L’IGPN saisie suite à la vidéo des lycéens agenouillés par la police près de Paris

Capture d’écran de la vidéo filmant les lycéens à genoux pendant l’arrestation de la Police, le 6 décembre 2018.

Le 6 décembre 2018, à Mantes-la-Jolie, près de Paris, une vidéo montrant des lycéens agenouillés par des policiers dans une cour, scène ayant eu lieu le jour même, est devenue virale sur les réseaux sociaux. Les jeunes, tous mineurs, étaient rassemblés par la police pour « participation à un attroupement armé ».

Ces images apparaissent comme le point culminant de tensions déjà très fortes depuis plus d’une semaine. Les manifestations lycéennes, se joignant aux protestions des mobilisations étudiantes et plus largement des gilets jaunes, avaient pour objectif de montrer leur profond désaccord avec les réformes du bac et de la plateforme « Parcoursup ».

Selon les sources, environ 150 lycéens auraient fait l’objet de cette arrestation particulièrement médiatisée.

Dès le lendemain, Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’éducation, reconnait « qu’il y a eu des images choquantes », tout en nuançant par le « climat de violence exceptionnelle » dans lequel elles se sont déroulées.

Une arrestation légitimée par le contexte ?

Ce contexte justement, suffit-il à justifier l’arrestation autoritaire des forces de police ? Les policiers ont-ils dépassé les limites de leurs fonctions ?

Pour recourir à la force, il est généralement admis que quatre grands principes doivent imprégner l’action de la police : la légitimité, la nécessité, la proportionnalité et la précaution. Le principe le plus intéressant à mobiliser ici est la proportionnalité.

Les risques doivent être mis en balance par rapport aux bénéfices. Le préjudice causé par l’emploi de la force ne doit pas excéder l’avantage tiré de l’objectif à atteindre.

De très nombreuses critiques furent adressées à l’encontre des policiers ayant encadré l’arrestation.

Pour Egon Bittner, « La police est un mécanisme pour la distribution non négociée de la force coercitive, utilisée en accord avec ce que dicte une saisie intuitive des exigences d’une situation ».

En l’espèce, n’arrivant plus à gérer le flux de violences provenant des lycéens, les policiers ont agi comme faisant face à une situation d’urgence. Leur réaction était-elle pourtant proportionnée ?

Le maintien de l’ordre est l’une des missions majeures attribuée à la police. Même en temps de fortes manifestations comme alors, elle doit veiller à ce que celles-ci ne dégénèrent pas, et n’aillent pas au-delà des limites. Une apparence (relative) de paix doit régner pour ne pas créer et installer un sentiment d’insécurité sur le territoire français chez les citoyens d’abord, et au regard du reste du monde ensuite.

L’image des espaces publics doit rester disciplinée, de peur que la qualité de vie des français en pâtisse.

Le désordre apparait alors comme l’ennemi que doit combattre la police. Pour éviter que le pays constate la désorganisation de l’espace face aux lycéens manifestants, les forces de l’ordre ont délibérément choisi de les assujettir par l’emploi de la force.

A contrario d’autres réactions politiques, Ségolène Royal, femme politique socialiste, a salué l’opération : « Ça ne leur a pas fait de mal à ces jeunes de savoir ce que c’est le maintien de l’ordre, la police, de se tenir tranquilles. »

Les différents médias, radios, réseaux sociaux, ont joué un rôle crucial dans la diffusion de cet événement. Loin d’un report neutre et objectif de la situation, certains articles titraient « Des images choquantes de l’arrestation » ou encore « Ces images d’arrestations de jeunes à Mantes-la-Jolie scandalisent »[.

La France a assisté à une utilisation médiatique de la police : loin de lui donner une image de source de pouvoir légitime, les médias ont choisi cette fois de la décrédibiliser en diabolisant ces arrestations, en axant sur leur particulière violence. Le compte twitter de l’Observatoire des violences policières a relayé la vidéo des arrestations lycéennes.

Le Défenseur des droits et l’Inspection Générale de la Police nationale chargés de se prononcer sur le respect de la déontologie policière

Le Défenseur des droits français, ayant fait l’objet de très nombreuses saisines, a annoncé peu après les événements via un communiqué officiel « ouvrir une enquête portant sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées des interpellations de lycéens à Mantes-la-Jolie ». Cette autorité indépendante est chargée de veiller au respect de la déontologie des forces de l’ordre et de défendre « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

A cette enquête vient s’ajouter celle de la Police des polices, l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN), mandatée par le Parquet de Nanterre. Celle-ci a notamment pour mission de mener des enquêtes judiciaires et administratives sur les fonctionnaires de police en cas de suspicion de manquement aux lois, règlements et code de déontologie de la police nationale.

Seules ces deux instances pourront apprécier le potentiel abus de pouvoir dont auraient fait preuve les forces policières.