La police de Chicago blâmée
Il aura fallu plusieurs morts. Après celui de Michael Brown dans le Missouri et d’Éric Garner à New York, le décès d’un dénommé Laquan McDonald à Chicago force le Ministère de la Justice américaine à tenir une commission d’enquête sur les agissements d’un de leur service de police.
En fait, c’est la vidéo accablante, rendue publique par les autorités américaines après de lourdes pressions de la part de la communauté afro-américaine d’Illinois, qui aura été nécessaire pour faire éclater l’affaire au grand jour. C’est une vidéo où nous assistons au meurtre de ce jeune afro-américain de 17 ans par un policier. Il s’agit d’un jeune homme qui ne représentait certainement pas un danger qui justifierait de le cribler de 16 balles à bout portant.
Le rapport de cette commission, rendu public le mois dernier, ne contient aucune surprise dans ses 161 pages. En effet, il ne fait que confirmer de façon accablante ce que tous les noirs des États-Unis savent déjà : usage excessif de la force en violation du 4e amendement de la constitution américaine, racisme systémique, loi du silence et service de police qui tolère des actes discriminatoires et raciales.
Le seul élément surprenant de l’histoire est qu’enfin les plus grandes instances américaines ne vivent plus dans le déni et dénoncent enfin le racisme systémique que vivent les afro-américains. Certains diront qu’ils n’avaient pas le choix et que ce volte-face est seulement pour calmer l’ardeur de la crise que vit la ville de Chicago, prise avec un sommet en 20 ans pour le nombre d’homicides sur leur territoire avec 762 en 2016. On peut être porté à croire qu’ils ne pouvaient faire autrement que de confirmer une réalité déjà évidente.
Sir Robert Peel
Lorsque l’on lit les différents principes de Sir Peel, on constate que plusieurs policiers américains ont un besoin criant d’une bonne leçon de policing. peut-être qu’en revenant aux bases de ce que devrait être un service de police, on se rendra compte à quel point les services de police américains se sont éloignés des objectifs originaux.
En fait, la police de Chicago ne se conforme à presqu’aucun des principes fondateurs de Sir Peel et ce, en commençant par la coercition et l’usage de la force en dernier recours. En effet, les premiers policiers anglais, issus du modèle de Peel, ne possédaient même pas d’arme à feu. En considérant le service de Chicago qui a tué plus de 1100 civils en 2015, nous pouvons constater que nous sommes à des années lumières de ce principe. De plus, lorsque Sir Peel nous parle de ne pas usurper les pouvoirs, il fait allusion au fait que les policiers ne doivent pas avoir tous les pouvoirs et qu’ils ne sont surtout pas ni juges ni bourreaux. Par contre, le service police de Chicago ne semble pas être en accord avec ce principe. Il suffit de regarder le nombre de peine de mort que leurs membres ont appliquées, au fil des années, en tuant des civils. Ensuite, les thèmes de confiance et collaboration que monsieur Peel avançaient en 1829 sont presque absents chez nos voisins du sud. En effet, comment est-il possible d’avoir confiance en son service de police lorsque ceux-ci font régulièrement usage d’une telle force ? Il existe même un afro-américain qui a fait une demande d’asile au Canada, affirmant avoir été harcelé et ciblé par la police américaine simplement à cause de la couleur de sa peau. « Je crains pour ma vie parce que je suis noir », a-t-il déclaré lors d’une audience devant un tribunal d’immigration. La confiance et la collaboration du public dont monsieur Peel faisait la promotion est essentielle et est carrément la base de son modèle qu’il nommait « policing by consent ».
Du travail à faire
Enfin, ce rapport est du moins un pas dans la bonne direction puisque le maire de la ville a annoncé qu’il procéderait à des changements. Cependant, force est d’admettre que bien du
temps sera nécessaire avant que les habitudes des policiers changent en Illinois. Car seulement 2 jours après la divulgation du rapport de Chicago on rapporte une vidéo d’un afro-américain de cette même ville se faisant brutaliser pour avoir voler sa propre voiture qui devient virale.
De plus, la nouvelle administration Trump semble vouloir agir à l’opposé des réformes annoncées sur les services de police et le président lui-même a menacé «d’envoyer les Feds». Plusieurs experts s’attendent à une chute du nombre d’enquêtes sur les services de police, comme celle sur Chicago. Disons que l’avenir n’augure pas très bien aux États-Unis et que les noirs continueront de vivre le racisme chez eux.