La sous-culture policière étroitement liée aux cas de mauvaises conduites et de déviance : Service de police de Calgary

Dernièrement, les policiers de Calgary se sont retrouvés au centre de plusieurs scandales de débordements policiers. Parmi ceux-ci, il est possible d’y recenser d’innombrables plaintes et accusations concernant des pots-de-vin et des histoires de corruption dans les services de police de Calgary.

Fait intéressant, les plaintes reçues ne proviennent pas toutes du public. En effet, certaines plaintes ont été rédigées par des individus qui viennent de l’intérieur de l’organisation policière. Selon un communiqué, treize plaintes auraient été déposées auprès du chef de la police de Calgary par ses propres employé(e)s. Ces derniers confirment avoir été victimes d’harcèlement et d’intimidation au sein de leur milieu de travail, et ce, durant plusieurs années.

Une ancienne policière prénommée Jen Magnus a décidé de remettre publiquement sa démission lors d’une importante rencontre rassemblant plusieurs membres de la police de Calgary. Madame Magnus affirme avoir été, à plusieurs reprises, la cible de ses anciens collègues de travail. Il s’agit ici de quatorze années à encaisser les attaques répétées de ses collègues policiers, et ce, sans pouvoir faire quoi que ce soit qui mettrait sa carrière en jeu.

Cette situation, que rencontre présentement le service de police de Calgary, était tout de même assez prévisible dû au contexte particulier dans lequel les policiers se trouvent. En effet, ce contexte est créé par la «sous-culture policière», un ensemble de normes et de concepts propres à la police et qui sont appris grâce aux années d’expérience professionnelle de ce même métier. Cette sous-culture produit inévitablement une manière particulière d’être et d’agir aux policiers en leur imposant des croyances, des attitudes et des pratiques qui leur sont propres. Cette culture influence donc les comportements et les décisions de chaque membre, de la même manière ou presque, et ce, quotidiennement. D’après l’auteur de ce concept, soit Reiner, il existerait sept facettes correspondant à la sous-culture policière. L’article résumé ce-haut concernant la police de Calgary présente de multiples éléments pouvant être analysés à l’aide de ces facettes.

D’abord, la forte solidarité interne qui distingue la police de certains autres groupes sociaux est l’une des facettes qui se rattache à la sous-culture policière. Les policiers entretiennent un fort sentiment d’appartenance avec leurs collègues. L’esprit de corps est bien ancré dans les mentalités des membres de ce groupe social. En ce sens, lorsqu’un de leur collègue agit de façon répréhensible, ils seront moins portés à aller le dénoncer aux supérieurs Il est certain que cette forte solidarité interne peut certainement être bénéfique dans plusieurs cas. Cependant, lorsqu’il s’agit d’harcèlement et d’intimidation au sein même d’un service de police, cette même solidarité peut amplifier le problème et par le fait même, empêcher sa résolution.

Ensuite, les organisations policières sont reconnues pour être assez conservatrices. En effet, le conservatisme correspond à une autre facette de la culture policière. En d’autres mots, l’ensemble des membres policiers entretiennent une moralité conservatrice qui met l’accent sur le respect, l’autorité, la conformité sociale et sur le maintien du statut quo. Le denier élément passe par le respect de l’ordre social établi, qui lui, est basé en partie sur les inégalités des classes sociales et des sexes. Dans ce modèle conservateur qui structure et coordonne l’environnement social qui nous entoure, les plus riches dominent les plus pauvres et les hommes dominent les femmes. Conséquemment, il n’est pas étonnant d’être confronté à des cas où une femme policière devient la cible de ses collègues masculins.

