Le Bureau des enquêtes indépendantes : gage d’impartialité et de transparence?

Des groupes de défenses des droits remettent en question la transparence et l’indépendance du Bureau des enquêtes indépendantes (BEI) au cours de leurs enquêtes. Selon eux, il est nécessaire que le déroulement des enquêtes soit rendu public afin d’assurer leur crédibilité et d’augmenter la confiance que le public leur porte. Dans les cas où le DPCP ne porte aucune accusation contre les policiers, comment peut-on s’assurer de l’impartialité de ces enquêtes s’il nous est impossible de connaître les raisons derrière ces décisions?
Le Bureau des enquêtes indépendantes est une organisation indépendante des autres corps policiers de la province de Québec, en vigueur depuis juin 2016, chargée d’enquêter sur le travail des policiers impliqués dans des interventions ayant causé la mort ou des blessures à un civil. Auparavant, ce genre d’enquêtes était confié à un autre corps de police, ce qui suscitait de gros doutes quant à l’impartialité du processus d’enquête et des décisions rendues. C’est d’ailleurs par un souci d’indépendance que le BEI a finalement été créé en 2016, 3 ans après l’adoption de la loi permettant la création de cet organisme. Cependant, depuis son entrée en vigueur, de nombreuses critiques lui ont été adressées. La Ligue des droits et libertés et certains groupes de défense des droits et libertés lui reprochent entre autres de ne pas être assez transparent lorsqu’il est question de l’information qu’il partage au public. Qu’entendent-ils par ça? Selon ces groupes, le BEI ne partage aucune information qui pourrait permettre au public d’être rassuré et d’avoir confiance en leur impartialité durant les enquêtes qu’ils mènent.
Impartialité

De nombreuses critiques sont adressées au Bureau des enquêtes indépendantes en lien avec la composition de cette unité. Selon ces critiques, un trop grand nombre de ces enquêteurs sont d’anciens agents de la paix. Le BEI se défend en assurant qu’il respecte son devoir d’embaucher un nombre égal de civils et d’anciens policiers afin d’assurer l’impartialité dans leur processus d’enquête. Aussi, afin de maximiser la transparence lors de leurs enquêtes, les anciens policiers qui travaillent à titre d’enquêteur pour le BEI ne pourront pas être à la tête d’une enquête qui implique un corps policier pour lequel ils ont déjà travaillé.
« Notre société veut de la transparence et c’est la raison d’être du BEI. »
– Madeleine Giauque, directrice du Bureau des enquêtes indépendantes
Surcharge et manque de ressources
Si cet organisme a été fondé afin d’éviter que « la police enquête sur la police », on lui reproche tout de même de ne pas être aussi « indépendant » qu’il serait censé l’être. Ce qui arrive, c’est que le Bureau des enquêtes indépendantes manque de ressources et se retrouve débordé d’enquêtes. Seulement quelques mois après sa création, le BEI s’est vu forcé de faire appel au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) en renfort, car il manquait d’enquêteurs. Cette situation est un peu ironique, car la mission du BEI est justement d’enquêter de manière indépendante… En 2017, après 1 an d’existence, le BEI a pris en charge 49 enquêtes indépendantes, ce qui représente le plus haut nombre d’enquêtes indépendantes depuis 17 ans. Sur une période de 1 an, seulement 2 des 49 dossiers ont franchi toutes les étapes du processus d’enquête.
Presque deux fois moins d’enquêtes en 2018…
N’ayant aucun détail sur ce qui se passe et constatant le nombre quasi nul de dossiers où des accusations sont portées à l’endroit de policiers impliqués dans des incidents avec des civils, il n’est pas étonnant que la population ait de la difficulté à avoir confiance en la transparence de ces enquêtes dites indépendantes. Or, au cours de sa deuxième année, le BEI compte presque deux fois moins de dossiers actifs qu’à sa première année. Qu’est-ce qui pourrait expliquer ce phénomène? Un jugement qui a été rendu en septembre 2017 à l’endroit du policier Éric Deslauriers a sans doute eu un rôle à jouer dans cette baisse. Cet ex-policier a été déclaré coupable et a écopé de quatre ans de pénitencier pour avoir abattu un jeune adolescent qui tentait de lui échapper lors d’une intervention policière en 2014 dans les Laurentides. C’est assez pour faire réfléchir certains policiers avant d’utiliser leurs armes lors d’interventions. D’autres facteurs entrent bien sûr en ligne de compte. On pense notamment aux nouvelles techniques et aux armes non létales qui sont à la disposition des policiers ainsi qu’à la baisse du niveau de criminalité.
Bref, les critiques sont dures à l’égard du nouveau Bureau des enquêtes indépendantes, car si on regarde de plus près, il semble faire tout ce qui est en son pouvoir pour enquêter de manière transparente et impartiale malgré son manque évident de ressources.