Les policiers et la loi P-38

Depuis des années, les gens voient les policiers comme des défenseurs de la société, des protecteurs contre les actes criminels. Cependant, cette partie de leur métier ne couvre qu’environ 10% de leur emploi du temps. En effet, en pratique les policiers sont souvent des travailleurs sociaux qui doivent interagir avec des gens souffrant de maladies mentales. Par contre, comme le mentionne M. Jean Minguy, agent de liaison en santé mentale au Service de police de la Ville de Québec, la formation reçue par les policiers est insuffisante et le manque d’expérience des jeunes policiers fait en sorte qu’il est difficile pour eux de s’adapter au métier. Un bon nombre de policiers sortent de l’école de police en pensant rendre le monde plus sécuritaire en combattant le crime. Malheureusement, leurs idées préconçues sont vite démenties lorsqu’ils constatent que leurs actions ne changent pratiquement rien. Ce contexte crée chez certains policiers un pessimisme qui peut les rendre blasés de leur métier. Ce sont ces policiers, en particulier, qui ont besoin d’apprendre à bien gérer une situation complexe impliquant un individu avec un problème de santé mentale.

Afin d’améliorer les conditions de travail des policiers et des traitements reçus par les individus, plusieurs services de police ont implanté des projets-pilote qui, entres autres, consistent à engager un travailleur social pour supporter les tâches des policiers et de former des policiers spécialistes en santé mentale pour créer un lien de confiance avec la clientèle. Malgré ces quelques projets-pilote, un grand vide reste à combler. Depuis quelques années, tant les médecins que les policiers demandent une révision du système actuel de traitement des individus souffrant de problèmes mentaux qui engorgent les urgences et le système judiciaire. Le SPVQ a mis en place le Programme d’encadrement clinique et d’hébergement (PECH) qui visait à déjudiciariser les cas de santé mentale et à désengorger les hôpitaux. Par contre, avec une augmentation constante des cas et un manque de budget, le programme a dû abandonner ses activités. Cet abandon est très triste, car selon les policiers, le fait d’avoir un service de première ligne qui est prêt à prendre en charge les gens diminue de beaucoup le temps de travail des policiers sur chaque cas. En effet, avec l’ajout de services de première ligne, les corps policiers augmentent considérablement leur efficacité, car ils peuvent répondre à plus d’appels dans une même période de temps.

Cette ouverture d’esprit chez les policiers est due principalement à un changement de la culture policière. En effet, traditionnellement, la culture policière est basée sur le pragmatisme, le conservatisme, le sens de mission et plusieurs autres principes qui génèrent une attitude beaucoup plus proche de celle des agents de services correctionnels, plutôt que celle d’agent de la paix. Cette attitude antérieure a souvent mené les policiers à ignorer la détresse des gens et à les traiter comme des déviants qui doivent être neutralisés sans chercher plus loin, par faute de compétences à ce sujet. C’est pourquoi, malgré un changement de culture à travers les corps policiers, la loi P-38 donne aux policiers le pouvoir d’amener une personne qui consiste un danger pour elle dans un établissement de santé.

Or, l’utilisation de cette loi comme recours pour gérer les situations de santé mentale est considérée comme un manque de respect pour les individus. En effet, plusieurs groupes comme L’A-Droit soutiennent que l’application de cette loi ne respecte pas les droits de libertés des individus et nuit au traitement de ces mêmes individus, car aucun programme de rétablissement ne leur ait offert. Cette clientèle étant très marginalisée a besoin de soutien plus prononcé, particulièrement venant des autorités que sont les policiers.

Le travail des policiers dépasse largement le concept de chevalier combattant du crime. La culture policière a dû s’adapter à un phénomène grandissant qui affecte directement le type d’intervention des policiers. Ces derniers ont appris et apprennent encore à gérer des cas de santé mentale. Espérons que les policiers continueront d’avoir accès à la formation nécessaire pour les aider à intervenir de façon efficace et adéquate.