Un centre d’appels d’urgence pour Kativik?
Les corps policiers autochtones sont très certainement sous la loupe des médias ainsi que du public en raison des drames qui se sont déroulés dans la communauté du Lac-Simon. La mort du jeune policier Thierry LeRoux est un autre événement qui a choqué l’ensemble de la population du Québec et qui a souligné les réalités auxquelles les policiers des corps de police autochtones font face.
La région de l’Abitbi-Témiscamingue compte sept communautés algonquines, soit les communautés de Pikogan, Kitcisakik, Lac-Simon, Timiskaming, Kipawa, Hunter’s Point et Winneway. Plusieurs de ces communautés ont des problématiques de toxicomanie et de violence importantes. Il va donc sans dire que c’est l’ensemble de la région de l’Abitibi-Témiscamingue fut très secouée par ces événements tragiques, en raison des liens étroits qui unissent ces communautés.
Pourtant, ce n’est pas la première fois que des policiers autochtones perdent la vie dans le cadre de leur travail. Le 3 mars 2013, deux policiers du Service de police régional Kativik sont appelés à intervenir dans un cas de violence conjugale. Alors qu’ils sont en déplacement un homme fait feu dans leur direction, touchant un policier à l’épaule et atteignant mortellement le second au visage. L’individu qui avait ouvert le feu sur les policiers s’enlevait la vie quelques heures plus tard.
La région de Kativik est composée de 14 communautés inuites comptant 12 892 habitants. Tout comme les communautés autochtones d’Abitibi-Témiscamingue, elles sont aussi affligées de problèmes d’agression sexuelle, de violence et de toxicomanie. En 2013, 3602 crimes contre la personne sont déclarés (voies de fait, violence conjugale) dont 73% en contexte de consommation d’alcool ou de drogue. Quatre meurtres ainsi que 11 tentatives de meurtre ont aussi eu lieu dans cette communauté, en 2013. C’est une communauté dans laquelle six interventions policières se sont soldées par un décès entre 2012 et 2013.
Alors que certaines associations et certains corps de polices réclament plus de fonds pour intervenir plus efficacement à l’aide d’armes sublétales, le CPRK n’a pas encore de centre d’appels d’urgence pour répondre aux 14 villages desservis dans le Nord-du-Québec. Les policiers reçoivent donc les appels d’urgence directement sur des téléphones cellulaires.
Les réalités de cette région impliquent que les appels peuvent être en français, en anglais ou même en inuktitut, possiblement dans un mélange des trois langues, sous le stress de l’appel d’un service d’urgence. Il n’est pourtant pas certain que le policier qui reçoit l’appel d’un individu en panique puisse comprendre l’ensemble des informations qui pourraient être nécessaires dans le contexte d’une intervention d’urgence. Au cours de l’année 2013, il y a eu 56 appels incluant la possibilité d’arme à feu. Lors d’une situation armée, le policier doit rapidement se diriger sur les lieux et ne peut pas prendre le temps de discuter avec le demandeur, le rassurer et le conseiller, alors qu’un agent de service d’appels pourrait le faire. Une situation comme la fusillade de Moncton, alors qu’un individu armé attaquait les policiers dépêchés sur les lieux, prendrait entièrement pour dépourvu les policiers de Kativik, alors qu’un nombre important d’appels seraient placés, les policiers ne pourraient pas efficacement prendre les informations et les utiliser rapidement afin de neutraliser un individu armé. Les policiers, qui doivent couvrir un très large territoire, peuvent donc être appelés d’urgence vers un village éloigné alors qu’ils interviennent avec un individu agressif ou alors qu’ils mettent en état d’arrestation un conducteur ayant les capacités de conduites affaiblies par l’alcool.