Craintes au sein du SPVM: les caméras corporelles rejettées par les policiers

Entre janvier 2000 et juin 2013, le Collectif opposé à la brutalité policière a dénombré 189 cas de bavures policières ayant mené à des décès. Dans un rapport de juin 2015, en réponse au décès de Robert Hénault, défunte victime du SPVM, le coroner Paul G. Dionne a recommandé au Service de police de la ville de Montréal que ceux-ci se munissent de caméras portatives par les policiers. Le SPVM, d’autres corps de police de la province ainsi que le ministère de la Sécurité publique ont donc déposés une étude de faisabilité en lien au port de caméras portatives corporelles pour les policiers l’automne suivant.

Le projet pilote visait principalement à améliorer la transparence du travail des policiers à l’endroit des civils, moderniser la fonction de policier en y ajoutant des outils technologiques actuels et améliorer la confiance entre civils et policiers. La première phase du projet pilote a débuté en mai 2016 et a impliqué une trentaine de policiers. Au terme du projet, 78 policiers des postes de quartiers de Montréal-Nord, Plateau-Mont-Royal et Lasalle se sont prêtés au projet pilote. Ces postes de quartier ont été choisis pour le projet notamment en raison du grand nombre d’appels et de la diversité des populations et types d’interventions qui y surviennent. Le projet s’est terminé vers la mi-2017 et le rapport final a été déposé en fin 2018. Le SPVM estime que munir l’ensemble de sa basse police de caméras coûterait 24 millions de dollars par an, soit approximativement 4% de l’entièreté du budget du service, en plus des 17 millions de dollars mettre en place les outils sur une période de 5 ans.

Toutefois, pour les policiers du SPVM, l’ajout des caméras portatives dans le cadre de leurs fonctions n’a pas eu les résultats escomptés, c’est-à-dire de favoriser la confiance de la population à leur endroit. Les raisons mentionnées par les policiers sont que ces caméras doivent être activés manuellement et que l’action d’activer ces caméras nuit dans les situations d’intervention, car l’attention est nécessairement détournée vers la caméra, car le policier doit aviser le citoyen qu’il va être filmé. Également, ceux-ci notent qu’ils ne sont pas toujours en mesure d’activer les caméras à temps en raison de la vitesse à laquelle ils doivent intervenir. De plus, 89% des policiers sondés éprouvent des malaises profond quant aux caméras portatives, car ils ont l’impression qu’on ne leur fait pas assez confiance, la caméra est perçue comme une intrusion et certains craignent même que les enregistrements soient utilisés contre eux.

Finalement, le projet a été rejeté par l’administration Plante en raison des coûts y étant associés et que les caméras n’aident pas nécessairement à créer et conserver une confiance entre civils et policiers qui est essentiel au modèle de police de Montréal, fortement inspiré du modèle britannique des bobbies de Rowan et Mayne.
Un des principes fondateurs du modèle de policing anglais repose sur la coopération du public pour faire respecter les lois. Les policiers affirment que les caméras créent une distance impersonnelle entre les citoyens et les policiers, donc les citoyens et les agents sont moins enclins de collaborer ensemble pour lutter contre le crime si ceux-ci n’ont pas confiance en eux. Les policiers sont plus incités à utiliser leur pouvoir de coercition s’ils n’ont pas le soutien du public, ce qui contrevient à un des autres principes de la police britannique classique qui est de recourir le moins possible à la force. Les caméras corporelles représentent donc un enjeu majeur pour le SPVM qui doit trouver un juste milieu entre assurer la transparence de ces procédures et rendre des comptes aux citoyens et de s’assurer de garder la confiance du public. Des audiences publiques sont prévues pour le début 2019.