Ouverture d’un poste de police mixte à Val-d’Or, les raisons derrière ce choix
La ville de Val-d’Or, en Abitibi-Témiscamingue, a été secouée en 2015 par une crise médiatique en lien avec des policiers. En effet, suite à un reportage de l’émission «Enquête» une réelle crise entre policiers et autochtones à Val-d’Or ainsi qu’au Lac Simon, une réserve autochtone près de Val-d’Or, a éclaté.
Le reportage d’Enquête, diffusé le 25 octobre 2015, a fait des ravages pour les policiers touchés par des allégations d’abus physiques, d’agressions sexuelles, d’abus de pouvoir et de pratiques douteuses , en particulier sur les femmes autochtones. Il est malheureux de voir que dans ce cas, comme le dit Loubet del Bayle,
Dans la plupart des sociétés, la tendance spontanée, en cas de délinquance, à mettre en cause les « étrangers » renvoie elle aussi à l’idée que le délinquant potentiel est celui qui n’est pas intégré, et qui, par conséquent, échappe au filet des contraintes et des contrôles traditionnels (Sécurité et contrôle social)
Les autochtones ici en cause sont montrées du doigt et leur témoignages sont questionnés. Le capitaine Guy Lapointe affirme que le DG de la SQ est préoccupé par l’impact de la diffusion du reportage d’Enquête sur la confiance du public et des peuples autochtones envers le corps policier. Cette crise a certainement mené à un sentiment d’insécurité collectif pour les communautés autochtones, mais aussi pour les gens de Val-d’Or.
Suite à ces allégations, huit patrouilleurs du poste de la SQ de Val-d’Or ont fait l’objet d’une enquête pour 14 événements distincts survenus entre 2002 et 2015. Enquête qui se soldera par des conclusions contestées:
Aucune accusation ne sera portée contre les six patrouilleurs de la Sûreté du Québec suspendus à la suite du reportage de l’émission Enquête de Radio-Canada dénonçant de présumées violences et agressions sexuelles commises contre des femmes autochtones.
Plus d’un an après la diffusion du reportage, on apprend que la ville de Val-d’Or ouvrira un poste de police mixte. Comme le mentionne Françoise Ruperthouse,
On a de la misère à s’intégrer à Val-d’Or. Les femmes autochtones ont de la misère à faire confiance. La confiance est brisée, affirme-t-elle. Même moi, quand je me promène, j’ai une certaine crainte. Je pense qu’il y a beaucoup beaucoup de personnes qui ont cette crainte-là quand ils vont à Val-d’Or.
Justement, selon Sylvain Plouffe, directeur général adjoint du CISSS-AT,
L’objectif [du poste mixte], c’est de tenter d’aider ces gens autrement que par des mesures judiciaires, sans donner un billet d’infraction pour ceci ou pour cela. On veut davantage y aller d’une intervention sociale, qui permet peut-être de donner des opportunités ou d’autres moyens à ces gens de se reprendre en main.
L’ouverture du poste de police mixte soulève tout de même un certain scepticisme, comme le dit Mme Cloutier,
On se questionne comment peut-on mettre en place des solutions sans avoir fait la lumière sur la problématique profonde aux conséquences troublantes comme celles que l’on a rencontré par le témoignage des femmes autochtones.
Cette crise a ébranlé la confiance du public envers la police, qu’on tente maintenant de rétablir. Une bonne intention direz-vous ? Il semble important de se questionner sur les raisons réelles derrière ce choix. Est-ce vraiment un choix pour le bien du public ou plutôt une manière pour la police de se dégager de son imputabilité face à son historique de mauvaises pratiques face aux autochtones ? Est-il possible que la police tente de se défaire des complexités de l’intervention auprès des communautés autochtones vu l’échec et les allégations contre elle ? Ou plutôt, est-ce un moyen de s’adapter aux communautés ?
Il semblerait que la communication entre les communautés autochtones et les policiers de Val d’or soit au niveau zéro. En effet, un comité a été mis en place pour la création du poste de police et aucune personne venant des communautés en fait partie. Le capitaine de la SQ, Guy Lapointe affirme qu’ils les avaient pourtant invités à participer. Cependant, les chefs des communautés autochtones disent n’avoir reçu aucune invitation. On voit ici la fragile relation entre ces deux entités. Il ne semblerait pas que la création de ce poste de police mixte amène une réelle solution au problème de fond.
La police a aussi enfreint un principe fondamental, soit celui de s’assurer de la coopération du public pour faire respecter les lois. En effet, non seulement le public (les autochtones et les citoyens de Val-d’Or) n’a plus envie de coopérer avec la police, il ne lui fait plus confiance depuis belle lurette. Par ailleurs, il ne semble pas que l’objectif de prévention que doit remplir la police ait été accompli non plus. En effet, le poste de police mixte semble une belle solution à l’urgence d’agir de la police de Val-d’Or puisqu’il s’agit d’une réaction pour contrer le pire. Malheureusement, la police devrait être présente pour prévenir les dérapages et non guérir les blessures d’une population entière suite à leurs actes.
Un autre problème se présente à l’annonce des mesures pour la création du poste de police mixte de Val-d’Or. En effet, ce poste de police se voulant mixte, doit comporter un pourcentage de 50 % de policiers autochtones. Or, précise M. Saint-Antoine,
à l’École nationale de police, dans notre programme régulier […] il y a très peu ou presque pas de policiers ou de futurs policiers autochtones. Ils se retrouvent plutôt dans notre programme spécifique autochtone […] On en forme autour d’une quinzaine par année environ, à la demande des corps policiers autochtones.
Ainsi, on peut se demander si ce nouveau poste de police saura réellement répondre aux objectifs et aussi, aux exigences demandées pour son ouverture. Par ailleurs, M. Picard, chef de l’Assemblée des premières nations du Labrador et du Québec se questionne,
Le service policier autochtone comme tel est déjà sous-financé, affirme-t-il. Quelle sera la relation entre ce nouveau poste-là et le poste actuel? Au départ, est-ce que les dirigeants autochtones sont en faveur d’une telle solution?