Sommes-nous sur le point de dépolitiser notre police?

Sommes-nous sur le point de dépolitiser notre police ? Cette question énoncée par Antoine Robitaille dans son éditorial nous présente deux différentes façons d’analyser cette question.

D’une part, le Directeur général (DG) de la Sûreté du Québec (SQ), Martin Prud’homme, mandaté par le gouvernement Couillard pour remplacer l’ancien chef de police du SPVM Philippe Pichet afin de remettre de l’ordre dans le corps de police municipale se retrouve suspendu à la suite d’allégations criminelles. Cet incident laisse la ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault sans voix et sans explications concrètes pouvant expliquer la situation. Toutefois, Martin Prud’homme pourrait retrouver son poste si les allégations qui pèsent contre lui se retrouvaient démenties. Cet incident semble s’être répété plusieurs fois au cours des dernières années et relirait le monde politique à nos corps policiers. En effet, en 2012, le Parti québécois entre au gouvernement, Richard Deschesnes, nommé anciennement par les libéraux de Jean Charest en 2008, est destitué le mois suivant à l’arrivée du nouveau parti au pouvoir. Au cours d’une conférence de presse du ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron (ancien ministre de la Sécurité publique) déclare : que le directeur général Mario Laprise, nommé par le gouvernement péquiste  « l’a avisé qu’il était au fait d’allégations criminelles ciblant un groupe « de hauts gradés de la SQ. »  Suite à cela, un comité d’enquête est mis en place.

Ensuite, on apprend que l’ancien DG de la SQ, Richard Deschesnes, son adjoint aux enquêtes criminelles, Jean Audette, ainsi que de deux autres anciens cadres supérieurs vont être accusés au criminel. De plus, Le DG de 2012 à 2014 Mario Laprise sera à son tour la cible d’une poursuite par un ancien inspecteur-chef. En 2016, un autre ancien Directeur général de la Sûreté du Québec, Normand Proulx et un de ses adjoints sont poursuivis par Québec. Bref, ces événements montrent la relation entre le changement de gouvernement et la destitution de chaque directeur général de la Sûreté du Québec visé par des allégations criminelles, ainsi qu’une ingérence politique dans la direction de la police comme le propose M. Robitaille. En effet, jusqu’en 2015 le Directeur général de la Sûreté du Québec était choisi par le gouvernement et donc couramment rattaché avec le parti au pouvoir.

D’une autre part, M. Robitaille présente également une note positive avec l’apparition du BEI en 2012, qui permettrait de mettre fin à l’absence d’indépendance lors d’enquête impliquant des policiers. C’est également le BEI qui enquête sur Martin Prud’homme et ces allégations. En réalité, il est important de rectifier quelques éléments concernant le BEI. Il a été sanctionné le 15 mai 2013 afin de répondre avant tout à un souci de transparence lors d’événements de ce type. En effet, Raymonde Saint-Germain la protectrice du citoyen va émettre des recommandations à propos de l’importance d’avoir une procédure d’enquête formelle à employer au cours d’incidents impliquant des policiers. Elle spécifie qu’il serait essentiel de maintenir la confiance du public et évoque plusieurs lacunes comme un manque de transparence et l’absence d’indépendance lors d’enquête impliquant des policiers. Deux ans après, Stéphane Bergeron, dépose le projet de loi 12 qui vient créer le Bureau d’enquête indépendante. Le BEI est inspiré du modèle ontarien (SIU). Il est entré en fonction le 27 juin 2016, ce qui est plutôt récent. Cet organisme est identifié par la loi comme étant un corps policier mener par un procureur d’expérience. Le BEI est constitué d’environ une vingtaine d’enquêteurs (anciens policiers d’expérience et civils) qui ont le statut d’agent de la paix. C’est également le BEI qui enquête sur le projet A qui a mené l’arrestation du député Guy Ouellet qui s’associerait avec le dossier Prud’homme.

En ce qui concerne la question de dépolitisation de la police, il est important de se rappeler que le processus de nomination du DG de la SQ a été réformé depuis 2015. Un comité de nomination a été implanté pour apporter trois suggestions parmi lesquelles le gouvernement doit effectuer son choix final. L’objectif principal de cette réforme est de distancer la direction de la police de l’appareil politique. Cette nouvelle façon de procéder reste tout de même critiquée. Plusieurs appuieraient l’idée que le DG devrait également être reconnu par l’Assemblée nationale du Québec. Ensuite, depuis les années 1960 la police est devenue légaliste, ce qui signifie qu’elle s’isole du pouvoir politique et se canalise sur la répression du crime et autres délits tels que mentionnée dans les codes. Le policier se transforme en expert de la lutte au crime. De cette manière, le policier n’a plus à rendre de comptes opérationnels au niveau exécutif, c’est lui qui évalue les bienfaits de ses actions. Il devient, donc indépendant de l’appareil politique. Cependant, bien que la police soit devenue plus indépendante, les gouvernements ont toujours un impact significatif sur les organisations policières. Tout d’abord, ce sont eux qui votent les budgets attribués ainsi que les lois et règlements que la police sera tenue de faire obtempérer. Puis, les gouvernements peuvent mettre en place certaines politiques et missions prioritaires pour les organisations de police. Ils peuvent changer ou apporter des modifications aux lois et règlements pour répondre à un problème. La décentralisation des contrôles va accentuer le pouvoir politique local à davantage de pouvoir sur l’organisation policière.Ensuite, l’appareil politique peut être mobilisé par un citoyen ou un groupe lors d’un incident grave afin de surveiller les pratiques policières par exemple les interventions policières qui ont été employés lors du printemps érables ont conduit au rapport de la Commission spéciale d’examen des événements du printemps 2012.

En conclusion, il est trop tôt pour parler de dépolitisation de la police, car le pouvoir politique se retrouve à être un acteur clé qui dispose encore d’une grande influence sur la police en dépit de l’apparition du BEI et que le processus de nomination du DG de la SQ est changé. On peut toujours se poser la question si la police devenait complètement indépendante de la direction politique, qui déciderait maintenant du contenu pratique du mandat de la police (ses missions)?