Notre-Dame-Des-Landes : Maintien de l’ordre ou opération militaire ?
Depuis plus de cinquante ans, l’ouest de la France se fracture sur la question de la construction d’un nouvel aéroport devant desservir la ville de Nantes. Au-delà de la région nantaise la question de l’aéroport a cristallisé les tensions entre partisans et opposants aux grands projets emménagement du territoire partout en France.
Pendant la campagne qui l’a menée à la Présidence de la République, Emmanuel Macron avait promis de régler définitivement la question de l’aéroport. Alors qu’un référendum local avait validé le projet d’aéroport et que le candidat Emmanuel Macron avait répété à plusieurs reprises qu’il suivrait le résultat des urnes, le projet d’aéroport a été enterré en janvier dernier par le Premier Ministre Edouard Philippe. En vertu du droit français interdisant le délogement pendant une « trêve hivernale », le Premier Ministre laissait aux occupants de la « Zone A Défendre » (ZAD) une période de trois mois pour quitter les lieux. La trêve hivernale prenant fin début Avril, une opération policière a été lancée mercredi 11 avril dans le but expulser les derniers occupants de la zone.
Mercredi 11 Avril 2018, au petit matin, c’est donc près de 1500 policiers qui arrivèrent sur la « ZAD » à bord de véhicules blindés, armés de fusils d’assaut ou de flashball dans le but de déloger une centaine de militants toujours installés, de manière illégale, sur le terrain qui était autrefois réservé à l’aéroport. Selon plusieurs communiqués du Ministère de l’Intérieur et prises de parole du ministre Gérard Collomb, un tel arsenal était justifié du fait de la détermination des « zadistes » et de la présences d’armes et de cocktails molotovs sur le site de Notre Dame Des Landes. A ce titre, le même ministre de l’intérieur qualifiait les occupants illégaux du site de « professionnels de la confrontation« .
Ainsi, selon les différentes associations de soutien aux occupants de la « ZAD », pendant la semaine d’affrontement entre les forces de l’ordre et les « zadistes » ce sont près de de 11000 grenades lacrymogènes qui ont été tirées. Devant de tels chiffres et les différentes images sur lesquelles on aperçoit les forces de l’ordre dans un équipement extrêmement proche de celui que peuvent avoir certains militaires (voir image), on ne peut conclure qu’à une forme de « militarisation de la police ». Lorsque l’on parle de militarisation de la police de nos jours, on parle du fait que les forces de police tendent de plus en plus à ressembler aux forces armées conventionnelles de par l’utilisation d’armes et de technologies militaires et l’identification d’ennemis. Au delà de l’équipement et du nombre de munitions tirées par les gendarmes, c’est également le vocabulaire utilisé par ces derniers et par leurs responsables qui témoignent de l’organisation quasi militaire des forces de gendarmerie à Notre Dame Des Landes. On a ainsi pu entendre dans plusieurs médias que l’opération d’évacuation de la « ZAD » de Notre Dame Des Landes était une « guerre de position » opposant les zadistes d’une part aux gendarmes de l’autre.

Gendarmes en action sur la « ZAD » de Notre Dame Des Landes le mercredi 11 avril 2018
La deuxième notion qui est levée par ce fait d’actualité c’est le lien étroit qui peut exister entre les forces de l’ordre, d’une part, et les médias de l’autre. En effet, lors de l’opération d’évacuation de la « ZAD » de Notre Dame Des Landes, les journalistes étaient écartés du théâtre des opérations et les images qui passaient en boucle sur les chaines d’informations en continu et dans tous les médias en général étaient fournis par la gendarmerie et / ou le ministère de l’intérieur. La question de la liberté de la presse et de la liberté d’information a donc été posée à de multiples reprises dans les médias français. Afin de répondre aux interrogations posées dans les médias, les responsables de la gendarmerie et du Ministère de l’Intérieur opposaient la dangerosité des « zadistes », parfois armés, et le danger encouru par les journalistes en cas de couverture des opérations. La version des « zadistes » et de leurs sympathisants était bien évidemment tout autre. Ces derniers défendaient l’idée selon laquelle les forces de l’ordre, afin de pouvoir perpétrer des violences à l’encontre des opposants de la zone sans être filmées et donc poursuivies.
Les médias étant, pour la majorité des citoyens français, le seul moyen de se tenir informés des événements en cours sur la « ZAD », les forces de l’ordre ont tenues, afin de gagner la bataille de l’opinion, de communiquer aux médias, et par leur biais à l’opinion dans publique des images montrant la violence et la déterminations des opposants dans le but de s’attirer la sympathie de l’opinion. Cependant, à l’heure d’internet et des réseaux sociaux, les médias alternatifs tels que Reporterre ou Révolution Permanente partageaient très activement des images de policiers démolissant les habitations de zadistes non armés afin de s’attirer, eux aussi, les faveurs de l’opinion publique et de la majorité des français. Comme dans de nombreuses opérations de ce type, il existe donc une relation complexe entre les médias et les forces de l’ordre afin de s’attirer la sympathie de l’opinion publique.
A l’heure des réseaux sociaux qui rendent les médias « traditionnels » caduques, le dilemme qui se pose aux États est le suivant, faire respecter à tout prix la loi et l’État de droit, aux risques de bavures, ou tolérer l’illégalité en craignant la convergence de tous les mécontentements.