Médias et insécurité
Un récent texte portait sur la façon dont les médias traitent et influencent le sentiment d’insécurité du public. L’auteur rapporte que la catégorie des « faits divers » est la plus adéquate pour les nouvelles de crime puisque ce sont des faits sans complexité, qui ne nécessitent aucune connaissance préalable de la part du journaliste et qui procurent des émotions immédiates chez le public. D’ailleurs, l’impact émotionnel est le principal effet recherché par les médias de masse, puisque c’est ce qui produit la fidélité des consommateurs. Dans les journaux la place réservée au crime est impressionnante. Ceci est un bon exemple de « l’effet loupe » dont parle l’auteur de ce texte. En effet, les médias donnent une importance plus grande aux faits de violence, alors qu’en réalité ils sont peu nombreux. Ces reportages créent un impact affectif notable chez l’auditoire, qui se traduit par l’accroissement de son sentiment d’insécurité.
Dernièrement, un article publié dans la catégorie faits divers de La Presse a attiré mon attention. Celui-ci parle d’une jeune femme de 20 ans, Clémence Beaulieu-Patry, qui s’est fait agresser à l’arme blanche dans un Maxi du quartier Saint-Michel, à Montréal. Elle a succombé à ses blessures, alors que le présumé suspect était toujours recherché par le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM).
Dans cet article, une série d’éléments a pour effet d’intensifier l’insécurité du lecteur. D’abord, l’auteure commence sa toute première phrase en disant que le suspect « est toujours au large », avertissant ainsi le lecteur de redoubler de prudence puisqu’un individu dangereux est en liberté dans les rues de Montréal. Elle précise aussi que le Maxi, où ont eu lieu les événements, se situe à proximité d’une ligne de métro. Cela laisse entrevoir le stéréotype classique qui qualifie le métro comme un endroit dangereux qu’on doit éviter de fréquenter. Ce sont que quelques exemples parmi plusieurs qui laissent transparaître beaucoup de subjectivité et qui ont pour effet de susciter la peur chez le lecteur.
Par ailleurs, l’article, met l’accent sur la description du suspect, en particulier le fait que l’individu en question a la peau noire. Il est possible de se questionner sur les motivations de l’auteure. Les médias développent souvent une culture de la méfiance et de la suspicion envers les étrangers. Ils s’attaquent aux minorités ethniques parce que cela rend l’histoire plus intéressante. En revanche, cela a aussi pour effet d’augmenter la méfiance du public envers ces minorités.
L’article se termine sur une photo du suspect, sous laquelle il est noté qu’elle a été fournie par le SPVM. Malgré que les médias et la police soient deux professions généralement en opposition, ils sont souvent appelés à collaborer ensemble. Dans cette situation, les policiers se sont servi des médias comme un moyen de faire appel au public; l’article est en fait un avis de recherche et mentionne que quiconque ayant des informations sur cet individu doit les communiquer avec les autorités. Dans un second article portant sur le même sujet, on nous apprend que « la police a érigé un important périmètre de sécurité autour de l’établissement et que des agents des escouades canines, des crimes majeurs et de l’identité judiciaire ont été déployés» soulignant l’efficacité du dispositif. De surcroît, cette tribune leur sert aussi à faire avancer l’enquête. Enfin, donner de telles informations aux médias sert aussi à ce que la police s’assure un certain contrôle du message qui est diffusé au public et ainsi éviter que leur image publique soit présentée de façon négative.
Bref, même si les médias et la police sont des professions qui s’opposent sur plusieurs aspects, certains d’entre eux leur permettent d’avoir une relation basée sur la collaboration. En effet, le fait que les médias augmentent le sentiment d’insécurité de la population en écrivant des nouvelles qui surreprésentent la criminalité violente donne une opportunité à la police de montrer la légitimité de la présence au sein de la société. En rassurant le public, comme le SPVM l’a fait dans le cas présenté ci-haut, la police vient rétablir un certain équilibre quant au sentiment de sécurité qu’a la population.