Les glaçantes statistiques des violences policières aux États-Unis

La police aux États-Unis fait l’objet de plusieurs polémiques depuis ces dernières années. Les violences policières sont au cœur de ces débats. Plusieurs cas d’individus tués par les forces de l’ordre, particulièrement des hommes de race noire, laisse la population dans le mépris et la méfiance. Les statistiques du gouvernement fédéral sont trompeuses. La société est contrôlée par une police qui se veut communautaire mais qui, en fait, est tout autant répressive.

L’organisation de la police Américaine est complexe. Elle est subdivisée selon le territoire (fédéral, État, municipalité, comté) ou le domaine d’expertise. Chaque entité gère le fonctionnement de son système indépendamment des autres, selon leurs compétences propres à chacune. Leurs points de services se multiplient à travers le pays. Le concept de police communautaire naît de cette décentralisation des pouvoirs de prises de décisions, suite à une hausse importante du taux de criminalité dans les années 1960-1970. Le but est de se rapprocher de la population et dissoudre leur sentiment d’insécurité. Pourtant, depuis quelques années, la police aux États-Unis  ressemble plus au modèle de l’application de la loi qui réprime le crime. La militarisation, le renseignement criminel et l’utilisation excessive de technologies en sont des indices. Disons qu’elle oscille entre ces deux modèles, celui de l’application de la loi et de la police communautaire. Il s’agit de répression ou de prévention. D’une part, le rôle du policier est d’agir sur son territoire pour contrer les problèmes d’insécurité, appliquer la loi et réprimer les auteurs d’infractions. De l’autre part, un rôle beaucoup plus flou qui comprend une gamme diversifiée de services aux citoyens afin de prévenir la délinquance.

Depuis plusieurs années, les bavures policières se multiplient et les citoyens perdent confiance en leur corps de police et leur système de justice. Non seulement les policiers utilisent la force plus que nécessaire lors d’interventions mais ils ont tendance à dégainer leur arme à feu dans n’importe quelle situation. En 2017, 987 cas de personnes tuées par la police sont répertoriés par le Washington Post. De ce nombre, 68 personnes n’étaient pas armées dont 19 qui étaient de race noire. Les statistiques officielles décomptent deux fois moins de morts par policier que les 2945 cas comptabilisés par le Washington Post, ce qui signifie que le problème est pris à la légère par le gouvernement fédéral. Ils ne répertorient publiquement que les cas de meurtre justifiés dans le cadre de l’application de la loi par la police. «Par exemple, pratiquement tous les 17 homicides policiers dans l’Oregon ont été comptabilisés, mais aucun des 36 décès similaires dans l’Oklahoma». Un nombre disproportionné sont des hommes Afro-Américains, qui ne représentent qu’une minime partie de la population. Le total de morts tués par la police en est à 351 à ce jour pour l’année 2018. Un chiffre énorme en comparant avec d’autres comme la police britannique qui ne pourrait même pas tuer autant en 25 ans que les États-Unis en un mois.

Juillet 2016, Minnesota
Philando Castile, 32 ans (employé de cantine)

Cet homme a été abattu par un policier suite à une altercation routière pour un feu arrière défectueux. Sa femme et sa fillette était à bord du véhicule lorsque le drame est survenu. Philando Castile voulait seulement remettre ses papiers à l’agent comme demandé. L’agent de police a, semble-t-il, eu peur qu’il sorte une arme à feu et lui a tiré dessus à sept reprises. Sa femme a filmé la scène de son mari agonisant et l’a publié sur Facebook Live dans le but de dénoncer l’abus. La vidéo a été vue par des millions d’utilisateurs. De nos jours, les réseaux sociaux ont un rôle important de partage d’information, évidemment faut-il se méfier de la véracité de l’information publiée. Par contre, c’est une méthode efficace pour dénoncer les abus de pouvoir. Cet événement prouve que le profilage racial est encore très présent dans la manière dont interviennent les policiers, malgré une loi interdisant ce comportement. Cela consiste en l’arrestation, perquisition, fouilles et interrogatoire sans motifs raisonnables, à l’encontre d’un groupe ciblé appartenant à une minorité visible. Ces pratiques sont inconstitutionnelles mais rare sont les cas qui se traduisent en justice. Nombreuses sont les poursuites abandonnées au sujet de policiers blancs qui ont abattus des hommes noirs. Dans cette affaire, la vidéo de l’autopatrouille a été diffusée suite à l’acquittement du policier pour homicide involontaire. Cela provoque des scandales médiatiques et des manifestations contre la brutalité policière où se consterne la population choquée.

