SPVM: Augmentation des dénonciations de crimes haineux depuis l’attentat de Québec
Dimanche soir dernier, le 29 janvier 2017, un homme québécois dans la vingtaine a causé la mort de 6 hommes. Ces derniers étaient entrain de pratiquer leur religion, dans le Centre Culturel Islamique de Québec, au moment des faits. L’évènement fut rapidement rapporté comme un acte terrorisme, et ce, en prenant en considération les raisons et motivations qui ont poussé l’accusé à commettre un tel geste haineux. En effet, plusieurs personnes qui avaient déjà côtoyé l’accusé affirmaient que ce dernier était nationaliste, qu’il entretenait des positions politiques d’extrême droite et qu’il appuyait les positions controversées contre l’immigration mises de l’avant par Donald Trump et Marine Le Pen. En d’autres mots, c’est bel et bien son hostilité envers les immigrants ou les non-blancs qui a motivé son passage à l’acte.
Ce triste évènement a suscité d’innombrables réactions à travers le monde, mais plus particulièrement dans la population québécoise. D’un côté, il y a eu une énorme vague de sympathie et de compassion des québécois envers la communauté musulmane visée par cet attentat terroriste. D’un autre côté, le nombre d’appels à la police dans le but de dénoncer des crimes haineux a drastiquement augmenté dans les jours suivant le triste évènement.
D’après les informations transmises par le directeur du SPVM (Service de police de la Ville de Montréal), Philippe Pichet, près de 14 appels de citoyens ont été répertoriés afin de dénoncer des comportements ou des crimes haineux, et ce, seulement dans un court délai de 48 heures. C’est dans ce sens que le SPVM a fait appel à la coopération des citoyens en leur demandant de dénoncer des cas précis d’acte ou de propos haineux qui se produiraient hors des zones surveillées par les policiers.
D’abord, il est important de mentionner l’importance cruciale des dénonciations de citoyens pour les services policiers. Afin de bien saisir l’impact des citoyens sur le travail des policiers, certaines notions doivent être abordées et analysées. Il existe deux types de contrôle social externe qui se traduisent en pressions sociales externes qui poussent un individu à se conformer aux normes et lois établies.
Le premier type de contrôle social se transmet par l’intermédiaire de groupes organisés et institutionnalisés qui se manifestent afin de contrer les comportements déviants, et ce, au nom de la communauté. Les services de police sont un bel exemple de ce premier type de contrôle social. De plus, ils sont les seuls à pouvoir utiliser la force physique sur un citoyen, si et seulement si, il n’y a plus d’autres options que la contrainte afin de garantir la sécurité de tous.
Ensuite, le dernier type de contrôle social est qualifié de sociétal et d’immédiat. En d’autres mots, ce sont les citoyens qui exercent un contrôle informel par le biais de surveillance naturelle et mutuelle. Tous les membres du groupe doivent exercer un certain contrôle sur les autres afin de pouvoir encadrer et sanctionner certains comportements jugés comme déviants.
Ce type de contrôle est cependant peu efficace dans les grandes villes, où l’anonymat prime, au détriment de la cohésion sociale entre les individus. Évidemment, les dénonciations entre citoyens ont beaucoup plus d’impact sur le comportement des individus lorsque ceux-ci se connaissant tous ou à peu près tous. Cette affirmation vient expliquer la stupéfaction du directeur du SPVM concernant les 14 appels de dénonciations passées en moins de 48 heures, et ce, dans une grande métropole comme Montréal. En effet, il est très étonnant d’avoir eu autant de dénonciations en si peu de temps compte tenu du nombre d’habitants dans la ville de Montréal ainsi que de la faible cohésion sociale entre ceux-ci.
D’autre part, en faisant appel à la population et en misant sur la surveillance et sur la prévention, les policiers du SPVM se rapprochent du modèle de police créé par Lord Peel, la police du consensus. Ce modèle est basé sur 9 principes fondamentaux. L’un d’eux est de prioriser la prévention avant la répression. Ce principe est bel et bien illustré dans les propos du directeur du SPVM lorsque celui-ci mentionne que l’intervention du public permet aux services de police d’identifier les individus radicalisés ou déviants avant qu’ils puissent passer à l’acte. M. Philippe Pichet désire focaliser sur l’aspect préventif afin d’éviter que les intentions malveillantes de certains se transforment en crimes.
Ensuite, trois autres principes de Peel concernent l’alliance fondamentale de la police avec le public. En effet, le modèle de police anglais refusait de ressembler à la police française, parmi laquelle les policiers doivent imposer la crainte et la peur dans la population afin de faire respecter les lois. Conséquemment, il y avait donc un fossé énorme entre les citoyens et les membres des corps policiers. Lord Peel proposa, à l’inverse, de valoriser la coopération et l’entraide entre le public et le service de police. D’abord, il voulait s’assurer de gagner le respect et la confiance du public, afin d’améliorer la relation entre les deux clans. De plus, il a voulu s’assurer de la coopération du public, car celle-ci lui paraissait essentielle afin de remplir convenablement le mandat de la police, soit d’assurer la sécurité de tous. Pour lui, sans la coopération de la population, il ne pouvait pas y avoir de service de police fonctionnel et efficace. En effet, sans le contrôle informel du public, la police ne pourrait pas détecter à elle seule tous les cas de comportements déviants sur un territoire précis.
En conclusion, à l’aide des informations recueillies grâce aux appels de dénonciation, le SPVM a été en mesure de retracer les auteurs de certains propos haineux sur les réseaux-sociaux et ont pu intervenir auprès d’eux avant qu’il n’y ait de graves conséquences. De plus, depuis la création de l’unité des crimes et incidents haineux au sein du SPVM, 55 dénonciations sur 60 se sont révélés fondées et ont été répertoriés comme incidents haineux. Cette statistique vient confirmer l’importance et l’efficacité de la participation du public dans les cas de dépistage des crimes haineux.
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