La sécurité dans les résidences à assistance continue

En plein été 2018, dans la résidence à assistance continue Wilfrid-Pelletier pour personnes présentant un diagnostic de déficience intellectuelle ou de trouble du spectre de l’autisme, une usagère se désorganise et sème le chaos dans la résidence. Elle utilise les objets à sa portée pour blesser les intervenants et les frappe. L’agent de sécurité est blessé au cours de l’intervention et quitte son quart de travail, laissant son équipe seule et prise au dépourvu face à l’usagère incontrôlable. Incapables de maîtriser la situation, les employés appellent les services d’urgence : policiers et ambulanciers se présentent sur place. Ce n’est pas la première fois qu’un agent de sécurité quitte son travail au milieu de son quart suite à des blessures faites par un usager.

Ce n’est pas la première situation dangeureuse impliquant les usagers du centre de réadaptation en déficience intellectuelle de Québec. En 2014, une usagère propose de la gomme à l’intervenante sur place. Son refus cause alors la désorganisation de la résidente, qui l’amène au sol par les cheveux, la blessant au cuir chevelu et lui causant une entorse cervicale et dorsale. Heureusement, l’agent de sécurité intervient pour la sortir de cette grave situation. Une autre employée rapporte avoir subit les mêmes blessures dans une autre résidence en se faisant traîner au sol par la tête par un usager en crise.

Le centre de réadaptation en déficience intellectuelle accueille une clientèle de plus en plus diversifiée. Autrefois plus homogène et moins «lourde», la clientèle est maintenant plus diverse, jeune et violente. Les employés doivent composer non seulement avec des usagers autistes ou avec une déficience intellectuelle mais également des usagers avec des troubles de santé mentale, comme le trouble bipolaire, ce qui rend le travail des employés plus complexe. Il existe différentes ressources résidentielles de la clientèle légère à la plus lourde : ressources de type famillial (RTF), résidences intermédiaires (RI), résidences intermédiaires spécialisés (RIS) et les résidences à assistance continue (RAC). C’est dans les RAC qu’on retrouve les cas de violence cités plus haut.

Il y a plusieurs aspects en lien avec le concept de sécurité et de policing par rapport à cette situation. Que ce soit le pouvoir de contrainte des employés, l’usage d’agent de sécurité et le rapport des résidences avec la police municipale.

Les employés des résidences font appels à différents moyens pour faire face à la violence physique des usagers. En effet, les intervenants, dans le cadre de leur fonctions, ont la permission de faire usage d’une certaine contrainte, que les citoyens n’auraient habituellement pas droit d’utiliser, comme des contentions physiques ou des maintiens physiques avec des balises claires. On peut donc dire qu’une des tâches connexes du travail des intervenants est de maintenir la sécurité de la résidence. Malgré cela, la violence dans les milieux est telle que les résidences font appel à des agents de sécurité pour assurer leur sécurité. Il existe deux sources d’agents de sécurité: les agents de sécurité issus d’agences à contrats, et les agents de sécurité internes appelés «agents d’intervention». Ces derniers sont des agents engagés par le CIUSSS pour répondre au besoin de maintenir la sécurité tout en ayant une approche spécialisée pour la clientèle ayant une déficience intellectuelle, un trouble du spectre de l’autisme et des troubles graves du comportement.

Selon le CIUSSS, plusieurs moyens sont mis en place pour assurer la sécurité des employés, que ce soit en leur offrant une formation omega sur les protocoles de sécurité, de l’équipement de sécurité comme des vestes et des gants de kevlar. Par contre, les employés rapportent que la disposition des lieux est inadaptée, car les RAC sont en fait des maisons résidentielles converties en résidences. ce qui rend beaucoup plus difficile de sécuriser les lieux.

Un aspect important de cette situation est la vision des policiers en lien avec leur travail dans les RAC. En effet, le syndicat des policiers considère que les patrouilleurs sont trop souvent appelés pour intervenir dans les RAC. Ils considèrent qu’ils n’auraient pas à intervenir si les intervenants étaient mieux formés et les lieux étaient plus sécuritaires. Ce discours se rapporte particulièrement à la différence entre la vision des policiers et des citoyens de leur travail. En effet, on rapporte que les policiers considéreraient 94% des appels comme ennuyants et 6% comme intéressants et que, selon eux, seulement 17% des appels seraient de nature criminelle alors que les citoyens les évaluerait à 50%. C’est donc dire que les policiers ne voient pas la nature de leur travail de la même manière que les citoyens. Dans ce cas précis, les policiers considèrent plutôt que la sécurité quotidienne dans les résidences devrait être assurée par de la sécurité privée, qu’elle soit interne ou à contrat.

Je pense personellement qu’en effet, le personnel des RAC pourrait être mieux formé pour répondre aux situations de crise et que mieux adapter les lieux pourrait permettre moins de situations d’urgence. Par contre, si on fait appel à la valeur d’égalité, qui est importante pour la police dans un système de police par le consentement, je pense qu’il est extrêment arbitraire de décider que la police interviendra auprès des citoyens dits «normaux» mais qu’elle voudra intervenir le moins possible auprès des clientèles particulières, quitte à déléguer à un service de sécurité privé. De mon point de vue, le CIUSSS doit assurer un minimum de sécurité dans les résidences, mais dans les cas de force majeure, les policiers sont mieux équipés et formés pour faire face à des crises de violence extrême. En effet, les policers, contrairement aux agents de sécurité, ont le droit d’utiliser la force jugée nécessaire, ce qui pourrait changer le type d’intervention qui leur sont permis.

Seul l’avenir nous dira la manière dont ces différentes institutions décideront à qui appartient la responsabilité d’assurer la sécurité des RAC et dans quelle mesure, mais une chose est certaine: la décision devra être prise pour l’intégrité physique des employés et des résidents.