Police militarisée, une police moderne?
Le 6 février dernier, le commissaire de la Gendarmerie royale canadienne (GRC) Bob Paulson a annoncé que la nouvelle mesure proposant de munir les agents de première ligne d’armes d’assaut l’inquiète. Ce changement majeur au niveau de l’armement de base des gendarmes nous amène à faire un pas de plus en direction d’une police plus militaire que jamais et n’est pas exclusif à la GRC.
La police militarisée, malgré qu’elle ne date pas d’hier, n’est pas cohérente avec la mission policière d’aujourd’hui. De nombreux corps policiers prônent que leur mission principale consiste à servir et à protéger les citoyens et leurs intérêts. Alors en quoi est-ce que des armes d’assaut remplissent ce mandat d’origine plutôt pacifique?
Faisons un court retour en arrière. En 1829, lorsque lord Peel a mis sur pied le Metropolitain Police Service, il a édicté neuf principes de base. Selon ses principes, la police devrait, entre autres, s’assurer de la coopération du public et se servir de la force lorsque tous les autres recours sont épuisés. En armant les policiers presque jusqu’aux dents, les dirigeants facilitent le recours à la force et diminue la coopération du public qui peut être effrayé de l’armement des agents de la paix. Ce non-respect des principes de Peel démontre un glissement de la police qui pourra éventuellement mettre du sable dans l’engrenage.
Le Metropolitain Police Service avait établi sa distinction de l’armée britannique en employant des agents de police qui n’étaient pas armés et qui portaient avaient un uniforme clairement différent de celui de l’armée. D’une certaine manière la militarisation des services policiers nous ramenerait plusieurs années en arrière puisque les uniformes des groupes d’intervention ressemblent de plus en plus aux uniformes des membres des forces armées et les policiers sont armés… Les services de police s’éloignent tranquillement du modèle de police pacifique dans lequel les agents sont présents sur le territoire pour rassurer les citoyens.
La militarisation de la police est présente à divers niveaux et sous diverses formes. Tout d’abord, prenons par exemple les futurs gendarmes travaillant pour la GRC. Lors de leur entraînement de base, ils consacrent beaucoup de temps à apprendre les techniques de défense de la police en plus d’être initiés au tir. Donc, à la base, ces gendarmes sont formés pour se défendre contre les attaques éventuelles, mais aussi pour tirer. Il en est de même pour les policiers ayant suivi des cours à l’école de police. Ce type de formation est très semblable à la qualification militaire de base (QMB) qui doit être acquise par tous les militaires canadiens. Tout comme les futurs gendarmes, lors de leur formation initiale les militaires se voient enseigner des techniques de défense et de combat ainsi que des techniques de tir. Cette formation est donnée tout en gardant en tête qu’en tant que membres des forces armées, ils pourront éventuellement peut-être avoir à défendre leur pays contre des attaques ennemies. Peut-on en dire autant de la police? À quel moment est-ce qu’un citoyen devient un ennemi devant être combattu à l’aide d’armes d’assaut?
D’un point de vue statistique, cette formation semble grossièrement mal adaptée à la réalité policière quotidienne. Dans son rapport d’activités pour l’année 2015, le service de police de la ville de Québec (SPVQ) a rapporté que les infractions criminelles ont diminuées de 25% au cours de cette année et qu’il y a eu moins de 5 homicides dans l’année. Par conséquent, comment peut-on justifier l’achat d’armes de calibre supérieur pour en munir les policiers?
On remarque également le côté militaire de la police dans les achats que certains services de police font. Par exemple, en novembre 2013, le service de police de la ville de Montréal (SPVM) faisait l’acquisition d’un véhicule blindé destiné à aider les policiers lors de situations d’urgence présentant un danger important. L’esthétique – et le nom – du Thunder 1 le rendent imposant et impressionnant.
Par contre, selon un agent du groupe tactique d’intervention, Éric Côté, ce véhicule pourrait être utilisé entre 10 à 15 fois par année. Encore une fois, on investit beaucoup de ressources pour militariser la police alors qu’il n’y a pas de besoin important venant justifier cette dépense.
Par contre, si on aborde la question d’un autre point de vue, la militarisation de la police s’inscrit dans une suite plutôt logique pour répondre aux attentes des citoyens envers celle‑ci. Dans de nombreuses émissions et films, on peut souvent constater que la police est moins bien préparée et moins bien armées que les « méchants ». Par conséquent, vu l’influence de ce type de média sur la population, certains citoyens pourraient en venir à penser que cela représente la réalité concernant la compétence de nos policiers. Cette déformation inspirée des médias ainsi que quelques accidents isolés impliquant le décès d’un policier amènent les autorités à accepter que les agents de la paix soient mieux armés et mieux préparés pour répondre à une éventuelle menace.
Nous ne pouvons qu’espérer que ces changements n’amèneront pas trop de problèmes tels que les décharges d’armes accidentelles ou encore l’utilisation trop rapide de la force lors d’un conflit plutôt que l’utilisation de la négociation. Une autre question se pose : À quel moment est-ce que la vie et la sécurité d’un policier s’est mis à primer sur celle d’un citoyen?