Le port de caméras par des policiers de la SPVM

Le service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a annoncé qu’il souhaitait tester l’usage de caméras corporelles par leurs agents de police. Les caméras seraient fixées au torse ou à l’épaulette des agents et enregistreraient ce que ces derniers voient devant eux. Les vidéos produites seraient ensuite consignées dans une base de données du SPVM.

Il est donc important, collectivement, de voir la caméra de police pour ce qu’elle est: un outil de surveillance des citoyens visant à améliorer la réaction sur place du policier.

Selon un article du Devoir, le port de telles caméras par les policiers a deux principaux objectifs : l’obéissance des citoyens et la diminution de la violence employée par les policiers. En principe, puisque les caméras enregistrent les moindres faits et gestes du citoyen qui se trouve devant le policier, le citoyen devient plus docile par peur d’être puni, sachant que l’enregistrement peut être utilisé contre lui. Par conséquent, le policier n’a plus de raison d’user de la violence contre un citoyen docile et respectueux des lois. Bref, ces caméras sont un « outil de surveillance des citoyens visant à améliorer la réaction sur place du policier ».

De plus, depuis quelques années, il n’est pas rare de voir des interventions policières, sur les réseaux sociaux, qui ont été enregistrées par des citoyens grâce à leur caméra de cellulaire. Alors, pourquoi ne pas inverser les rôles et faire porter les caméras par les policiers?

Le SPVM souhaite la mise en place d’une telle mesure principalement à cause des évènements entourant l’intervention très médiatisée de Matricule 728. Cette policière avait été relevée de ses fonctions et accusée de voies de fait à la suite de la publication sur les réseaux sociaux d’une vidéo prise par un témoin des faits. Par conséquent, il est possible d’émettre l’hypothèse selon laquelle l’utilisation des caméras corporelles portées par les policiers, au même titre que celles que peuvent posséder les témoins, aurait l’effet de calmer les élans de brutalité policière.

Même si le but est surtout de surveiller les citoyens, comme mentionné précédemment ces caméras ont potentiellement la capacité de diminuer l’emploi de la violence par les agents de police. En empruntant cet angle, il est possible de parler de « gouvernance de la police ». Même si ce n’est pas le policier qui est visé par la caméra, mais bien le citoyen, il est très probable que le policier porte une attention à ce que ses comportements restent dans la norme puisqu’il sait que chacune de ses interventions sera enregistrée et que l’adoption d’un comportement déviant pourrait jouer en sa défaveur. Dans ce contexte, les caméras corporelles seraient une forme interne de gouvernance employée afin de contrôler et de surveiller les activités de l’organisation policière.

Par ailleurs, l’emploi d’une telle technologie n’est pas indifférent à la théorie de la « police intensive ». Selon cette approche, il faut s’attaquer au désordre public puisqu’un petit désordre mène toujours à un plus grand et que le désordre en lui-même est problématique pour la qualité de vie des citoyens. Donc, aucun désordre n’est toléré. Ce style de police de tolérance zéro veut le maintien de l’ordre à tout prix et l’une de leurs stratégies pour y parvenir est la surveillance massive par l’augmentation de l’utilisation de technologies de surveillance, en particulier la vidéosurveillance. Cela s’apparente bien avec le cas présent. Les caméras corporelles que souhaite utiliser le SPVM sont un bon exemple de technologie de surveillance qui vise le maintien de l’ordre et qui caractérise la « police intensive ». C’est d’autant plus vrai puisque les policiers portent les caméras sur eux et que cela augmente les interventions systématiques de leur part. Ils n’ont d’autre choix que d’intervenir lorsqu’il y a présence d’un désordre puisque la scène qui se déroule devant eux est enregistrée. De plus, ces caméras sont une technologie de surveillance parmi tant d’autres qui est utilisée par les services de police. Il suffit de songer aux drones qui sont maintenant un outil de prédilection dans l’industrie de la sécurité. L’évolution des technologies de surveillance qu’utilisent les services de police ne semble avoir vraiment aucune limite.

Est-ce que cette technique de surveillance diminue réellement la violence?

Le type de caméras corporelles dont le SPVM veut faire l’essai a déjà été testé par d’autres corps policiers. Les recherches ont montré qu’elles avaient réussi à diminuer la violence lors des interventions policières. Une étude a été réalisée en Californie où, après un an d’essai, une baisse de 60 % des épisodes d’usage de violence par les policiers et de 88 % des plaintes envers eux avait été constatée. Les chercheurs en sont venus à la conclusion que de tels résultats ont été possibles puisque les situations étaient moins tendues entre les citoyens rendus dociles et les policiers. Toutefois, il est essentiel de se questionner sur les résultats obtenus. Puisque l’étude n’a été effectuée que sur une période d’un an, rien ne peut prouver que la violence dans les interventions policières aurait été en baisse constante si l’étude c’était poursuivie. Il faut envisager que ces résultats aient été possibles uniquement grâce à un effet de nouveauté et qu’après un certain temps les caméras n’amèneraient plus l’effet escompté, soit la baisse de la violence. Il serait donc intéressant pour le SPVM de tester cette nouvelle méthode sur un intervalle de temps plus long que celui de la Californie afin de voir si les caméras corporelles portées par les policiers ont un réel effet sur la baisse de l’utilisation de la violence par ceux-ci.