Quand la police devient la victime
Rassemblement à la mémoire des victimes de l’attentat. Image provenant de Radio France Internationale.
Bogotá, Colombie
Le jeudi 17 janvier 2019, vers 09h30, un autre drame s’ajouta à la liste d’événements violents caractérisant l’histoire de la Colombie. La guérilla s’appelant « Ejército de Liberación Nacional » (ELN) a pris pour cible l’école générale de police Santander située à Bogotá. L’ELN a attaqué l’institution nationale à l’aide d’une camionnette contenant 80 kilos de pentolite, un explosif extrêmement puissant. Cet attentat à la voiture piégée coûta la vie à une vingtaine de cadets policiers et blessa 68 autres personnes. Il s’agit de l’attaque la plus meurtrière depuis 2003 dans la capitale colombienne.
¡Basta de violencia!
Suite à cette malheureuse tragédie, un appel à manifester naquit sur les réseaux sociaux la journée même. Cette manifestation contre la violence se déroula le dimanche 20 janvier 2019. Les participants portaient des chandails blancs sur lesquels on pouvait lire des inscriptions telles que : « Policier, mon ami, la Colombie est avec toi. » D’ailleurs, une manifestante a partagé son intention de soutenir le président Iván Duque contre le terrorisme par sa présence. Selon le témoignage d’un professeur présent ce jour-là, deux ans plus tôt, le gouvernement signait un accord de paix avec les Fuerzas armadas revolucionarias de Colombia – Ejército del Pueblo (FARC), une ancienne guérilla démobilisée. Depuis, plus de 400 personnes ont été assassinés incluant des militants, des élus, des activistes, des défenseurs des droits de l’homme et des pacifistes.
En manifestant, les citoyens de la capitale ont démontré leur désaccord envers plusieurs événements tragiques, dont l’attentat du 17 janvier 2019. L’appui de la population se percevait aussi par les slogans tels que « Yo soy policia » qui signifie « Je suis la police ». Bien que cela constitue un contrôle informel, celui-ci peut parfois s’avérer utile pour la police. Évidemment, en appuyant la police, les citoyens s’attendent à une protection de leurs biens et de leur personne ainsi qu’au maintien de la paix. En contrepartie, cela autorise la police à utiliser la force nécessaire, incluant des moyens létaux, donc moins pacifiques, ce qui fait d’elle la monopolisatrice de la force.
Considérant les tensions entre la guérilla, les cartels et les forces de l’ordre, exercer un contrôle social formel semble être tout un défi pour les institutions gouvernementales. Malgré les conflits idéologiques ainsi que politiques, les autorités tentent leur possible pour procéder à l’arrestation des responsables de ce drame afin de les traduire en justice et de répondre aux attentes de la population. Toutefois, croire que le rôle principal de la police concerne l’arrestation des criminels et le contrôle de la criminalité constitue un mythe, car sa mission primaire consiste à protéger l’État.
Un acte terroriste? L’ELN se défend.
L’ELN constitue la dernière guérilla en Colombie. Des négociations avaient commencé et le processus stagnait suite à une demande du gouvernement qui consistait à faire libérer des otages détenus par le groupe armé. Évidemment, l’attaque contre l’école de police causa la rupture officielle du processus de paix. En ce sens, le président de la Colombie, Iván Duque, a demandé aux autorités cubaines d’arrêter les négociateurs de l’ELN présents sur leur territoire afin de les remettre aux autorités colombiennes. De plus, il dénonce la gratuité de cet acte contre des jeunes et des étudiants désarmés. Selon lui, il s’agit avant tout d’une attaque contre la société.
« Este es un ataque en un centro académico donde había jóvenes y estudiantes desarmados. Es un ataque no solo contra la juventud, ni contra la Fuerza Pública, ni contra la policía. Es un ataque contra la sociedad. »
Bien que l’ELN reconnaisse sa responsabilité en tant qu’auteur du crime, l’organisation se défend en déclarant qu’il s’agissait d’un objectif militaire puisque la police dépend du ministère de la défense. Toutefois, selon le Haut-Commissaire pour la paix, Miguel Ceballos, les victimes ne possédaient pas le statut de policier, uniquement celui de cadet. Parmi elles, se trouvaient des mineurs. De plus, les activités criminelles de l’ELN comprendraient plus de 400 violations des droits de la personne et plus d’une centaine d’homicides.
Ce contexte diffère du Canada où la Sécurité publique gère notre police fédérale, la Gendarmerie Royale Canadienne. Outre la police militaire, aucun corps policier canadien ne relève du ministère de la Défense nationale. Bref, terrorisme ou pas, un geste ayant offensé la conscience collective correspond bel et bien à la définition d’un crime selon Durkheim.