Camarad: contre-offensive technologique contre les textos au volant.

Chaque année, le gouvernement québécois tente de multiples façons de faire diminuer le nombre d’accidents sur les routes. Malheureusement, même si le bilan routier s’est grandement amélioré au Québec depuis 1973, pour les années 2015 et 2016, on constate une augmentation du nombre d’accidents, de décès, de blessés graves, de blessés mineurs, ainsi que certaines autres statistiques reliés à la conduite automobile.

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Le gouvernement justifie une de ses récentes et populaires formes de contrôle social, les radars photo, en s’appuyant sur les statistiques des bilans routiers annuels, tout en démontrant à quel point la sécurité routière est un enjeu important au Québec.

Les premiers radars photo ne font pas la joie de la majorité de la population. Des entrepreneurs de Québec ont même créé une page Facebook portant le titre : «emplacement photo radar Québec». Cette page Facebook connait une popularité impressionnante, dépassant même l’attente de ses développeurs, elle contient maintenant plus de 36 000 membres.

La mise en fonction des premiers radars photo fixes a créé quelques tensions chez la population, alors que le gouvernement québécois décidait d’en implanter d’autres. Les radars photo sont souvent perçus comme des «vaches à lait» par les citoyens, qui croient qu’ils produisent des profits beaucoup trop importants pour que les villes ne les utilisent raisonnablement.

Une semaine après la mise en fonction des plusieurs nouveaux radars photos, cinq amis d’enfance de Québec lancent une contre-offensive technologique, appelée Camarad. Cette contre-offense technologique est une application cellulaire, ayant comme utilité d’afficher en temps réel tous les cinémomètres, les policiers qui font du «radar» au moment où vous prenez la route, ainsi que toutes zones potentielles à une surveillance radar. Dès que téléchargée, l’application Camarad affiche tous les radars photo fixes et les caméras de surveillance de feu rouge au Canada. Les cinémomètres mobiles et les policiers qui font du «radar» sont, quant à eux, signalés par les autres automobilistes utilisant l’application. Le signalement émis par un utilisateur de l’application reste affiché pour tous les autres utilisateurs durant une période de 4 heures. Si aucun autre signalement est émis envers le même radar photo ou le même policier, cette donnée s’efface automatiquement. Lorsque Camarad est en fonction, il annonce l’approche d’un radar à l’aide d’une alerte sonore et visuelle. L’automobiliste peut décider de modifier la distance à laquelle l’application l’avertit, soit de 500 mètres à 3 kilomètres, sinon, elle est automatiquement  réglée à un kilomètre.

En offrant de tels avantages, cette application mobile a assurément le potentiel de devenir le meilleur camarade d’un usager de la route qui accumule des contraventions reliées à la vitesse.

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Bien que certains policiers ne soient pas en accord avec cette application mobile, croyant que celle-ci nuira à leur travail, Nagib El Mansouri, un des développeurs de Camarad, en assure le contraire. Nagib explique que le but de cette application n’est pas de nuire au travail des policiers, il parle plutôt ici de «complémentarité»:

Le but du ministère des Transports, c’est de faire ralentir les gens. Si tu roules et qu’il y a un radar photo et que tu ne le vois pas, tu n’as aucune sensibilisation avant que le ticket n’arrive. Nous, avec l’application, la sensibilisation est directe.

le problème, évidemment, est que cette sensibilisation ne se fait qu’entre 500m à 3km de route à la fois, tout en encourageant à défier allègrement les limites quand il n’y a pas d’alarme…

Il est également évident que les clients de Camarad ne percevront pas le produit comme une extension du travail de contrôle social des policiers, mais bien comme une façon de déjouer leur méthode de surveillance.

Faisons toutefois l’expérience mentale qui consiste à considérer l’application comme une extension du contrôle policier. Étrangement, elle serait en conformité approximative avec les trois premiers principes de Lord Peel.

Premièrement, cette application mobile vise avant tout à prévenir, plutôt que de permettre aux policiers d’agir après que l’infraction soit commise — même si c’est davantage de prévenir les contraventions que les excès de vitesse…

Deuxièmement, Camarad aide à ce que les policiers gagnent le respect du public. Les agents de la paix ne se font pas beaucoup apprécier lorsqu’ils donnent des constats d’infraction reliés à la vitesse. Maintenant, grâce à l’application Camarad, ces derniers en auront moins à octroyer, ce qui améliorera un peu leur image aux yeux de la population. Bien sûr, à l’inverse on peut aussi argumenter qu’en déjouant systématiquement le travail des policiers l’estime envers leur compétence ne peut que baisser.

Troisièmement, Camarad s’assure de la coopération du public face à certaines règles du code routier, car ceux-ci seront expressément sensibilisés à ne pas les transgresser au moment même où ils se retrouvent derrière le volant. 500 mètres à la fois.

Dernier détail. Comme Camarad est du crowd sourcing, les conducteurs abonnés doivent signaler la présence de chaque radar identifié pour le bien des autres. Donc de temps à autre l’abonné risque de porter davantage attention à son téléphone qu’à sa conduite. Nagib El Mansouri affirme qu’il invite tous les conducteurs au respect de la loi. De plus, les développeurs de l’application Camarad se défendent en prétendant empêcher les automobilistes de texter au volant: l’application est munie d’un système empêchant l’automobiliste d’utiliser une autre application du téléphone, mises à part la fonction du téléphone et celles du lecteur de musique. Selon El Mansouri,

un des gros problèmes aujourd’hui, c’est que les gens textent au volant, font du Facebook ou Pokémon qui vient de sortir. Pendant que ton téléphone est là [sur le tableau de bord], il t’avertit non seulement des radars, mais il t’empêche de texter. On vient d’atteindre un deuxième objectif.

Bref il ne reste plus au conducteur à décider entre violer la limite de vitesse ou la règle anti-texto.