Une intervention complète

Dans le milieu policier, le volet communautaire, qui fait partie du service aux citoyens du métier, est souvent vu comme une simple porte d’entrée vers l’application de la loi ou le maintien de l’ordre. Certains vont même jusqu’à dire que lorsque la police est appelée, c’est parce qu’il est trop tard pour faire de la police de proximité. Toutefois, voilà deux agents qui ont agi tout autrement dans un dossier de maltraitance envers les aînés. Le couple de victimes a même souligné qu’ils considéraient les agents comme des membres de la famille!

Sans avoir négligé le côté traditionnel des rapports légaux et nécessaires à la judiciarisation de l’individu et au suivi du dossier, les deux policiers ont poursuivi leur intervention du côté communautaire, dans des tâches qui ne leur sont normalement pas destinées. Ils ont devancé le déménagement du couple maltraité, en s’assurant que le logement était disponible le jour même, pour ensuite faire les boîtes, appeler une entreprise de déménagement, aller chercher de l’argent et des médicaments, et assembler des meubles dans le nouvel appartement. En tout, les agents ont pris environ six heures avec les victimes pour les aider à se sortir de leur situation et leur permettre un nouveau départ. Qui pourrait les blâmer de ne pas avoir fait les tâches habituelles du policier pendant ce temps? Probablement personne, c’est pourquoi ils se sont même vus décerner un certificat par leur commandant, qui souligne et félicite leur humanité, patience, empathie et détermination. Il serait également logique de souligner l’efficacité des deux agents, ou plutôt l’indulgence de ceux-ci, puisqu’ils ont su détecter la présence d’une criminalité de plus grande importance, dans une situation qui n’était au départ qu’un appel pour querelle familiale.

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Bien que ce travail n’ait pas été fait dans le but de recevoir des honneurs de leur supérieur, il s’agit sans aucun doute d’une belle façon de les encourager à continuer d’agir ainsi dans le cadre de leurs fonctions et pousser leurs collègues à faire de même. L’utilisation de valorisation lors d’un travail bien fait est une pratique à garder au sein d’une organisation. Il faut bien sûr qu’elle soit utilisée avec modération pour garder une certaine signification positive, et démontrer qu’il s’agit d’actes qui se démarquent de la norme.

À la lumière de cette intervention, où des policiers sont félicités pour être intervenus dans une affaire criminelle en répondant par la prévention, ne devrions-nous pas faire en sorte que cette approche devienne un automatisme pour chacun des dossiers d’importance? Peut-être n’est-il pas de la tâche d’un policier de résoudre chacun des problèmes reliés à ses interventions quotidiennes, mais il y a là une piste intéressante pour gérer les cas d’interventions répétitives, de problèmes récurrents. L’agent de police, dit communautaire, favorise la prévention du crime par la résolution de problème à la répression et à l’arrestation. D’un autre côté, un agent dit de type ‘’centurion’’ (Reiner, 1985), ne fait que répondre aux appels pour procéder à des arrestations et combattre la criminalité par la répression. N’avons-nous pas ici un exemple de l’équilibre entre prévention et répression qui nous prouve que les deux facettes sont importantes dans le travail de résolution du problème. D’un côté, la justice suit son cours pour l’accusé et de l’autre, la ou les victimes obtiennent aide et soutien pour éviter que l’infraction se répète, et leur permettre de passer à autre chose. Même s’il ne s’agit pas d’un exemple de police purement communautaire, de prévention avant l’arrivée du problème, mais plutôt de la résolution d’une criminalité déjà bien en place, je considère cette intervention comme étant une action de proximité avec la population. Ça dépasse leur devoir et s’intègre bien dans plusieurs facettes de leur travail, en faisant une intervention très complète que la population se réjouit assurément de voir.

Bien que le modèle de police communautaire n’ait pas su faire une différence marquante dans la réduction de la criminalité depuis son apparition, il est tout de même important d’en garder les facettes positives que l’on sait efficaces. De cette façon, en gardant les meilleurs éléments de chacun des modèles utilisés au fils du temps, nous favorisons une intervention complète de nos policiers en nous assurant qu’ils iront plus loin que la simple arrestation. Qu’ils s’impliqueront réellement et sauront nous diriger vers les ressources nécessaires pour diminuer ou régler notre problématique lorsque notre tour viendra à demander de l’aide. Bien que le modèle de police communautaire ait tendance à être laissé de côté au profit d’un autre modèle plutôt orienté vers l’interception des individus commettant la majorité des crimes (police de renseignement criminel), je crois qu’il est important de continuer à faire des interventions orientées vers la problématique, pour éviter que celle-ci persiste, tout en continuant à servir l’intérêt de la population du côté de la judiciarisation des criminels nuisibles à la société.