Huawei, l’affaire où s’entremêle sécurité, politique et relations internationales
Huawei est une compagnie de télécommunication chinoise. Cette dernière vend des infrastructures 5G. Le 1er décembre 2018 à Vancouver, Madame Meng Wanzhou a été arrêtée, lors d’un vol de correspondance, en vertu d’un mandat d’arrestation provenant des États-Unis. Au Canada, tout individu peut arrêter une personne seulement si elle est prise sur le fait. Or, il faut être agent de la paix afin de pouvoir d’arrêter une personne en vertu d’un mandat. De plus, au Canada, le contrôle des voyageurs est une tâche incombée à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et la sécurité dans les aéroports est coordonnée par l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA). Cette dernière n’offre pas elle-même des services de sécurité. En revanche, elle pose les standards que ce soit d’opération ou de formation et elle obtient des services par contrats afin de fournir la sécurité dans les aéroports. L’agence Group 4 Falck détient le contrat de l’aéroport de Vancouver.
Madame Meng est la directrice financière de Huawei et la fille du fondateur de la compagnie. Les États-Unis demandent au Canada son extradition. Ils accusent l’entreprise et sa directrice financière de 23 chefs d’accusations. Les chefs d’accusations portent sur le blanchiment d’argent, fraude et même de complot afin de commettre des fraudes. Selon les dires des États-Unis, elle est suspectée par le biais d’une entreprise non-officielle, du nom de Skycom, afin d’accéder au marché iranien et ce entre 2009 et 2014 ce qui consiste en une violation des sanctions américaines sur l’exportation. Au Canada, les services de police sont divisés en deux grandes sections soit la gendarmerie et l’enquête. La gendarmerie, aussi nommée la patrouille, s’occupe de la prévention du crime, contrôle de la sécurité routière, répondre aux appels des citoyens, l’ordre dans les endroits publiques et le contrôle des foules. Cette section de la police s’occupe des affaires criminelles qu’une petite fraction du temps lors de ses activités, soit environ 10 %. La majeure partie de son temps est divisée entre l’administration, les appels non-criminels et les patrouilles préventives. L’enquête, quant à elle, s’occupe des investigations que ce soit sur les crimes graves ou bien moins graves lorsqu’ils n’ont pas été résolus. Un dossier de l’ampleur qui est présentement en question a dû nécessiter grandes et longues enquêtes.
Plusieurs pays ont déjà pris leur distance vis-à-vis la compagnie de télécommunication en invoquant des raisons de sécurité nationale, notamment l’Australie, la Nouvelle-Zélande et même la compagnie British télécom et ce sans parler des États-Unis qui mettent en garde ses alliées contre cette compagnie. L’entreprise est en fait suspectée d’espionnage. Les entreprises chinoises sont souvent très près de leur gouvernement. Le fondateur de l’entreprise est un ancien ingénieur militaire. Selon Richard Paradis qui est chargé de cours en politiques de communication à l’Université de Montréal et président du groupe CIC, les équipements 5G de la compagnie chinoise ont bel et bien la capacité d’être utilisés dans cette optique. Au sein de la confédération canadienne, la lutte contre l’espionnage est une tâche desservie au Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS). Ce service s’occupe en plus du contre-espionnage, du contre-terrorisme, filtrage de sécurité, contrôle des ingérences et des influences étrangères. Or, il s’agit d’une agence seulement civile et ses agents n’ont donc pas le statut d’agent de la paix. Tel que mentionné ci-haut, seuls les agents de la paix peuvent arrêter une personne, exception faite si la personne est prise sur le fait, donc les agents de la SCRS doivent s’en remettre à la GRC lorsqu’ils croient qu’un crime a été ou sera commis.
