Le SPVM accusé de profilage racial
Le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a été condamné pour profilage racial et devra dédommager monétairement la victime d’origine ghanéenne. David Mensah recevra 14 000$ de la part du SPVM et des deux agents qui ont fait preuve d’abus de pouvoir et de racisme systémique.
Les faits
Le 15 juin 2011, David Mensah, originaire du Ghana, s’adonnait à ses activités routinières ; il livrait des repas pour un restaurant local. C’est à ce moment qu’il a été intercepté par deux agents, sur le boulevard Henri-Bourassa, pour un phare brûlé. S’en suit une discussion assez animée entre les patrouilleurs et Mensah.
Les deux policiers ont procédé à l’arrestation et à la fouille, à deux reprises, de M. Mensah. Ils lui ont même demandé s’il possédait de la drogue et s’il en avait sur lui à ce moment-là. Les questions de l’agent Fournier insinuait un climat racial ; le conducteur a caractérisé son interception de discriminatoire.
Selon les tribunaux, la deuxième fouille accessoire à l’arrestation est qualifiée d’abusive et d’injustifiée ; elle brime la protection du citoyen prévue à l’Article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. De ce fait, on explique mal les questions visant la découverte de drogues et de substances illicites dans un contexte d’arrestation du code de sécurité routière. Évidemment, il n’y avait aucun motif raisonnable et probable de croire que M. Mensah possédait de la drogue sur lui.
Par ailleurs, tel que prévu dans le Code de déontologie des policiers du Québec, à son article 6, alinéa 1, le policier ne doit pas «faire des menaces, de l’intimidation ou du harcèlement; porter sciemment une accusation contre une personne sans justification ou abuser de son autorité en vue d’obtenir une déclaration».
Un climat déjà tendu
Le climat tendu entre la population de Montréal-Nord et le Service de police de la ville de Montréal s’explique notamment par l’Affaire Villanueva survenu en 2008. Fredy Villanueva, 18 ans, est mort le 9 août 2008 après avoir été atteint par des balles tirées par un agent de police, dans l’arrondissement de Montréal-Nord. Ce dernier n’avait aucun antécédent judiciaire. Le jeune homme, accompagné de ses amis, s’adonnait aux jeux de hasard et d’argent dans un parc, qui est formellement interdit selon la loi.
Ce litige de la part des agents de l’État a fait place à de nombreuses manifestations contre la violence faite au Noirs à Montréal. Le 10 août suivant l’incident, une émeute d’une grande importance a éclaté ; coups de feu, magasins dévastés et voitures incendiées.
Deux versions différentes
Bien que le témoignage de Mensah semble véridique, il semblerait que l’événement se soit déroulé autrement, selon la version des agents de police présents. La victime, qui affirme avoir coopéré tout le long, aurait été agressive et agitée selon les policiers. De plus, l’altercation s’est compliquée parce que le permis du conducteur était suspendu pour amende impayée.
En l’espèce, la discrimination par profilage racial s’est manifestée dans un contexte de vulnérabilité du plaignant, alors qu’il est en état d’arrestation. À l’humiliation subie, s’ajoute un sentiment d’impuissance qui ne peut que contribuer à la gravité de l’atteinte à sa dignité.
Sept ans plus tard…
Sept ans après l’altercation, Mensah se dit satisfait de la décision rendue ; son désir est que la population réalise ce qu’il a subit psychologiquement.
David Mensah s’est même senti obliger d’abandonner ses études en technique policière, entreprises au Collège algonquin d’Ottawa. Il ne veut pas avoir à côtoyer des collègues aussi irrespectueux et empreint de mauvaises valeurs. L’interception abusive lui a enlevé tout rêve de devenir un gendarme, après cinq ans d’études.
Je suis descendu dans le sous-sol et je ne voulais pas sortir », a-t-il relaté. « Je n’avais aucune confiance envers les policiers de Montréal et j’avais peur d’aller dehors.
le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) est donc condamné à verser 10 000 $ à David Mensah, alors que les policiers Fournier et Robidoux devront payer 2500 $ et 1500 $.
Le profilage au cœur des préoccupations du SPVM
De 2007 à 2014, environ 60 plaintes pour profilage racial ont été acheminées afin de dénoncer les agissements des agents du Service de police de la ville de Montréal.
Certaines formations et activités sont organisées, tout au long de l’année, afin de tisser des liens entre les policiers et la population montréalaise et la Gendarmerie royale du Canada (GRC) offre même deux journées de formation sur les compétences interculturelles. Cependant, les agents de SPVM ne se contente que d’une demi-journée.
En 2012, le Service de police de la ville de Montréal élaborait un nouveau plan stratégique d’une durée de trois ans, qui viserait la formation continue des policiers, l’implantation d’un système de détection et de prévention des «comportements inappropriés» et le rapprochement avec les communautés culturelles.
Plusieurs acteurs de l’univers judiciaire aimerait voir arriver les caméras corporelles ; elles faciliteraient les preuves, justifieraient les actions posées et pourraient contraindre les agents à respecter un peu plus le Code de déontologie policière.
Un traitement différentiel
Le profilage racial implique nécessairement un traitement différentiel entre les races, comme c’est le cas entre les Blancs et les Noirs. Les traitements sont d’autant plus durs à l’égard des Noirs tant par les policiers que par le système judiciaire et pénal. Les jeunes Noirs sont souvent reliés à la criminalité, plus particulièrement à celle qui implique le trafic de stupéfiants.
Dans le travail des policier, le réflexe de classifier les suspects, les citoyens non-suspects, les « sujets d’intérêt » et les témoins en termes de leur identité ethnique reste très fort.
Selon le SPVM, le profilage racial désigne toute action prise par une personne en contexte d’autorité à l’égard d’une personne qui repose sur des facteurs tels la race, la couleur, l’origine ethnique. Aucun motif réel ou soupçon raisonnable n’est impliqué.
Malgré les efforts déployés, il s’agit de stéréotypes et de préjugés ancrés dans la société ; il est donc difficile de se détacher de la stigmatisation faite aux Noirs, tant pour le citoyen que pour l’agent en uniforme.
*Plusieurs associations à but non lucratif sont aussi créées au Québec, notamment la Ligue des Noirs du Québec. Elles luttent afin de défendre les droits de la personne et la justice sociale.
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