Un policier ne peut exiger de voir votre téléphone
Qu’il soit utilisé pour filmer, pour enregistrer ou pour comporter la preuve de la commission d’une infraction, le téléphone cellulaire s’est avéré être une nouvelle réalité dans le domaine policier. Dans les dernières décennies ont apporté plusieurs changements au droit et à l’application de la loi concernant les téléphones cellulaires, entre autres au sujet de qui peut fouiller ou saisir voir téléphone ou bien encore pour la triangulation afin de connaitre votre position.
Le présent article du journal de Montréal fait mention d’un automobiliste qui s’est fait menacer d’entrave s’il ne donnait pas son téléphone cellulaire à un policier qui l’avait intercepté pour une infraction concernant la conduite d’un véhicule avec un téléphone en main. Le policier de la sûreté du Québec aurait agi ainsi pour recueillir des informations à l’intérieur du téléphone, telles que le numéro de la personne contactée ainsi que l’heure de l’appel, information ayant été colligée dans la narration de son constat d’infraction. Le comité de déontologie policière s’est penché sur l’affaire suite à une plainte et aurait tranché en faveur de l’automobiliste en qualifiant les menaces et la saisie du téléphone par le policier d’abus d’autorité.
C’est donc de dire qu’un policier ne peut exiger de voir votre téléphone dans le seul but de compléter sa preuve. Il est important de mentionner que cette notion s’applique pour une infraction au code de la sécurité routière qui se trouve à être une infraction provinciale et non criminelle. Effectivement, en ce qui a trait à l’infraction criminelle, les principes peuvent être différents tout dépendant de l’infraction et du déroulement de l’évènement. Dans le présent cas, l’infraction en jeu est celle à l’article 439.1 du code la sécurité routière:
- 439.1. Une personne ne peut, pendant qu’elle conduit un véhicule routier, faire usage d’un appareil tenu en main muni d’une fonction téléphonique.
- Pour l’application du présent article, le conducteur qui tient en main un appareil muni d’une fonction téléphonique est présumé en faire usage.
Comme vous pouvez le remarquer, le seul fait de tenir en main le téléphone représente une infraction. Alors, pourquoi le policier tenait-il à voir le contenu du téléphone? Doutait-il de la perpétration de l’infraction? Voulait-il s’en assurer? Tenait-il vraiment à y collecter des informations supplémentaires pour rédiger le constat d’infraction?
Depuis quelques années, ce type de pratique n’est pas courant, mais il est parfois utilisé par certains policiers comme le mentionne monsieur Alfredo Munoz dans l’article. Il s’agit peut-être d’une réponse des policiers suite aux nouvelles pressions gouvernementales et médiatiques au sujet des infractions concernant les cellulaires au volant et pour éviter que les constats soient contestés. Rappelons que le gouvernement a durci la peine à l’article 439.1 du code de la sécurité routière au cours de l’année 2015 en augmentant le nombre de points d’inaptitude à quatre. Le gouvernement aurait pris cette décision suite à l’analyse des statistiques qui démontrent clairement une augmentation de ce type d’infraction depuis les dernières années. De plus, il aurait aussi subi la pression des médias et du grand public, qui semblent très préoccupés par ce problème. En somme, leur décision d’augmenter la peine à quatre points d’inaptitude semble clairement justifiée si l’on se fie aux résultats de ce sondage à l’échelle canadienne. En effet, il démontre que plus du tiers de la population avouent utiliser son téléphone cellulaire au volant. De plus, plusieurs études illustrent que cette utilisation augmente considérablement le risque d’accident. Malgré tout, les Québécois n’ont pas à se plaindre, puisqu’ils se retrouvent parmi les provinces où l’infraction est la moins chèrement punie.
Par contre, le comité de déontologie policière, composé d’avocats admis au barreau du Québec, a tranché que le simple fait que cette infraction soit devenue une préoccupation pour le gouvernement ne permet pas aux policiers d’aller plus loin dans leurs interventions afin d’obtenir une preuve béton. Si l’on permettait aux policiers cette pratique, il y aurait sans doute certains débordements. Quand je parle de débordements, je ne peux m’empêcher de penser aux policiers qui usent de ce pouvoir pour finalement obtenir une preuve en matière criminelle, et ce sans avoir à utiliser de mandat en prétextant qu’il s’agissait seulement d’une vérification concernant une infraction au code de la sécurité routière. On viendrait brimer un droit fondamental de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, plus précisément le droit à l’article 24.1 qui stipule que tout le monde a le droit à la protection contre les saisies, perquisitions ou fouilles abusives.
Malgré tout, je comprends que le policier cherche à obtenir des preuves supplémentaires pour cette infraction au code de la sécurité routière. Comme le dit monsieur Munoz, ils ont énormément de contestations pour ce type d’infraction. Il s’agit simplement de regarder sur des forums de la toile où plusieurs donnent des conseils sur les façons et la facilité de contester ce type d’infraction. Cela ne me surprend guère, puisque que l’infraction parle d’un appareil muni d’une fonction téléphonique. Donc, manipuler son mp3 ou son Ipod qui, soit dit en passant, ressemblent énormément à un téléphone cellulaire est tout à fait légal.