Les résultats de l’opération Sentence sur la Rive-Sud de Montréal

Le matin du 20 avril 2017, le service de police de l’agglomération de Longueuil annonce à la population, via sa page Facebook, la réussite d’une opération d’envergure visant le démantèlement d’un vaste réseau de trafiquants de cocaïne sur la Rive-Sud de Montréal. Le projet connu sous le nom d’ « opération sentence »  aurait permis d’anéantir un réseau criminalisé indépendant, qui écoulait de 20 à 30 kilogrammes de cocaïne par semaine, selon l’information fournie par les enquêteurs.

C’est suite à l’enquête débutant en septembre 2016  et par le biais de diverses techniques, telles la surveillance de sujets d’intérêt ou encore l’ administration dans les règles de la preuve, que les multiples escouades affiliées à la cause ont finalement procédées à 14 perquisitions et 9 arrestations. Au total, c’est plus de 140 agents provenant du SPAL, de la Régie intermunicipale de police Richelieu St-Laurent, de la Sûreté du Québec, de la Police de Châteauguay, du SPVM et de la GRC qui ont pris part, d’une manière ou d’une autre, à cette enquête visant le solide réseau de distribution de drogue.

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Les agents responsables auraient saisi 60 000 dollars en argent comptant, 9 véhicules pour une valeur total avoisinant les 350 000 $, ainsi qu’une grande quantité de cocaïne et plusieurs milliers de comprimés de drogues de synthèse. Ce type d’enquête visant le milieu de la distribution et de la revente de drogues n’est pas nouveau dans la grande région de Montréal. Par contre, depuis quelques années on assiste à une plus grande ouverture sur les enquêtes et opérations de plusieurs grands corps policiers.

Pour comprendre cette ouverture, il faut remonter à moins d’il y a 10 ans, soit en 2008, alors qu’on assiste à une crise économique mondiale touchant plusieurs pays industrialisés. C’est donc un contexte financier instable qui touche le Canada et plusieurs institutions sont donc visées par des coupures ou encore critiquées comme occupant une trop grande part budgétaire. La police fait partie de ces institutions et plusieurs articles viennent rapporter les propos de différents maires de la région métropolitaine se plaignant des coûts faramineux engendrés par leur service policier.

Avec l’arrivée des médias sociaux dans les années 2000, il est plus facile que jamais auparavant, pour tous, de propager de l’information. C’est d’ailleurs dans cette période, que le mouvement policier accorde une plus grande importance aux relations avec les médias. Effectivement, il est dorénavant primordial de se doter d’experts en la matière, afin de filtrer l’information et de réduire les chances de fuites d’informations pouvant venir salir l’image de l’institution policière. Pour les médias cette tendance s’avère très intéressante puisqu’elle leur permet de mettre la main sur de l’information rapide et prête à être présentée à la population. Il s’agit donc d’une situation bénéficiant aux deux parties, permettant d’une part, au mouvement policier de donner et de présenter les informations qu’il souhaite, et d’une autre part, de subvenir aux besoins des médias de se renouveler et d’attirer un auditoire par diverses nouvelles sensationnelles.

Effectivement, les enquêteurs des services policiers peuvent venir jouer sur la culture populaire en fournissant aux médias plusieurs informations sur des arrestations en lien avec des crimes graves. Bien que la proportion de ces crimes soit la plus petite, comparativement aux crimes contre la propriété ou les vols de moins de 5000$, qui eux sont réellement les infractions les plus répandues, les nouvelles qu’on nous présente nous bombarde de crimes violents, d’agressions et de perquisitions de drogues. On assiste donc à une déformation de la réalité sur le sujet du crime, ce qui vient faire croire à la population que la criminalité augmente sans cesse. Les cadres des corps policiers peuvent donc utiliser cette opinion de la population et cette insécurité émotionnelle répandue, afin de justifier leur budget annuel et ainsi se sortir des critiques ayant pris naissance lors de la récente récession.

chien renifleur devant maison

Pour contextualiser ce phénomène, attardons-nous au sujet de l’opération Sentence. Il suffit de faire quelques recherches sur les crimes antérieurs, afin de constater une sorte de régularité dans la diffusion des nouvelles criminelles du secteur de la Rive-Sud de Montréal. En fin mars 2015, on assiste à une opération contre le trafic de stupéfiants en Montérégie, plus précisément à Beloeil, ville située à moins de 15 minutes de Longueuil et desservie par le corps de police de Richelieu St-Laurent également impliqué dans Sentence. En bref, six personnes sont arrêtées, des véhicules sont saisies et on met la main sur de l’argent et divers stupéfiants, dont de la cocaïne, dans ce démantèlement d’un réseau de trafic de stupéfiants. Un an plus tard, mi-mars 2016, on assiste à une importante opération antidrogue à Longueuil, impliquant plus de 200 policiers. Encore une fois, les enquêteurs disent avoir procédés à plusieurs arrestations, en plus des milliers de comprimés, 15 000$, des véhicules, ainsi que plusieurs grammes de substance illicites qui sont saisis. On nous informe également du démantèlement du réseau.

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(Le restaurant chez Mack’s à Beloeil)

Le point soulevé ici n’est pas de banaliser le travail policier et de le présenter comme inutile. Par contre, il s’agit de présenter la nouvelle sur un ordre chronologique, afin de constater les similarités importantes au fil des ans et d’ainsi s’arrêter sur la réelle utilité de telles opérations. Pour le même secteur, et pour 3 ans de suite, on nous dit avoir démantelé un vaste réseau responsable d’une majeure partie de la distribution de drogues dans le secteur. Pourtant, la nouvelle se répète à chaque année, ce qui signifie qu’un nouveau réseau distribue désormais la drogue dans le secteur. Est-ce dû au fait que les organisations criminelles soient capables de se reformer et de se ressaisir facilement suite aux arrestations? Est-ce à cause que le travail policier n’est pas suffisant? Une chose est sure, ces nouvelles viennent créer un grande impression d’importance de l’organisation policière pour la majorité de la population et permettent à la police de se valoriser et de maintenir ses objectifs et ses méthodes de fonctionnement habituels, nous écartant des possibilités de changement ou de redistribution des effectifs, afin d’assister à la mise en place d’une police plus efficace.