Juillet 2017, Minneapolis, Minnesota
Justine Ruszczyk Damond, 40ans (australienne)

Cette professeure de méditation est venue s’installer aux États-Unis pour rejoindre son fiancé mais elle n’a jamais pu se marier comme prévu car un policier l’a abattue. Le policier intervenait suite à l’appel de Mme Ruszczyk concernant un probable viol dans une ruelle. À l’arrivée des policiers, elle se dirige vers eux et le policier fait feu sur elle, la tuant du coup. Les caméras des policiers étaient non activées au moment du drame. Ces caméras jouent un rôle très important, selon la mairesse qui s’est battue pour les avoir, et elles ne sont pas employées correctement voir pas du tout. Les caméras de corps sont utilisées depuis un an et les policiers doivent les activer avant toute intervention criminelle ou utilisation de la force. La famille et les proches de cette victime demandent à connaître la vérité. Pourtant, ils restent sans nouvelle de ce qui s’est réellement passé. La police contrôle l’information divulguée aux médias afin de protéger leur institution. De ce fait, la population n’est pas mise au courant de la réalité mais bien de ce qu’ils veulent montrer.

Mars 2018, Sacramento, Californie
Stephon Clark, 22 ans (père de famille)

La police a ouvert le feu sur un homme noir croyant qu’il était armé mais son arme s’est avéré être un Iphone. Les agents sont intervenus après le signalement d’un homme qui brisait les vitres de plusieurs véhicules. Les deux policiers qui le pourchassaient, croyant qu’il était l’auteur des infractions, ont tirés un total de 20 projectiles. L’homme était dans son propre jardin. Leur caméra de corps ainsi qu’une caméra infrarouge provenant d’un hélicoptère ont captés les images de cette scène policière qui ont été diffusées au public. Ce drame a suscité une vague de réactions sur les réseaux sociaux. On peut y lire des messages comme : « La police poursuivait une personne suspectée de vandalisme. C’est tout. Pas un tueur de masse. », « 20 fois. […] La police de Sacramento lui a tiré dessus 20 fois dans son propre jardin. Mais Dylann Roof (auteur de la fusillade de l’église de Charleston en 2015) a été arrêté dans le calme et s’est vu offrir un repas gratuit. ». Cet autre décès, parmi tant d’autres, remet l’emphase sur les violences policières récurrentes, surtout à l’endroit d’hommes noirs, qui représentent un faible pourcentage de la population mais une énorme proportion de morts sans juste cause par les forces de l’ordre.

Il faut mentionner que les médias jouent un rôle très important dans la divulgation d’information au public. D’abord, les médias déforment la réalité. Ils reconstituent une histoire en la manipulant à leur guise pour n’en laisser que les faits les plus saisissants. Ainsi, ces bavures policières ne sont pas présentées dans leur contexte. Les médias exagèrent pour rendre leur histoire plus intéressante, plus saisissante, plus choquante. Ils en font une réalité fictive que les gens avalent, ce qui nourrit le sentiment d’insécurité du public. Ainsi, la police Américaine est présentée comme une méchante police répressive. D’autre part, plusieurs cas ont été filmés par les caméras corporelles des policiers et divulguées au public. L’utilisation de cette caméra se veut préventive et sert à dissuader. Par contre, elle ne montre pas les angles morts ni les sentiments que le policier peut éprouver comme la panique. La caméra filme ce qu’il y a devant elle mais n’explique pas le contexte au spectateur, ce qui s’est produit avant la scène ou ce qui se déroule autour.

Dans une société du risque, où chacun voit son voisin comme une menace, il n’y a pas d’autre choix que la police réagisse fortement lorsqu’il se sent menacé. La réalité est que la majorité des hommes noirs résistent à leur arrestation. De ce fait, les policiers n’ont pas le choix d’utiliser la force pour les contrôler. Les médias ne parlent pas des cas où ce sont des blancs qui sont tués par des policiers, pourtant il y en a davantage. Les tensions raciales sont explosives aux États-Unis et les médias enrichissent l’indignation du public.