L’utilisation de l’information sur les évaluations de sécurité faite par le SCRS pose atteinte à la vie privée
La Presse canadienne a récemment reçu une réponse à sa demande effectuée au sujet de l’utilisation des données cueillies lors d’enquêtes de sécurité faites par le Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS). La demande, faite en vertu de la loi d’accès à l’information, a permis d’obtenir une copie (lourdement caviardée) d’un échange entre le SCRS et le Commissariat à la vie privée du Canada. Cette demande a été faite suite à l’inquiétude suscitée en novembre dernier, lorsque qu’un juge de la cour fédérale a statué que le SCRS avait manqué à son devoir d’informer le tribunal de son programme de collecte de données.
La correspondance révèle que pendant au moins les cinq dernières années, l’organisation a conservé les informations privées fournies lors des demandes d’emploi nécessitant une cote de sécurité ainsi que dans les enquêtes de filtrage de sécurité des immigrants. Ces données ont été stockées dans le Centre d’analyse de données opérationnelles («ODAC») du SCRS afin d’établir des liens entre des individus et corroborer d’autres informations pouvant servir lors d’enquêtes.
La lettre du Commissariat à la vie privée, quant à elle, visait à exprimer son inquiétude par rapport à cette collecte et recommandait au Service d’informer les gens soumis à une évaluation de sécurité que les renseignements collectés pourraient être utilisés à d’autres fins que l’enquête elle-même. Le SCRS a quant à lui répondu que des méthodes de protection sont déjà en place afin de respecter l’utilisation des données et que les inquiétudes du Commissariat étaient déjà adressées.
CSIS takes very seriously all potential privacy considerations related to its work and is committed to ensuring that its activities are transparent, accountable and in compliance with privacy legislation, guidelines and best practices
Tahera Mufti
« Filtrage » de sécurité et respect de la vie privée
Par exemple, les formulaires d’embauche du service ainsi que ceux nécessaires à l’évaluation de sécurité des candidats permettent à l’agence d’obtenir une multitude de détails sur l’appliquant, tel que :
- emplois précédents (et raison du départ, salaire, numéro de téléphone du patron …)
- suspension du permis de conduire et pourquoi
- handicaps
- culpabilité d’infractions criminelles
- consommation de substances illicites
- renseignements sur le ou la conjoint(e) ainsi que tous les membres de la famille proche
- adresses domiciliaires précédentes
- voyages
- ami(e)s
- états financiers
De plus, lors du processus visant à accorder une cote de sécurité au candidat, l’organisation procède à une multitude de rencontres (entrevue de sécurité) afin de vérifier, notamment, si le candidat est susceptible au chantage. Toutes les actions reprochables qu’aurait alors commises le candidat dans sa vie seront conservées. Finalement, leur processus de sélection mentionne qu’une évaluation psychologique et polygraphique sera nécessaire, deux autres étapes qui visent a amasser encore plus détails sur la vie privée des candidats.
Bien sûr, une enquête aussi exhaustive sur une personne avant de lui permettre l’accès à de l’information concernant la sécurité nationale est souhaitable. Cependant, il faut s’assurer que les lois ne sont pas transgressées et que l’information acquise est utilisée aux fins annoncées.
Bien qu’une des recommandations émises par le commissaire soit d’informer le candidat que les données recueillies sur lui pourraient être utilisées à d’autres fins, rien ne semble indiquer que le service n’a appliqué cette recommandation. En effet, parmi les quatre formulaires disponibles, rien n’est mentionné à ce propos, on stipule seulement que le formulaire sera soumis à la loi sur la protection des renseignements, qui elle, n’autorise en aucun cas l’utilisation des données recueillies a d’autres fins que celle présentée.
Le SCRS ne devrait-il pas collecter et conserver seulement les données relatives aux cibles d’intérêts ? Manifestement, avec la grande quantité d’informations disponible et le faible de coût de stockage de nos jours, l’agence semble en collecter plus que moins. Après tout, tout le monde peut-être soupçonné d’être un terroriste. De ce principe, un maximum de renseignements est préférable afin de connaître le plus d’individus possible. Il est aussi plus logique pour une telle agence de conserver de l’information plutôt que de la détruire, «au cas où» ça pourrait servir plus tard.