La CPRK lance un ultimatum ; se retirer si les choses ne changent pas

Travailler au sein d’un corp de police n’est pas de tout repos. En plus d’être un métier exigeant, plusieurs composantes peuvent s’additionner pour accroître le niveau de difficulté. À la fin du mois de novembre dernier, le chef du Corps de police régional Kativik annonça un ultimatum concernant la gestion des 14 villages inuits du Nunavik. Monsieur Jean-Pierre Larose était sur le point de concéder la responsabilité de la sécurité publique à la sureté du Québec. N’ayant plus le budget monétaire ni les effectifs nécessaires pour répondre à la forte criminalité des communautés du Nunavik, il se voyait dans l’obligation de retirer les fonctions de la police régionale si les choses ne changeaient pas. 

Le corps de police régional Kativik (CPRK) couvre un vaste territoire de 507 000 km² dans lequel se trouvent près de 13 000 habitants. Il se veut donc d’être pourvu d’un service de police, étant plus de 5 000 habitants.  Depuis sa création en 1995, la CPRK a pour mandat de maintenir la sécurité publique, l’ordre et la paix tout en protégeant la population. Même si ce mandat semble simple, la réalité sociale et policière du Nunavik amplifie la difficulté à l’accomplir.  

Dans ce corps policier, il y a 68 employés qui travaillent sur le terrain et parmi l’administration. Selon Monsieur Larose, cette pénurie est un problème flagrant pour son organisation et le maintien de cettedite mission. Il faudrait au moins une trentaine de nouveaux policiers au sein de celle-ci pour pouvoir y parvenir.

Les policiers qui sont en mandat se voient dans l’obligation de travailler beaucoup plus qu’à l’ordinaire. De plus, par ce manque de candidatures, il y a couramment des embauches de main-d’œuvre n’ayant pas les qualifications suffisantes, engendrant des problèmes dans leurs tâches quotidiennes. Par exemple, ces policiers ne peuvent pas posséder d’armes adéquates. C’est un handicap réal. Il est rare qu’ils aient plusieurs années de carrière derrière eux. Parmi tous, près de la moitié des employés ont moins d’un an d’expérience.

Les conditions « inhumaines » des policiers du Grand Nord

Les policiers travaillant au sein la CPRK connaissent une dure réalité. C’est la principale raison du manque d’agents dans le Grand Nord. Le territoire du Nunavik est très isolé du Québec. Pour se rendre sur celui-ci, les policiers doivent utiliser le service aérien ou la voie maritime saisonnière (l’été ou l’automne). Il n’y a donc pas de possibilités pour ceux-ci de retourner facilement voir leurs proches. Les policiers se sentent souvent isolés durant de longues périodes. Additionné à ce sentiment d’isolement, le choc culturel est au rendez-vous. La rigueur du climat oblige les habitants à vivre d’une tout autre manière qu’au Québec. Le froid extrême restreint les activités à l’intérieur du territoire. Pour un policier qui doit toujours être en déplacement travaillant près de 100 heures par semaines, c’est un défi à prendre en compte. 

Un taux de criminalité élevé 

Dans le Grand Nord, le taux de criminalité est cinq fois plus élevé qu’au Sud. Les policiers doivent composer leur quotidien avec les habitants qui ont des spécificités entrainant la criminalité. Les blessures ou la mort est d’actualité pour les membres du CPRK.  Dans les villages, il n’est pas rare pour un habitant de posséder au moins une arme à feu, que ce soit pour la chasse ou par protection. Elles sont souvent chargées et laissées à la vue de tous dans les maisons. Lors d’altercations, le risque qu’une arme à feu soit de la mise est plus élevé. À titre d’exemple, en 2016, les policiers de Kativik ont traité près de 320 interventions reliées à la possession d’arme, que ce soit pour un mauvais entreposage ou un usage téméraire. L’alcool est également un effet du taux de criminalité accru. Dans les villages, il y a des restrictions établies par les dirigeants pour contrôler la consommation d’alcool. Malgré les mesures mises en place, la consommation reste excessive. Les gens se tournent souvent vers le marché noir pour obtenir de la boisson. Il y a donc davantage de criminalité liée à la production et à la revente d’alcool, ou à des habitants en état d’ébriété. D’ailleurs, 70% des crimes contre la personne sont commis par le biais de gens fortement intoxiqués. Comme l’indique le tableau 12.1, les principaux actes criminels sont liés à l’alcool. Les voies de faits, les agressions sexuelles, conduite avec facultés affaiblies, etc. On peut observer qu’il y a énormément d’interventions policières par année pour le faible nombre d’hommes déployés. Ces deux phénomènes (alcool et armes) créent un mélange explosif, avec lequel les policiers doivent composer sur leur lieu de travail. 

Manque de fonds pour la CPRK 

Le financement est conflictuel non seulement pour l’embauche de nouveaux employés mais pour la santé du corps policier lui-même. Depuis la fin de l’entente le 31 mars 2018, les négociations ne finissent pas.  Monsieur Larose évoque même que l’organisation fonctionne avec le fonds de réserve. Il n’y a pas assez de financement venant du gouvernement provincial et fédéral

Malgré les ultimatums, la situation n’a pas énormément changée. Les policiers continuent à travailler des heures de fous, dans des conditions inhumaines. Que faudra-t-il pour faire évoluer la situation?