source de stress et de situations qui sont susceptibles de pouvoir attenter à la vie de ceux qui l’incarnent. Ainsi, aux États-Unis, il est estimé à 34% le nombre d’agents de police de proximité souffrant de PTSD, souvent corrélé à l’aspect communautaire et aux liens qui encadrent le travail de la police de proximité. Pourtant, la majorité reste silencieuse, percevant cette particularité comme une faiblesse et une honte, qui mettrait à mal leur capacité à remplir leur devoir.

Infographie tirée du site Mic, basée sur les statistiques de l’Institut National de Santé Mentale.

Ce mutisme s’explique notamment par la pression des pairs, qui, en contribuant à maintenir des valeurs telles que la force, le risque personnel ou encore les relations de pouvoir au sein des institutions policières, alimentent la sous-culture policière et renforcent les agents concernés dans leur enfermement. Au-delà du sentiment de vulnérabilité et de honte qui pousse les professionnels atteints, le véritable danger réside dans le silence qui s’immisce inévitablement au cœur du trouble. Se crée alors une situation de détresse profonde mais muette, pouvant aller jusqu’au suicide. À la lumière de ces dénouements, la hiérarchie des institutions policières a initié de nombreuses campagnes de sensibilisation, de décèlement et de prise en charge des individus atteints de PTSD.

Faire face à des scènes de guerre urbaine

Il faut également comprendre la recrudescence des cas de PTSD chez les forces de l’ordre. Le point de départ des études sur le sujet étant les cas de vétérans ayant été déployés et ayant échappé à la mort ou assisté à celle d’un camarade. Là aussi, les mécanismes de honte et de faiblesse sont à l’œuvre, ce qui a notamment caractérisé les nombreux cas de suicides de vétérans au retour de la guerre du Vietnam.

Cependant, mettre sur le même plan des scènes de guerre et des théâtres d’opérations urbains pourrait sembler illogique, mais les nouvelles menaces auxquelles sont confrontés les agents de police contraignent à une certaine militarisation de la police. Malgré la réticence de certains, l’utilisation d’armes de guerre dans les crimes affiliés au terrorisme et aux tueries de masse dans le cadre urbain pousse à une militarisation grandissante de la police pour faire face à des menaces d’une toute nouvelle intensité, et des scènes de guerre impliquant des civils au sein des zones urbaines. L’autre dimension liée à ce phénomène, c’est la nécessité de mettre hors d’état de nuire les commanditaires de ces exactions, et donc d’intégrer dans le métier policier la mise à mort par les agents eux-mêmes, ce qui peut être source de traumatisme malgré le pedigree des criminels.

En fin de compte, le risque pour les agents de police serait de faire face à un PTSD cumulatif, causé par la multiplication des expositions à des situations à hauts risques. La prise de conscience des institutions policières face à ce phénomène est encourageante, bien que de nombreux psychiatres considèrent que de nombreux efforts restent encore à fournir.

Matteo Crance