Réactions et mesures policières lors des manifestations : quand dépassons-nous la limite?

Le Sommet du G7 à Québec a fait couler beaucoup d’encre en début de période estivale dans la vieille capitale l’an dernier. Quand des évènements de cette envergure vont avoir lieu, il est difficile, voire impossible de déterminer avec certitude les réactions des manifestants. D’ailleurs, manifester (pacifiquement et légalement) est une liberté d’expression protégée et définie comme une liberté fondamentale à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. Toutefois, il arrive parfois que certaines manifestations sont déclarées «illégales» et du coup, les policiers doivent intervenir lorsque les manifestants ont des comportements qui pourraient perturber l’ordre ou troubler la paix. À cet effet, il est important de rappeler qu’en aucune circonstance, la fin ne saurait justifier les moyens et/ou les choix des tactiques des forces policières. Autrement dit, des prédictions quant au déroulement des manifestations ne valent pas plus que les prédictions météorologiques, car les réactions sont imprévisibles.

«Vu qu’on n’est pas en mesure de spéculer sur les actions que les manifestants vont prendre, ainsi que la police en réaction, on ne peut confirmer qu’il n’y aura pas d’arrestations de masse» -Cyndi Paré, de la police de Québec.

Une arrestation de masse est une procédure que prennent les autorités policières afin de mettre au arrêt un groupe de personnes, par exemple lors de manifestations illégales. On parle ici d’une technique de d’arrestation en «souricière». Nous pouvons associer ce terme à de nombreux évènements antérieurs, dont le Sommet du G20 à Toronto ainsi que lors des manifestations nocturnes en liens avec les grèves étudiantes. Il arrive parfois que certains membres du corps policier ne respectent pas les normes de diligence ou transgressent la mince ligne donnant lieu à un abus de pouvoir. À ce sujet, le policier Denis Bruelle de la SQ qui avait utilisé son arme d’impact d’une façon incompatible à un usage d’une diligence raisonnable de sa part lors d’une manifestation en lien avec les grèves étudiantes. Après l’ouverture d’une enquête, il s’est vu blâmé par le Comité en déontologie policière pour son action.

Comme ceux qui sont déployés sur le terrain afin de s’assurer du maintien de l’ordre et du statut légal des manifestations, les policiers sont des agents de la paix et ont un devoir de protection envers le citoyen. Contrairement à un citoyen ordinaire, cet organisme public qui applique les lois détient le monopole pour utiliser la force et procéder à des arrestations. Par contre, il incombe aux policiers d’évaluer la situation, car ces droits ne pourraient jamais justifier un abus de pouvoir ou l’usage de la force d’une manière disproportionnée, voire déraisonnable.

chapitre P-13.1, r. 1
Code de déontologie des policiers du Québec
Loi sur la police(chapitre P-13.1, a. 127)
[…]
6. Le policier doit éviter toute forme d’abus d’autorité dans ses rapports avec le public. Notamment, le policier ne doit pas:
1°  avoir recours à une force plus grande que celle nécessaire pour accomplir ce qui lui est enjoint ou permis de faire;
2°  faire des menaces, de l’intimidation ou du harcèlement;
3°  porter sciemment une accusation contre une personne sans justification;
4°  abuser de son autorité en vue d’obtenir une déclaration;
5°  détenir, aux fins de l’interroger, une personne qui n’est pas en état d’arrestation.

[…]
11. Le policier doit utiliser une arme et toute autre pièce d’équipement avec prudence et discernement. Notamment, le policier ne doit pas:
1°  exhiber, manipuler ou pointer une arme sans justification;
2°  négliger de prendre les moyens nécessaires pour empêcher l’usage d’une arme de service par une personne autre qu’un policier.

Nous n’avons absolument rien à envier aux autres pays en matière de droits fondamentaux. En effet, nous sommes chanceux de pouvoir compter sur plusieurs lois constitutionnelles pour garantir nos droits comme la présomption d’innocence, notre liberté d’expression et même nous assurer une protection contre les discriminations. Toutefois, il semblerait encore aujourd’hui que certains droits fondamentaux sont violés par des membres des forces policières et causes plusieurs préjudices. Il est vrai que les manifestants peuvent déclencher une vague inquiétante lorsqu’il y a beaucoup d’agitation, mais je pense que (parfois) les mesures employés par les forces policières afin de contrôler les foules sont disproportionnés, dans la mesure où on va au delà de l’objectif de dissuasion du mandat initial. L’utilisation d’armes inquiétantes pourraient non seulement décourager les groupes dans leur sentiment d’animosité, mais démontrerait les conséquences négatives qu’un tel comportement pourrait vous coûter. Autrement dit, il pourrait s’agir d’un contrôle déguisé dans un degré de force disproportionné pour sensibiliser les gens à ne pas s’enrôler dans ce genre d’activité.

Cela nous amène à nous questionner à savoir si la proportion des mesures d’intervention que le service de police déploie dans sa mission actuelle (s’assurer du maintien de l’ordre et de l’application de la loi) n’aurait pas contribué en même temps à déstabiliser le sentiment de sécurité des citoyens. Concernant les faits, il semblerait que les frais en matière de sécurité pour le Sommet du G7 à La Malbaie s’élèveraient à 233 millions de dollars uniquement pour la GRC. Il faut souligner le fait que le sentiment de sécurité n’est pas synonyme de prévention du crime. L’image de désordre que pouvait représenter ces manifestations en inquiétaient plusieurs. Même s’il y a eu énormément de fouilles injustifiées et de détentions abusives, les autorités se permettent d’en faire un bilan positif. D’un autre point de vue, la Ligue des droits a déposé son rapport concernant ledit évènement en septembre 2018 en dressant un portrait plutôt négatif des initiatives du corps policier et ce, malgré les mesures qui avaient été déployés afin de favoriser les conditions de détentions des manifestants arrêtés. Il semblerait qu’en dépit des premières observations de la Ligue des droits et d’Amnistie internationale quant au climat de peur qui s’était installé dans la vieille capitale, les forces policières ont contribué, par l’ampleur de leur détermination et leurs recommandations à la prudence à l’endroit des citoyens, à alimenter le sentiment d’insécurité qui pouvait régner dans la ville cette fin de semaine de juin.

Donc au final, on retient qu’il y a bel et bien une distinction entre ce que la police devrait faire et ce qu’elle fait. En effet, le service policier intimide ceux qui veulent militer pacifiquement par le nombre d’agent qu’elle déploie et rencontre (par conséquent) seulement les manifestants qui n’ont pas froid aux yeux. À mon avis, il serait important de rappeler les 9 principes de la police, car pour que cet organisme public puisse être juste et efficace, il faut appliquer la totalité de ces principes et non seulement quelques uns.