Carding et agences de renseignement canadiennes : un bon ménage?

La pratique du carding en est une des plus controversées. Le fichage aléatoire, mieux connu sous le nom de «carding» consiste à arrêter des gens dans la rue et à recueillir bon nombre d’informations sur eux en tant que «criminels potentiels ». Bien que cette pratique ait été dénoncée à plusieurs reprises et même bannie en 2015, elle est encore pratiquée, malgré qu’elle soit soumise à des conditions un peu plus restreignantes pour l’agent, rendant ainsi moins aléatoire cette pratique qu’à l’origine. À ce sujet, le Toronto Star a publié les résultats de diverses analyses montrant que les Noirs sont beaucoup plus susceptibles d’être arrêtés que les blancs.  Illustrons cela à l’aide de quelques statistiques. À Toronto, les Noirs représentent environ 8.1% de la population. Or, ils ont été le sujet de 24.1% des opérations de Carding. On peut donc ici dénoter une forme de profilage ethnique assez importante.

Bien que les diverses controverses relatives à cette pratique aient causé moins de remous dans la dernière année, voilà qu’une nouvelle information a été divulguée par le Toronto Star. En effet, le journal a pu consulter le Plan contre-terrorisme de l’Ontario dans lequel il est mentionné que «les corps policiers municipaux devraient fournir toute information pertinente glanée lors de vérifications de routine dans la rue ou lors d’interpellations, notamment pour des infractions routières, à différentes agences». Selon ce même document, on explique que les agents de première ligne ont l’occasion unique de reconnaître, d’identifier, de recueillir et de faire rapport sur les renseignements recueillis dans le cadre des tâches d’intervention primaire:

“Front-line officers across Ontario have the unique opportunity to recognize, identify, collect and report on intelligence gathered through primary response duties, such as street checks, vehicle stops and criminal investigations,” the document states.

Ainsi ces informations pourraient être des plus utiles aux diverses agences de renseignement canadiennes dans l’avancement de diverses enquêtes ou en matière de prévention. À ce sujet d’ailleurs, un ancien directeur adjoint du SCRS, Andy Ellis «a assuré qu’elles ont parfois été «cruciales» pour faire avancer des dossiers de sécurité nationale.»

Les agences de renseignement visées par cette collaboration seraient, en plus de la section antiterroriste de la police ontarienne, la Gendarmerie royale du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

Si l’on se fie aux assises du modèle de police par le renseignement, comme quoi pour identifier les zones dangereuses et les délinquants prolifiques, il est impératif de disposer de l’information nécessaire, cette nouvelle pratique viendrait alors répondre correctement à ce but. De plus, à cet égard, on se fie beaucoup sur la professionnalisation de la police. En effet, les policiers sont de mieux en mieux formés et donc capables notamment de reconnaître les bénéfices de l’analyse des données.

De plus, il est connu que nous portons une attention particulière en tant que société à la gestion du risque, notamment en ce qui a trait à la criminalité et au terrorisme. Pour bien cerner le risque et l’éviter, l’information quant à celui-ci est cruciale. À cet effet, la police doit être axée sur la collecte, l’analyse et la diffusion de l’information, ce qui rend d’autant plus important la présence des divers services de renseignement ainsi que la collaboration avec ceux-ci. C’est ce qu’on appelle l’intelligence-led policing qui se concentre sur le fait de savoir calculer les probabilités qu’un événement arrive et ensuite d’agir avant que les crimes ne soient commis. Ainsi, on ne se penche pas tant sur les actes en soi, mais plutôt sur leurs auteurs.

Évidemment, sachant que cette pratique sert désormais aux agences de renseignement canadiennes qui sont  des organisations d’envergure et dont le champ de pratique s’étend bien au-delà de la criminalité de rue, il sera impératif que les renseignements obtenus par le carding soient filtrés et utilisés à bon escient. En effet, par souci d’objectivité, il sera important que les informations et la manière dont elles ont été obtenues soient des facteurs pris en compte dans l’analyse et une attention particulière devra être portée quant aux diverses mesures de contrôle à instaurer à ce sujet.