De plus, les services de polices sont composés, en majorité, d’hommes. Ces derniers deviennent donc plus nombreux et obtiennent davantage de pouvoir sur leurs collègues féminines qui représentent une minorité dans l’organisation policière. En effet, parmi le palmarès des villes Canadiennes qui présentent la meilleure proportion de femmes policières au sein de leur organisation, il y a les villes de Montréal et de Québec avec un 31,8% et un 27,7%. En ce qui concerne le service de police de Calgary, les femmes policières représentent 19,5% des travailleurs. À la vue de ces résultats, il serait facile de conclure qu’un tel pourcentage n’est pas réellement inquiétant et inhabituel. Cependant, même la police de la ville de Québec réussit à embaucher davantage de femmes au sein de son  organisation, et ce, sans processus d’embauche qui favorise les femmes, ni de plan spécifique pour attirer ces dernières à devenir policières. La police de Calgary n’a donc pas d’excuse, à moins que ce ne soit la culture policière spécifique à cette ville qui vient rendre difficile l’embauche de policières.

Le dernier élément soulevé vient en introduire un autre, tout aussi important dans l’histoire traitée par cet article, soit le machisme. L’omniprésence et l’importance accordée aux valeurs masculinisées au sein d’un service de police vient diminuer, par le fait même, la place accordée aux valeurs davantage féminines. Conséquemment, les femmes doivent adopter, parfois contre leur gré et afin d’être acceptées/respectées par leurs collègues, les valeurs masculines préconisées par la majorité des membres policiers. En bref, il y a très peu de place réservée à l’empathie, à la sensibilité et aux autres valeurs plus souvent associées aux femmes. Habituellement, ce sont l’autorité, la force, l’agressivité et le pouvoir sur l’autre qui sont les valeurs majoritairement reconnues et valorisées au sein des services de police.

L’une des déclarations des avocats représentant les plaignants dans cette histoire illustre bien l’aspect machiste de la culture policière. En effet, «la culture du service de police de Calgary protège ceux qui se livrent à des comportements de violence et de harcèlement sur le lieu de travail». En d’autres mots, les gestes d’intimidation, d’harcèlement et d’agression à l’interne sont tolérés, encouragés et rarement sanctionnés. Il semble que, tant et aussi longtemps que le public ou d’autres acteurs indépendants ne sont pas mis au courant, aucune démarche ou conséquence ne sera envisagée en réponse à ce type de conduite déplacée et inacceptable.

Réaction du service de police

Après avoir été la cible de plusieurs plaintes d’anciens employés, le chef de police semble avoir réagit favorablement et a démontré une certaine ouverture d’esprit afin de trouver des solutions.

D’abord, ce dernier a accepté de confier ce dossier à un enquêteur externe et indépendant du service de police afin de détecter les principaux problèmes au sein de son organisation. Celui-ci a aussi affirmé qu’il souhaitait aller «au fond des choses», et ce, même jusqu’à envisager un changement de culture au sein de la police si cela semble réellement nécessaire.

La réaction de Roger Chaffin, le chef de police de Calgary, peut être examinée sous divers angles. D’abord, celui-ci est imputable et responsable des actions des personnes sous lui dans l’ordre hiérarchique, et aussi, envers lesquels il a un devoir de surveillance et de contrôle. Il doit donc répondre des agissements de ses employés. Cette étape est réellement importante, car elle permet de garder ou de sauver ce qu’il reste de la confiance du public après un tel évènement.

Ensuite, le passage où monsieur Chaffin mentionne la possibilité de changer en profondeur la sous-culture policière peut en laisser plusieurs perplexe. La raison est simple : cette même culture est fondamentalement pragmatiste. En d’autres mots, elle présente une forte résistance au changement et ses membres ont tendance à refuser toutes sortes d’innovations qui viendraient affecter leur travail. À la place, les policiers préfèrent agir selon le «Gros bon sens» et optent pour des questions pratiques et rapides. C’est pour cette raison qu’il est difficile de croire en un changement de la sous-culture policière, puisqu’une telle modification demande la participation et l’accord de l’ensemble de ses membres. Malheureusement, une fois socialisé, imprégné et identifié à une sous-culture spécifique et distincte, il est très difficile de s’en dissocier.