Madame Meng a obtenu sa remise en liberté le 11 décembre 2018 suite à trois jours d’audience. Elle doit cependant respecter certaines conditions, notamment une caution de 10 millions de dollars, remettre ses deux passeports et ses documents de voyage et le port d’un bracelet électronique. De plus, elle doit respecter un couvre-feu de 23 h 00 à 6 h 00 et elle doit être accompagnée par du personnel de sécurité lorsqu’elle n’est pas à sa résidence. Le terme personnel de sécurité est très vague. En effet, la sécurité est concept très complexe, elle peut être publique, c’est-à-dire qui relève du pouvoir publique, telle que conçue dans l’imaginaire collectif avec les policiers en uniforme, mais pas que. La sécurité est aussi privée. Il ne s’agit pas de deux formes de sécurité qui s’excluent mutuellement, elles communiquent ensemble et peuvent être hybrides, comme lorsque la police vend de ses services ou bien lorsque l’État achète des services d’une compagnie privée. À mon sens, le fait d’avoir utilisé le terme personnel de sécurité évoque plus un service de sécurité issu du privé, puisque s’il s’agissait d’une équipe policière cela aurait été mentionné explicitement. Il s’agit peut-être d’une compagnie privée qui a obtenu un contrat dans le cas de Madame Meng. De nos jours, l’État n’a plus le monopole de la gouvernance de la sécurité, il en est plutôt devenu le coordonnateur. La gouvernance constitue toutes les activités afin de produire, réguler, encadrer et déterminer, dans ce cas-ci, la sécurité. L’État partage cette tâche avec le privé et le réseau. Le privé obéit aux lois du marché et en fait une affaire commerciale et le réseau représente plutôt les connexions entre les acteurs afin de produire la sécurité. Les acteurs peuvent être autant le marché privé, l’État, les individus etc. Il s’agit tout de même d’une pente glissante. L’État est élu démocratiquement et il est le seul à s’acquitter des tâches législatives. Si le privé prend le dessus, il ne sera pas contrôlé démocratiquement.
Selon le gouvernement Chinois, l’accusée n’a enfreint aucune loi et son arrestation va à l’encontre des droits de la personne et demande donc qu’elle soit relâchée. Le 10 décembre 2018, la Chine a arrêté deux canadiens, soit un ex-diplomate en Chine et un consultant, pour des raisons de sécurité nationale. Un troisième canadien fut arrêté, mais il semblerait qu’il ne soit pas en lien avec le cas Huawei. Selon des observateurs, les arrestations des deux canadiens seraient des pressions politiques pour relâcher Madame Meng. Il ne faut point oublier que les événements se passent dans un contexte de négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis. Lors des balbutiements de la police en Angleterre, Robert Peel, qui était ministre, a proposé une loi afin de mettre sur pied une police municipale décentralisée. Il nomma Charles Rowan et Richard Mayne à titre de directeurs de services. Ceux-ci ont exposé des principes de la police qui sont toujours d’actualité. Ces principes sont axés par exemple sur la prévention, la coopération du public, utiliser la force en dernier recours, mais surtout, dans le cas qui nous intéresse, de servir la loi et non le gouvernement. Les arrestations des canadiens en Chine pour des fins de sécurité nationale semblent en effet très liées avec le cas de la femme d’affaire. Si tel est le cas, ces arrestations ont servi à être utile au gouvernement chinois plutôt qu’au respect de la loi en elle-même et ce afin d’exercer des pressions politiques pour arriver à ses fins, soit le relâchement de Madame Meng. De plus, le dossier que les États-Unis ont monté à l’encontre de la directrice financière ainsi que sur l’entreprise frôle peut-être aussi cette limite. Le fait que les infrastructures de la technologie 5G de la compagnie puissent être utilisées à des fins d’espionnage est une variable à ne pas négliger. L’État américain envisage cette technologie comme étant une menace. L’État canadien est maintenant dans une position assez délicate, d’un côté les États-Unis réclament l’extradition de la directrice et la Chine réclame sa liberté, alors qu’il a procédé à une arrestation en vertu d’un mandat américain. Les aboutissements de cette histoire auront probablement des impacts diplomatiques, et ce, peu importe l’option choisie.