Les compagnies de sécurité privée prêtes à assumer certaines responsabilités des policiers

L’industrie de la sécurité privée est en expansion depuis les années 70 et le partage des responsabilités traditionnellement attribuées aux policiers avec des firmes privées est de plus en plus courant. M. Christian Paradis, ex-ministre et vice-président de la firme québécoise GardaWorld, lance depuis quelques semaines le débat entourant la question. Il n’hésite pas à dire que les gouvernements municipaux et provinciaux auraient avantage à engager des compagnies de sécurité privée pour accomplir certaines tâches présentement confiées à la police.

En général, le consensus public s’attend à ce que la mission principale d’un service de police soit constituer en la lutte contre le crime, la prévention, le maintien de l’ordre et la sécurité de la population. Dans la réalité, les fonctions des polices sont beaucoup plus larges. La majorité du temps, la population requiert leurs services pour des interventions ou des travaux de surveillance où leur spécialisation n’est pas nécessaire.

Dans ce sens, après avoir fait une observation de la situation sur 12 mois, M. Christian Paradis a constaté que « […] dans nos forces policières, des policiers formés et qualifiés effectuent des tâches autres que leurs tâches essentielles et pour lesquelles leur expertise n’est aucunement requise. » Ceci l’amène à proposer que les travaux de gestion de la sécurité encombrant le temps des policiers soient délégués aux firmes privées dont Garda. Les tâches requérant une autorité policière (enquête, intervention, etc.) demeuraient sous la responsabilité des services policiers tandis que les autres tâches pourraient être laissées à des entreprises de sécurité privée. Les responsabilités transférables incluraient le transport des détenus, la gestion de la circulation, la prise de dépositions du citoyen, la surveillance de scène de crime, etc.

Les activités de sécurité commercialisées par les agences de sécurité privées sont variées, mais sont particulièrement dirigées vers la prévention et la technologie. Parmi celles-ci, on retrouve également des tâches typiquement attribuées aux policiers (patrouilles, enquête, réponses aux appels des citoyens). Toutefois, ils exercent leurs activités de manières indépendantes des policiers. Les agents de sécurité privée n’ont pas les mêmes pouvoirs, la même formation et ne sont pas soumis aux mêmes lois que les policiers. Leurs services ont déjà été sollicités par plusieurs types de clients, dont le gouvernement. Ce dernier les engage pour divers travaux tels que la sécurité dans les aéroports sous la supervision de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA).

M. Paradis considère que les agences de sécurité privée sont prêtes à faire un travail de support au policier. Ce discours confirme la compétition existante et grandissante entre les services de sécurité publique et privée. Cependant, la vision présentée par M. Paradis est de rendre encore plus complémentaire leur travail et d’établir un partenariat entre eux afin d’atténuer les hausses constantes des coûts reliés aux services policiers classiques. Au plan économique, ce partage des tâches pourrait, d’après lui, permettre des économies de 40 % qui pourraient par la suite être investis dans d’autres secteurs prioritaires (enquêtes criminelles, etc.) plutôt que dans le salaire et le temps supplémentaire des policiers. Les coûts du personnel amputent de manière importante le budget accordé aux services policiers.

De plus, les policiers sont de plus en plus désintéressés par le travail qui leur est confié, car il ne nécessite pas toujours une formation particulière. À ce sujet, on peut faire un parallèle avec la situation du secteur de la santé où les infirmières réclament plus de responsabilités considérant leur formation et où l’on croit que les médecins devraient pouvoir se concentrer uniquement à des cas nécessitants davantage de spécialisation et de connaissance.

Dans ce même sens, la Ville de Montréal croit qu’une révision des tâches attribuées aux policiers est requise. Avec la période estivale qui approche, elle remet en question la gestion de la circulation autour des nombreux chantiers de construction par les policiers. Ainsi, le comité exécutif a demandé à Polytechnique Montréal de procéder à une étude sur le sujet afin d’avoir une vue d’ensemble sur les meilleures pratiques en Amérique du Nord. Avec les heures supplémentaires qui seront nécessaires, le simple aspect économique devient une préoccupation importante. La somme de 51 000 $ est donc investie pour la tenue de cette étude. On prévoit des économies de plusieurs millions de dollars pour les années à suivre.

D’autres villes canadiennes ont déjà fait un pas vers le partage des responsabilités policières avec des services privés. À Vancouver, la gestion du trafic lié aux chantiers est confiée à des auxiliaires tandis que des policiers s’occupent des tâches liées à la circulation. Ce qui permet d’engager des gens avec un niveau formation différente et à un salaire moindre. À Toronto, on prévoit faire un appel d’offres pour éventuellement confier certaines tâches comme l’application des règlements de stationnement et les services de brigadier à une firme de sécurité privée.

Considérant, les quelques initiatives déjà entreprises par les villes, les compétences des compagnies de sécurité privée déjà reconnues et le récent débat lancé par M. Christian Paradis, l’industrie privée pourrait bientôt remplacer les policiers dans plusieurs domaines. Toutefois, le statut spécial des policiers leur garantit toujours une place dans l’industrie de la sécurité.