Le port de symboles religieux permis dans un «contexte d’autorité» ?

Sondos Lamrhari, une jeune étudiante de dix-sept ans, poursuit présentement ses études au Collège Ahunstic en technique policière. Étant en première année, elle aspire, un jour, pouvoir travailler au sein du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ou pour celui de Laval (SPL). Cependant, Sondos porte le hijab depuis l’âge de 14 ans, une barrière qui semble nuire à plus d’un.

N’étant pas un cas ‘’pressant’’ puisqu’elle n’est pas encore policière dans le cadre de ses fonctions, il faudra néanmoins se pencher sur le sujet d’ici les trois prochaines années, alors qu’elle terminera ses études. À l’École nationale de police du Québec (ENPQ), on assure que le cas de cette jeune femme sera traité d’ici la fin de ses études collégiales ; le directeur, Pierre Saint-Antoine, affirme «qu’au moment où elle viendra cogner à sa porte, il aura une réponse à lui offrir».

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Un débat d’envergure

Sondos Lamhrari porte le hijab, mais le débat prendra aussi en compte le port du kirpan et du turban.

D’un côté l’on souhaite un uniforme neutre, laïc. Être policier, c’est aussi avoir une charge civique. C’est de maintenir la paix publique, prévenir et réprimander le crime, et veiller à la sécurité des citoyens. Dans des cas plus féroces, les agents ont recours à la force, à des armes incapacitantes et même au pistolet.

De l’autre, on accepte les différences et on encourage les jeunes issus de minorités à appliquer pour des emplois peu conventionnels. Comme le lançait Nathalie Roy, porte-parole de la Coalition Avenir Québec en justice et laïcité et députée de Montarville, «Il est clair qu’une personne en position d’autorité ne peut pas servir Dieu et l’État dans un même quart de travail. Une autopatrouille n’est pas un lieu de culte».

La Gendarmerie royale du Canada (GRC), permet, depuis les années 1990, que les agents de confession sikhe puissent porter le turban. Du côté des femmes musulmanes, elles peuvent porter le hijab depuis 2016. Le Royaume-Uni, la Norvège et la Suède autorisent le port du voile chez les policiers/ères alors que la France, la Belgique et l’Algérie s’y opposent.

Voir au-delà des différences

Plusieurs corps policiers, tels que ceux de Toronto et Edmonton, ont modifié leurs codes vestimentaires et autorisent déjà les agents à porter le hijab et le turban dans l’exercice de leurs fonctions. Tel que mentionné plus haut, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a emboîté le pas et a fait de même dans les dernières années. «Les essais ont démontré que le port du hijab et du turban ne nuit pas à l’efficacité des membres dans l’exercice de leurs fonctions», indique la sergente Marie Damian, porte-parole de la GRC. Onze policiers ont porté le turban et une seule policière a demandé à porter le hijab depuis 2013.

On ne peut effectivement pas se priver de très bons agents, de futurs policiers seulement à cause d’un symbole religieux. Ses camarades de classes sont d’ailleurs de cet avis ; le port d’un signe religieux ostentatoire ne devrait pas gêner ses études ni son futur travail. Espérons que cette solidarité interne se traduise aussi lors de la période d’embauche des différents services policiers de la province.

Le code vestimentaire

L’uniforme des agents de police comporte des règles très strictes quant au tissu, à la couleur, les insignes, etc. C’est d’ailleurs l’objet du Projet de loi 133, obligeant le port de l’uniforme par les policiers et les constables spéciaux dans l’exercice de leurs fonctions. Un officier de police se doit de porter des vêtements prédéfinis tels que la chemise, le pantalon, la cravate, les souliers en cuir, le paletot et, dans certains cas, le képi. Dans un cas où le voile est accepté, faudra-t-il repenser l’uniforme prévu dans le Code de déontologie policière?

La commission Bouchard-Taylor

Le 8 février 2007, l’ex premier ministre du Québec, Jean Charest, annonce le début d’une commission de consultation sur les pratiques d’accommodements pour les minorités culturelles et religieuses. Parmi les recommandations faites, ceux qui ont retenus l’attention sont notamment l’interdictions de symboles religieux pour les employés de l’État, et donc ceux en «position d’autorité», et le retrait du crucifix de l’Assemblée nationale.

Le projet de loi 62 sur la neutralité religieuse

Le projet de loi 62 à l’égard de la laïcité, au Québec, a été présenté par Mme Stéphanie Vallée, ministre de la justice. Il mentionne que les services publics doivent être donnés et reçus à visage découvert. Ainsi, le port du voile, comme la burqa et le niqab, est formellement interdit au personnel qui travaillent avec le public et aux citoyens qui reçoivent des services gouvernementaux. Toutefois, le projet de loi n’interdit pas le port de signes religieux pour les employés de l’État, dans un contexte d’autorité, comme les juges, les agents des services correctionnels et les policiers.

Une  question de sécurité

Depuis le début des discussions sur le sujet, un des enjeux qui revient est celui de la sécurité. En effet, on doit prioriser un uniforme neutre avec lequel il n’y aurait aucun danger pour l’agent. Par sa conception, le hijab, tout comme le turban, pourrait engendrer des risques d’étranglement. La designer montréalaise Elham Seyed, se serait déjà pencher sur le sujet ; un voile attaché à l’aide d’aimants légers, qui se détache à la moindre pression.

Un enjeu politique

Le débat, fortement médiatisé, a suscité de nombreuses réactions de la part de nos politiciens. Entre autre, Philippe Couillard met au défi les chefs du Parti québécois (PQ) et de la Coalition avenir Québec (CAQ) de dire à la jeune femme: «qu’ils refusent qu’elle exerce sa profession parce qu’elle porte un foulard musulman». En réponse au premier ministre du Québec, le PQ et la CAQ ont affirmé que s’ils prennent le pouvoir, Sondos Lamhari se verra interdire d’exercer sa profession à moins qu’elle n’accepte de laisser de côté le port du voile (hijab) lorsqu’elle sera en fonction.