Du profilage racial au SPVM?
Est-ce que le profilage racial existe toujours en 2017 au Québec? Cette question fait sourciller bien des gens ces jours-ci. En effet, le 15 février dernier un recours collectif contre la ville de Montréal est envisagé par la ligue des noirs du Québec. Ils affirme que les noirs sont victimes de plus en plus d’arrestations arbitraires. Il faut comprendre que les tensions raciales sont à leur comble depuis l’affaire Villanueva en 2009 lorsqu’un jeune homme de 18 ans a été tué par un policier lors d’une opération policière qui a mal tourné.
De nombreux acteurs ont alors dénoncé l’escouade éclipse et les méthodes d’intervention des policiers du service de police de la Ville de Montréal (SPVM) dans plusieurs rapports. On a même révélé des chiffres alarmants; « De 2001 à 2007, les contrôles d’identité de personnes noires ont augmenté de 126% à Montréal-Nord et de 91% à Saint-Michel » ou « Dans les quartiers sensibles du nord de la métropole, environ 40% des jeunes hommes noirs ont été soumis à au moins un contrôle d’identité en 2006 et en 2007, contre seulement 5% à 6% des Blancs ». Ces chiffres sont les fruits d’une stratégie qui visait à contrer l’influence des gangs de rue. En effet, la direction avait émit la directive claire de faire plus de contrôle aléatoire envers les personnes susceptibles d’être dans des groupes organisés. Les personnes de couleur ont été particulièrement visées, et ce, même s’il y a au moins deux hommes noirs sur trois qui était interpellés sans fondement. Nous avons ensuite rapidement assisté à un dérapage.
On peut donc dire sans se tromper que le profilage racial a bel et bien existé au Québec, mais qu’en est-il aujourd’hui? Et bien, le 14 février dernier, une décision a été rendue concernant un cas de voie de fait sur un agent de la paix et le juge n’a pas hésité à qualifier l’intervention policière de «profilage» en acquittant le jeune homme de 20 ans et en rajoutant que des interventions de ce type sont «susceptible de laisser à ses victimes l’impression qu’elles ne sont pas traitées comme les autres personnes et que notre justice pénale est discriminatoire».
Le profilage, ça coute cher
Depuis 2012, pas moins de 84 plaintes de profilage racial ont été logées contre le SPVM à la Commission des droits de la personne. Des plaintes de citoyens pas seulement de nationalité haïtienne, mais aussi des arabes et des vietnamiens ont été victime d’insultes et d’arrestation arbitraire. La plupart des plaintes furent réglées à l’amiable en faveur des plaignants avec une compensations de près de 10 000$ à la clé. Pourtant un plan d’action a été établi en 2012, avec entre autres de la formation pour les policiers, des outils pour supporter les interventions policières et un mécanisme de détection des comportements inappropriés. Il va sans dire que ce n’est pas suffisant et qu’il faudra envoyer des messages clairs dans l’avenir.
En plus du coût monétaire important que le profilage amène, il y aussi un coût social important. Effectivement, une commission d’enquête en Ontario avait été mis sur pied pour faire la lumière sur le profilage racial et d’emblée ils ont admis que le phénomène de profilage racial qui est, en fait, « une forme de stéréotypage sous l’angle de la race » est présent dans toutes les sphères de la société, y compris les forces de l’ordre. Ils démontrent que la perception de la société vis-à-vis un jeune homme blanc fauteur de trouble est bien plus positive qu’un jeune homme noir qui commet le même acte; «on considère que les jeunes Blancs «passent par une phase», tandis que les jeunes Noirs sont davantage susceptibles d’apparaître comme des criminels en puissance». C’est exactement ce qu’on appelle le racisme systémique. Ce fléau ne fait qu’augmenter le « cynisme » et la « méfiance » envers les forces de l’ordre. Ce phénomène n’est pas seulement dangereux pour les gens victime de racisme, mais aussi pour les agents, car si la méfiance des citoyens augmente, ils réagissent hostilement aux opérations policières les plus banales « en guise de représailles pour ce qu’ils perçoivent comme les injustices passées » et nous assistons à « une escalade », un cercle vicieux s’installera et la collaboration du public sera de moins en moins présente.
Pas seulement racial
Enfin, le Québec n’est pas aux prises avec un profilage seulement de type racial, le profilage social est aussi bien présent. En effet, un portait récent du réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM) fait état de la situation des itinérants qui « continuent de vivre des situations de profilage social et des abus physiques ou verbaux de la part d’agents du Service de police de la Ville de Montréal » et ce malgré le lancement du plan d’intervention contre le profilage social en 2014. Donc, comme dans le cas du profilage racial, on devra être patient avant de voir la culture policière changer.